La mesure de la pression artérielle à domicile est devenue de plus en plus populaire auprès des patients. Elle permet de responsabiliser les malades hypertendus et elle apporte des informations utiles pour le médecin traitant. L'achat d'un appareil de mesure de la pression artérielle n'est pas chose aisée. Médecins et pharmaciens sont donc souvent exposés aux multiples questions des patients : quel appareil faut-il choisir ? La mesure au poignet est-elle aussi fiable que la mesure au bras ? Les appareils automatiques sont-ils précis ? Quels sont les appareils validés ?Pour tenter de répondre à certaines de ces questions, nous avons réalisé un premier test de validation clinique de douze appareils de mesure de la pression, soit sept appareils mesurant la pression au bras et cinq au poignet. Notre évaluation n'est pas exhaustive mais elle tend à démontrer que les appareils de mesure de la pression artérielle au bras sont plus fiables que les appareils prenant la pression artérielle au poignet même si dans certains cas ces derniers peuvent s'avérer utiles.
L'hypertension artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire important qui touche 24% de la population suisse.1 Traditionnellement, la mesure de la pression artérielle se fait au cabinet du médecin au moyen d'un sphygmomanomètre à mercure. Cette méthode classique est sujette à de nombreux biais liés à l'observateur en particulier le choix préférentiel des valeurs se terminant par 0 et par 5 (digit preference).2 Les appareils automatiques ne sont en principe pas exposés à de tels biais. Pour cette raison, ils sont de plus en plus fréquemment utilisés par les médecins et également par les patients.
L'automesure de la pression à domicile est devenue un élément important dans la prise en charge des patients hypertendus car elle responsabilise le malade et permet d'obtenir des valeurs de pression hors du cabinet médical. Cela permet d'éviter le fameux effet «blouse blanche» selon lequel la pression artérielle mesurée en présence du médecin est plus élevée que celle obtenue à domicile. Aujourd'hui, la mesure de la pression à domicile est avant tout considérée comme une méthode indicative pour le suivi des patients. Elle n'est pas reconnue comme une méthode de diagnostic de l'hypertension artérielle.
Il existe deux types d'appareils automatiques : les premiers mesurent la pression artérielle à l'avant-bras (par méthode oscillométrique et/ou auscultatoire) et les seconds prennent la pression au poignet uniquement selon la méthode oscillométrique. Ces derniers sont de plus en plus populaires. Ce sont ainsi près de 1,2 million d'appareils au poignet qui sont annuellement vendus en Allemagne.3 Le problème principal de tous les appareils automatiques réside dans la validation de leurs mesures. Un appareil devrait être validé de deux manières : d'une part techniquement est-ce que l'appareil fonctionne et d'autre part cliniquement est-ce que les mesures obtenues sont précises ?
La validation technique, soit la norme européenne CE (conformité d'évaluation) ou la norme suisse MD (Medical Device), garantit un fonctionnement technique irréprochable en condition de laboratoire mais ne donne aucune garantie de fiabilité du tensiomètre dans son usage clinique quotidien.4 Seule la validation clinique préoccupe véritablement les utilisateurs médecins, pharmaciens et patients. Malgré l'existence de deux protocoles de validation clinique, le protocole de la British Hypertension Society (BHS) et celui de l'American Association for the Advancement of Medical Instrumentation (AAMI), la plupart des appareils disponibles sur le marché n'ont pas été testés cliniquement et aucune obligation de mesure de précision n'est exigée pour les fabricants.5 La majorité des appareils de mesure sont donc introduits sur le marché suisse sans réelle validation clinique. Cela rend les recommandations d'achat particulièrement difficiles car nous n'avons pas de point de comparaison standardisé.
Nous avons récemment évalué cliniquement douze appareils disponibles en pharmacie ou en grande surface en Suisse. Le test que nous avons appliqué représente la première étape du dépistage proposé dans une version récente des protocoles de validation BHS et AAMI.6
Douze appareils automatiques (sept appareils de mesure au bras et cinq appareils de mesure au poignet) commercialisés en Suisse ont été achetés dans des pharmacies et des grandes surfaces. La moitié des tests de validation a été réalisée à la Policlinique médicale de Lausanne et l'autre moitié a été effectuée à la Policlinique de médecine de Genève (Dr A. Péchère et Mme de Clerck). Pour ce faire, nous avons utilisé la première étape du protocole décrit récemment par O'Brien et coll.6
Trente sujets normotendus ou hypertendus ont participé à l'étude. Ils ont été choisis en fonction de leur niveau de pression artérielle (PA) pour représenter trois catégories de pression : des PA basses (moyenne des pressions = 103,0 ± 6,6/65,2 ± 4,0 mmHg, n = 10), des PA normales (moyenne des pressions = 127,4 ± 8,6/78 ± 3,1 mmHg, n = 10) et des PA élevées (moyenne des pressions = 169,9 ± 5,6/86,3 ± 3,1 mmHg, n = 10). Les sujets dont la circonférence du bras dépassait les valeurs acceptées pour une manchette standard étaient exclus du test. Chaque patient a participé à l'évaluation de six appareils. Pour chaque appareil, la pression artérielle a été mesurée à trois reprises dans les trois catégories de pression si bien que 45 valeurs de pression artérielle systolique et 45 valeurs de diastolique ont été obtenues pour chaque appareil. Le sujet était au repos pendant quinze minutes avant chaque série de trois mesures.
Les mesures de la pression artérielle systolique et diastolique données par les différents appareils ont été comparées aux résultats obtenus par deux observateurs (au moyen d'un double stéthoscope en Y) utilisant un sphygmomanomètre à mercure considéré comme la référence. Les mesures faites par l'appareil automatique et par le sphygmomanomètre étaient simultanées. Les appareils au bras étaient placés sur le même bras que le sphygmomanomètre Quant aux appareils au poignet, la pression artérielle était mesurée aux deux bras ; si la différence entre les appareils au poignet et le sphygmomanomètre n'était pas supérieure à 105, on procédait à la mesure. Pour les appareils au poignet, la pression artérielle était mesurée en plaquant la main sur l'épaule controlatérale de façon à retrouver l'appareil à hauteur du cur. La pression artérielle était mesurée de façon traditionnelle sur l'autre bras après avoir exclu une différence supérieure à 10/5 entre les deux bras au début du test. Pour les appareils au bras, la sortie d'air gonflant la manchette était également branchée sur une colonne à mercure afin de mesurer la pression artérielle dans les mêmes conditions.
Pour chaque mesure faite par un appareil (pa), nous avons calculé la différence (Dp) avec la mesure moyenne obtenue par les deux observateurs (po), Dp = pa-po. D'un point de vue qualitatif, un appareil remplit les critères de validité si sur les 45 mesures, au moins 25 ont une Dp 5 mmHg, au moins 35 une Dp 10 mmHg et au moins 40 une Dp 15 mmHg (tableau 1). Par ailleurs, ce protocole permet aussi d'obtenir une mesure quantitative de la validation clinique, exprimée au moyen d'un score. Ce dernier est calculé de la sorte : si Dp 5 mmHg, trois points sont attribués à l'appareil ; si Dp 10 mmHg, deux points sont attribués et si Dp 15 mmHg, un point est attribué. Enfin, si Dp > 15 mmHg, aucun point n'est attribué. Pour chaque appareil, le score maximal est de 270 points (45 mesures x 3 points pour la pression systolique et la pression diastolique).