Nous poursuivons ici l'exposé des conclusions de la conférence de consensus organisée par l'Agence nationale (française) d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) et consacrée à la prise en charge des patients souffrant de mucoviscidose et dont l'espérance de vie peut, aujourd'hui, dépasser la trentaine (Médecine et Hygiène du 29 janvier 2003). Parmi les questions soulevées figure celle des critères diagnostiques de l'infection bronchopulmonaire à Pseudomonas aeruginosa (PA).«L'identification de PA dans les sécrétions oro-pharyngées de sujets sains est inférieure à 5%. Ce germe, à la différence du SA, n'est donc pas un germe commensal, observent les membres de la conférence de consensus. Ainsi, en France, l'Observatoire national de la mucoviscidose rapporte que 39% des patients de moins de 18 ans et 70% des adultes sont colonisés de façon chronique par ce germe. La fréquence et la gravité de l'infection à PA caractérisent la mucoviscidose.Les critères diagnostiques de l'infection bronchopulmonaire à PA associent des critères cliniques et des critères microbiologiques.I Critères cliniques : les critères cliniques d'exacerbation sont indispensables au diagnostic d'infection à PA et sont à analyser soigneusement avant toute décision thérapeutique car des signes cliniques minimes peuvent faire discuter une exacerbation. Ces critères cliniques ne sont pas spécifiques de PA.I Critères bactériologiques : la colonisation par PA peut débuter très tôt dans l'enfance. La première identification dans un prélèvement bactériologique quel qu'il soit définit la primocolonisation. Ceci justifie la recommandation de prélèvements bactériologiques effectués de manière systématique tous les un à trois mois. Le PA peut être responsable d'une exacerbation dès la primocolonisation. Cette identification peut se limiter à une réponse anticorps positive en l'absence de prélèvements bactériologiques non invasifs positifs.«Après une colonisation intermittente où sont identifiées des souches différentes, la colonisation chronique par une souche non mucoïde est la règle précisent les experts. Le terme de colonisation correspond à l'identification bactérienne sur trois examens bactériologiques sur six mois à au moins un mois d'intervalle, ne s'accompagnant d'aucun signe clinique et d'une sérologie négative (moins de deux arcs).» Selon eux, en l'absence de signes cliniques, la seule présence persistante de PA dans les expectorations, aspirations pharyngées ou dans les écouvillonnages pharyngés, même avec prise en compte de l'aspect quantitatif, ne permet pas d'affirmer une infection.L'isolement d'un phénotype mucoïde ne nécessite aucune technique bactériologique particulière et doit être notifié. Il faut bien savoir que la présence de ce phénotype signe l'impossibilité, avec les moyens thérapeutiques actuels, d'éradiquer la bactérie et s'associe à une dégradation plus rapide de la fonction respiratoire.Quid de la détection d'anticorps spécifiques ? Pour les experts, le suivi régulier de certains anticorps anti-PA chez les patients dépistés permettrait d'identifier la primocolonisation plus précocement qu'avec l'étude des prélèvements bactériologiques. Une étude conduite sur ce thème montre que le délai pourrait atteindre six à douze mois. Les antigènes étudiés correspondaient à un lysat de PA, à l'élastase et à l'exotoxine A. La meilleure sensibilité était obtenue avec les anticorps anti-lysat de PA qui s'élevaient chez 63% des patients avant l'isolement bactériologique.La distinction entre colonisation chronique et infection chronique est parfois difficile et des tests sérologiques recherchant par immuno-électrophorèse des arcs de précipitation pourraient là aussi apporter une aide précieuse. Ceci conduit les experts à proposer une surveillance sérologique tous les trois à quatre mois. «L'analyse de la littérature, particulièrement hétérogène dans ce domaine, montre clairement la nécessité d'une standardisation des préparations antigéniques et des techniques utilisées, peut-on lire dans les conclusions. Le jury recommande une coordination nationale avec, si possible, la mise en place de centres de référence assurant l'homogénéité et le contrôle de qualité de ce type d'examen».Une autre question essentielle est celle de la stratégie de l'antibiothérapie quelle que soit la voie d'administration vis-à-vis de PA étant entendu que cette infection constitue un tournant évolutif péjoratif de la mucoviscidose. L'objectif est donc bien de retarder le plus possible la primocolonisation. «Les traitements antibiotiques préventifs de la primocolonisation ne sont pas recommandés dans l'attente du résultat des études en cours ; la vaccination antipyocyanique fait actuellement l'objet d'essais cliniques» précisent les experts. La prophylaxie primaire repose pour l'heure avant tout sur des mesures d'hygiène tant à domicile qu'à l'hôpital. Ces mesures devront être particulièrement renforcées chez les nouveaux patients dépistés à la naissance qui vont fréquenter très tôt les consultations hospitalières.L'antibiothérapie dirigée contre PA représente un progrès majeur dans le traitement de la mucoviscidose : une prise en charge efficace de la primocolonisation et de l'infection est associée à une amélioration significative du pronostic. Ajoutons que des équipes médicales danoises font état actuellement d'un taux de survie à 45 ans égal à 80% (ces chiffres devant être interprétés avec réserve du fait de divers biais méthodologiques) depuis l'utilisation chez leurs patients, dès 1976, d'un protocole antibiotique rigoureux et intensif de la primocolonisation.(A suivre)