La prise pondérale et l'hyperprolactinémie sont des effets indésirables importants des antipsychotiques atypiques. Leur survenue diffère d'une molécule à l'autre. Bien que l'obésité soit associée au diabète, aux anomalies des lipides et à l'hypertension artérielle, des diabètes et des dyslipidémies ont été décrits sous antipsychotiques en l'absence de prise de poids. L'identification précoce de ces effets métaboliques ainsi que la recherche des manifestations cliniques liées à l'hyperprolactinémie sont essentielles dans la prise en charge d'un patient prenant un antipsychotique atypique.
Les indications des antipsychotiques sont la schizophrénie et d'autres troubles psychotiques, ainsi que le traitement d'épisodes maniaques aigus et de certains états d'agitation. Avec le développement des antipsychotiques dits atypiques, on assiste à un élargissement de leur prescription dans des conditions telles que des troubles anxieux, du sommeil ou du comportement, alors que l'on ne dispose que de très peu d'essais cliniques permettant une évaluation fondée dans ces indications. Les antipsychotiques sont retrouvés couramment dans le traitement des patients suivis par des médecins internistes, généralistes ou d'autres spécialités. Or, ces médicaments s'accompagnent d'effets indésirables qui sont à la fois fréquents et grevés d'une morbidité non négligeable. En particulier, leurs conséquences métaboliques et endocriniennes influencent non seulement la qualité de vie mais également la sécurité du patient lors d'un traitement au long cours. Cet article passe en revue leurs effets sur le poids corporel et la prolactine.
On distingue plusieurs classes d'antipsychotiques selon leur structure chimique (tableau 1).
Les effets pharmacologiques des antipsychotiques résultent du blocage d'une grande variété de récepteurs, tels que les récepteurs dopaminergiques, sérotoninergiques, adrénergiques, histaminergiques et cholinergiques.
Le blocage de la transmission de dopamine dans les systèmes mésolimbique et mésocortical, surtout au niveau des récepteurs D2, est considéré comme le principal mécanisme d'action des antipsychotiques. L'antagonisme de la dopamine dans le système nigrostrié explique les effets indésirables extrapyramidaux alors que l'hyperprolactinémie résulte de la réduction de l'inhibition tonique de la libération de prolactine par la dopamine (fig. 1).
Même si tous les antipsychotiques ont une action antagoniste sur les récepteurs D2 de la dopamine, l'importance pharmacologique de ce blocage varie considérablement en fonction de l'affinité pour les autres sous-types de récepteurs dopaminergiques et les récepteurs d'autres neurotransmetteurs.
Les antipsychotiques typiques incisifs (qui réduisent surtout l'activité délirante et hallucinatoire) comme l'halopéridol (Haldol ®) se distinguent par une forte affinité et un blocage relativement sélectif des récepteurs D2. Les antipsychotiques typiques sédatifs (qui diminuent surtout l'angoisse et l'agitation) comme la chlorpromazine (Largactil ®) possèdent, outre leur action antagoniste sur les récepteurs D2, des propriétés antagonistes pour une variété d'autres récepteurs (histaminergiques, adrénergiques a1 et a2, sérotoninergiques 5-HT2, dopaminergiques D3).
La clozapine (Léponex ®) qui est le prototype des antipsychotiques atypiques se caractérise par une forte affinité pour les récepteurs dopaminergiques D4, ainsi que pour les récepteurs sérotoninergiques 5-HT2, cholinergiques muscariniques, adrénergiques a1 et a2 et histaminergiques. L'olanzapine (Zyprexa ®) a un profil d'action similaire. La rispéridone (Risperdal ®) possède une forte affinité pour les récepteurs sérotoninergiques 5-HT2 et pour les récepteurs dopaminergiques D2. L'amisulpride (Solian ®) se distingue par une sélectivité élevée pour les récepteurs D2 (et D3), c'est-à-dire qu'il n'influence directement aucun autre type de système de neurotransmission.
Historiquement, un antipsychotique était défini comme atypique s'il présentait la particularité de provoquer peu ou pas d'effets indésirables extrapyramidaux. D'autres caractéristiques ont été incluses ultérieurement, notamment un profil favorable sur les symptômes négatifs (indifférence affective, perte de volonté...) de la schizophrénie et la cognition, et une efficacité chez les patients schizophrènes résistant aux antipsychotiques classiques. C'est la clozapine (Léponex ®) qui a été particulièrement étudiée dans la schizophrénie résistante.
Si les effets indésirables extrapyramidaux ont considérablement diminué avec les antipsychotiques atypiques, ce n'est pas le cas des effets métaboliques et endocriniens.
La prise de poids est un effet indésirable qui peut avoir des conséquences physiques et psychiques importantes. Elle n'est pas systématique chez tous les patients qui reçoivent un médicament connu pour faire grossir, mais ceux qui en souffrent la considèrent comme très désagréable. Ils sont irrités et déprimés par la modification de leur apparence physique. Ces conséquences ne doivent pas être banalisées, surtout chez des sujets qui ont une difficulté à organiser leur vie affective, sociale et professionnelle. De plus, la prise pondérale est associée à une augmentation de la pression artérielle, de la glycémie et des lipides sanguins.
Remarquée pour la première fois avec la chlorpromazine (Largactil ®), une prise pondérale est un effet indésirable constaté depuis lors fréquemment au cours d'un traitement antipsychotique.1 La prise pondérale apparaît plus importante avec les antipsychotiques typiques sédatifs et les atypiques, et moindre avec les antipsychotiques typiques incisifs.
Pour les antipsychotiques atypiques, les études réalisées lors de leur développement témoignent d'effets non négligeables sur le poids. Dans une étude en double insu portant sur 151 patients souffrant de schizophrénie ou de troubles schizo-affectifs traités pendant quatorze semaines,2 une prise pondérale moyenne de 5,4 kg a été objectivée dans le groupe olanzapine (Zyprexa ®), de 4,2 kg dans le groupe clozapine (Léponex ®), 2,3 kg dans le groupe rispéridone (Risperdal ®) et 0,2 kg dans le groupe halopéridol (Haldol ®). Une prise de poids marquée (définie par une augmentation de plus de 10% du poids corporel de départ) a été notée chez 34% des patients sous olanzapine (Zyprexa ®), 18% sous clozapine (Léponex ®), 10% sous rispéridone (Risperdal ®) et 8% sous halopéridol (Haldol ®). Les résultats suggéraient que les patients qui obtenaient un meilleur bénéfice thérapeutique avec la clozapine (Léponex ®) ou l'olanzapine (Zyprexa ®) étaient également ceux qui risquaient une prise de poids substantielle.
Dans une autre étude réalisée en double insu,3 20% des patients sous olanzapine (Zyprexa ®) avaient pris plus de 10 kg comparativement à 8,6% de ceux sous rispéridone (Risperdal ®). A la fin des 28 semaines d'étude, la prise pondérale moyenne s'élevait à 4,1 kg dans le groupe olanzapine (Zyprexa ®) et 2,3 kg dans le groupe rispéridone (Risperdal ®), une différence statistiquement significative.
Taylor et McAskill4 ont analysé 80 études publiées entre 1980 et 1999 où des modifications du poids corporel sous antipsychotiques ont été rapportées. En raison de la qualité variable des études (suivi court, mesures de poids corporel sans référence à la taille) et de leur hétérogénéité, les auteurs n'ont pas effectué de méta-analyses. Il ressortait néanmoins que la ziprasidone (pas commercialisée en Suisse) n'était pas associée à une prise de poids alors qu'à l'inverse, la clozapine (Léponex ®) comportait le risque le plus élevé de prise pondérale, suivie par l'olanzapine (Zyprexa ®) et la quétiapine (Seroquel ®). Le risque était moindre avec la rispéridone (Risperdal ®) et la zotépine (pas commercialisée en Suisse) et le plus faible avec l'amisulpride (Solian ®). Les études comparatives indiquent que la prise pondérale est généralement plus sévère sous clozapine (Léponex ®) que sous halopéridol (Haldol®) ou rispéridone (Risperdal ®) mais similaire à celle observée sous olanzapine (Zyprexa ®).
Un total de 81 études a été sélectionné par Allison 5 et coll. pour des méta-analyses afin d'estimer les variations moyennes du poids à dix semaines pour chaque antipsychotique. La prise de poids était la plus élevée sous clozapine (Léponex ®) (4,5 kg), suivie par l'olanzapine (Zyprexa ®) (4,2 kg), la thioridazine (Melleril ®) (3,2 kg), la rispéridone (Risperdal ®) (2,1 kg), l'halopéridol (Haldol ®) (1,1 kg) et la plus faible avec la ziprasidone (non commercialisée en Suisse) (0,04 kg). Le placebo était associé à une perte pondérale de 0,7 kg et la molindone de 0,4 kg. Les données disponibles étaient insuffisantes pour la quétiapine (Seroquel ®).
Dans une analyse rétrospective 6 de l'évolution du poids chez 573 patients sous olanzapine (Zyprexa ®) (5 à 20 mg) et 103 sous halopéridol (Haldol ®) (5 à 20 mg) pendant au moins 39 semaines, 26% des patients sous olanzapine (Zyprexa ®) ont perdu ou n'ont pas pris de poids, 44% ont pris jusqu'à 10 kg, 22% ont pris entre 10 et 20 kg et 9% plus de 20 kg. A l'opposé, aucune prise de poids n'était observée chez 47% des patients traités par l'halopéridol (Haldol ®), 44% avaient pris moins de 10 kg, 9% jusqu'à 20 kg et 3% au-delà de 20 kg.
L'ampleur de la prise pondérale associée à l'amisulpride (Solian ®) apparaît plus faible que celle notée sous clozapine (Léponex ®), olanzapine (Zyprexa ®), quétiapine (Seroquel ®) et rispéridone (Risperdal ®). Une prise de poids serait plus fréquente sous amisulpride (Solian ®) que sous halopéridol (Haldol ®) ;7 cependant, en l'absence de comparaisons directes à l'exception de deux études impliquant la rispéridone (Risperdal ®),8,9 ces données méritent d'être confirmées compte tenu de l'augmentation récente de l'utilisation de l'amisulpride (Solian ®).
Une question importante est celle de la stabilisation du poids avec le temps : quelques études indiquent qu'après trois à dix mois, le poids moyen se stabilise. Toutefois, certains patients continuent à prendre du poids au-delà de cette limite de temps. La relation entre la posologie des antipsychotiques atypiques et la prise pondérale n'est pas claire. Ainsi, on peut observer des prises de poids importantes chez des patients qui prennent des faibles doses d'antipsychotiques. Les patients jeunes, de sexe féminin, et qui ont un indice de masse corporelle (IMC ou BMI) bas avant le traitement sont plus à risque de développer une prise pondérale importante sous antipsychotiques.10
Les mécanismes de cet effet indésirable restent en partie inexpliqués. L'augmentation de l'appétit serait au premier plan, bien qu'elle ne soit pas rapportée par tous les patients. L'antagonisme des récepteurs histaminergiques H1 et sérotoninergiques 5-HT2C pourrait jouer un rôle majeur dans l'augmentation de la prise alimentaire.11 Une rétention hydrique, une redistribution des graisses et des variations de tolérance au glucose ont également été évoquées.
La prise de poids iatrogène consiste en une accumulation de graisse qui s'accompagne d'une élévation du taux sérique de leptine. La leptine joue un rôle essentiel dans la régulation hypothalamique du poids corporel. Dans une étude sur dix patients sous olanzapine (Zyprexa ®), la masse maigre est restée inchangée, alors que la masse graisseuse a augmenté de 2,2 kg en moyenne et que la leptine circulante a presque doublé, de 2,5 à 4,6 ng/ml.12 L'augmentation du poids et du BMI objectivée chez des patients sous olanzapine (Zyprexa ®) et clozapine (Léponex ®) était également associée à une élévation du taux plasmatique de leptine (moyenne de 2,3 ng/ml) dans une autre étude.13
L'obésité augmente le risque de développer un diabète, une hypertension artérielle et des anomalies des lipides, prédisposant à des complications cardiovasculaires. Les antipsychotiques qui entraînent une prise de poids font donc courir un risque concomitant de troubles métaboliques glucidiques et lipidiques.
Les phénothiazines, et plus particulièrement la chlorpromazine (Largactil ®), ont été les premiers médicaments psychotropes impliqués dans la survenue d'une hyperglycémie.14 Un nombre croissant de cas publiés et d'études15,16 montre que les antipsychotiques atypiques, principalement la clozapine (Léponex®) et l'olanzapine (Zyprexa®), peuvent induire un diabète et/ou des modifications des lipides (surtout une hypertriglycéridémie).
Les anomalies du métabolisme des glucides et des lipides peuvent survenir en l'absence de prise pondérale, comme l'attestent des cas isolés17,18 et de réexpositions effectuées avec la clozapine (Léponex ®)19 et l'olanzapine (Zyprexa ®)20 qui ont été suivies de la réapparition d'une hyperglycémie après quelques jours. Une complication inhabituelle mais préoccupante consiste en la survenue d'acidocétoses, décrites sous clozapine (Léponex ®)21,22 et olanzapine (Zyprexa ®). A noter que les sujets de race noire semblent être particulièrement à risque de développer ou d'aggraver un diabète sous antipsychotiques atypiques. Le délai entre l'introduction de l'antipsychotique et le développement ou l'aggravation du diabète est variable, de même que celui nécessaire au retour d'une glycémie normale après l'interruption du médicament incriminé. Les mécanismes impliqués dans l'apparition des anomalies du métabolisme glucidique sous antipsychotiques sont mal connus. L'augmentation de la résistance à l'insuline secondaire à la prise de poids est certainement impliquée, mais une influence délétère directe des antipsychotiques sur la sensibilité périphérique à l'insuline ou sur la sécrétion d'insuline par les cellules bêta, et l'antagonisme de récepteurs sérotoninergiques, ont également été évoqués. Il est conseillé de contrôler régulièrement la glycémie et les lipides chez les patients sous antipsychotiques atypiques qui ont des facteurs de risque pour un diabète.
Le tableau 2 mentionne certaines propositions concrètes pour limiter la prise pondérale sous antipsychotiques.
Le suivi de recommandations diététiques permettrait d'éviter la prise pondérale ou d'obtenir une stabilisation, mais les patients ont des difficultés à les suivre. Les conseils d'une diététicienne peuvent aider le sujet à choisir un régime adapté.
Une des stratégies qui vient à l'esprit consiste à réduire la posologie de l'antipsychotique, au prix d'une éventuelle perte d'efficacité. Toutefois, on ne connaît pas l'utilité de cette mesure pour contrer la prise de poids.
Face à ce problème, des stratégies pharmacologiques ont été recherchées. Des études 23 ont suggéré que les antagonistes des récepteurs histaminiques H2 peuvent entraîner une perte de poids. De façon anecdotique, le cas d'un patient schizophrène de 23 ans dont le poids s'est stabilisé puis réduit après l'adjonction d'un antagoniste des récepteurs H2, la nizatidine (Calmaxid ®), à un traitement d'olanzapine (Zyprexa ®), a été décrit.24 Actuellement, il n'est pas possible de donner une quelconque recommandation de prescription.
Le terme d'hyperprolactinémie définit une anomalie biochimique qui peut ne s'accompagner d'aucune manifestation clinique. Lorsque ces manifestations cliniques sont présentes, elles comprennent chez la femme une galactorrhée (le plus souvent manifeste uniquement à la pression), des perturbations du cycle menstruel sous la forme d'une aménorrhée ou d'une oligoménorrhée, souvent précédée d'une spanioménorrhée (irrégularités menstruelles ou allongement progressif des cycles), et une infertilité. La galactorrhée peut survenir sans trouble des règles, d'autant plus sous contraceptifs oraux. En effet, les strogènes facilitent l'induction de la galactorrhée par la prolactine et peuvent masquer une oligoménorrhée. A noter qu'un accroissement du volume des seins (qui peut être douloureux) est systématique lors de galactorrhée. Chez l'homme, l'hyperprolactinémie peut induire une baisse de la libido, une impuissance, une stérilité et plus rarement une gynécomastie ou une galactorrhée.
Lorsque la prolactinémie est très élevée (supérieure à 200 ng/ml), par exemple en présence d'un prolactinome, une dysfonction sexuelle est presque invariablement présente.
Lorsque la prolactinémie est modérément élevée (inférieure à 100 ng/ml), les conséquences cliniques sont moins prédictibles. Dans quelques cas, une élévation minime de la prolactinémie peut néanmoins causer des troubles de l'éjaculation ou de l'érection chez l'homme et des troubles menstruels chez la femme. De nombreux patients avec une élévation peu marquée de la prolactinémie n'ont pas de répercussions cliniques.
Tous les antipsychotiques classiques ont été associés à une élévation du taux sanguin de prolactine.25
La clozapine (Léponex ®) peut entraîner une augmentation minime de la concentration de prolactine lors d'une administration à court terme ; elle n'est cependant pas associée à une hyperprolactinémie persistante.26,27,28 L'olanzapine (Zyprexa ®) peut entraîner une légère hyperprolactinémie en début de traitement mais cette élévation reste en général asymptomatique et transitoire.29 L'élévation de la prolactine pourrait être plus élevée chez les enfants et les adolescents.30 Plusieurs cas de grossesses désirées ou non chez des patientes schizophrènes ont été rapportés après le remplacement d'un antipsychotique typique par la clozapine (Léponex ®)31,32 ou l'olanzapine (Zyprexa ®).33 Ces cas témoignent du manque d'impact de ces molécules sur la sécrétion de prolactine. La quétiapine (Seroquel ®) ne diffère pas du placebo quant à ses effets sur la prolactinémie.34
Kleinberg et coll.35 ont revu les études randomisées contrôlées (contre placebo ou halopéridol) et en double insu, comportant des mesures de la prolactine ou une évaluation des effets liés potentiellement à l'hyperprolactinémie. Tant la rispéridone (Risperdal ®) que l'halopéridol (Haldol ®) étaient associés à une élévation dose-dépendante de la prolactinémie mais l'augmentation était plus marquée sous rispéridone (Risperdal ®).
David et coll.36 ont examiné les effets comparatifs de l'halopéridol (Haldol ®), de la rispéridone (Risperdal ®) et de l'olanzapine (Zyprexa ®) sur la prolactinémie à partir de trois études multicentriques randomisées en double insu. L'augmentation moyenne de la prolactine était discrète sous olanzapine (Zyprexa ®) (1 à 4 ng/ml), intermédiaire sous halopéridol (Haldol ®) (17 ng/
ml) et élevée sous rispéridone (Risperdal ®) (45 à 80 ng/ml). L'augmentation de la prolactine était plus marquée chez les femmes. La prolactinémie diminuait de façon significative lors du passage de l'halopéridol (Haldol ®) à l'olanzapine (Zyprexa ®).
L'amisulpride (Solian ®) entraîne peu d'effets extrapyramidaux ; il a cependant une forte propension à induire une hyperprolactinémie. Dans une étude comparant l'effet d'un traitement de 12 mois d'amisulpride (Solian ®) versus flupentixol (Fluanxol ®) sur les taux sanguins de prolactine,37 l'amisulpride (Solian ®) entraînait des prolactinémies significativement plus élevées. On observait une baisse progressive de la prolactinémie dans les deux groupes après un pic initial un mois après l'instauration du traitement et une normalisation de la prolactinémie deux mois après l'arrêt du traitement.
L'hyperprolactinémie régresse généralement rapidement après l'arrêt de l'antipsychotique incriminé. Cependant, un rebond de prolactine a été décrit chez certains patients ;38,39 une explication proposée serait une hyperactivité dopaminergique à l'arrêt de l'antipsychotique.
La sécrétion de prolactine se trouve sous le contrôle inhibiteur de la dopamine qui parvient aux cellules lactotropes par le système porte hypothalamo-hypophysaire. L'action antagoniste des antipsychotiques sur les récepteurs D2 des cellules lactotropes est responsable de l'augmentation de la libération de prolactine. Cet effet est dose-dépendant, mais il existe d'importantes variations interindividuelles.
L'hyperprolactinémie interfère avec l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique, par inhibition de la sécrétion pulsatile normale de GnRH (et par voie de conséquence de la sécrétion de LH et de FSH) et par des effets inhibiteurs au niveau de la glande pituitaire et des gonades. Il existe des récepteurs spécifiques à la prolactine dans le tissu mammaire et dans plusieurs autres organes tels que le cerveau, le foie, les testicules et les ovaires. Un déficit de stéroïdes sexuels constitue la conséquence potentiellement la plus importante de l'hyperprolactinémie.
S'il a été démontré que l'administration de prolactine augmente le taux de cancers du sein chez la souris,40 les données chez l'homme sont limitées et contradictoires. Des études récentes 41,42 suggèrent l'existence d'un lien entre l'hyperprolactinémie et l'augmentation du risque de cancer du sein. La réalité de ce risque est toutefois difficile à évaluer.
La baisse des strogènes et de la testostérone consécutive à l'hyperprolactinémie est associée à une diminution de la densité osseuse chez la femme jeune (avec une aménorrhée secondaire) ainsi que chez l'homme. L'hyperprolactinémie n'a pas le même retentissement chez la femme ménopausée qui présente par définition un hypogonadisme. Dans une étude animale 43 et une autre chez des femmes avec une hyperprolactinémie et une aménorrhée,44 la diminution de la masse osseuse a été attribuée au déficit en strogènes induit par l'hyperprolactinémie plutôt qu'à un effet direct de la prolactine sur le métabolisme phosphocalcique et la masse osseuse. La diminution de la densité osseuse observée chez les schizophrènes résulte également d'autres facteurs tels que les habitudes alimentaires, le tabagisme et le manque d'exercice physique.
Au vu de la rareté des cas de prolactinomes sous antipsychotiques rapportés dans la littérature, il n'est pas possible de conclure que l'incidence des prolactinomes est augmentée chez les patients sous traitement antipsychotique au long cours.45
Un dosage de la prolactine n'est indiqué que lorsqu'une galactorrhée, des perturbations du cycle menstruel ou des troubles sexuels surviennent sous antipsychotiques.
La prolactinémie matinale peut atteindre cinq à dix fois la norme chez un patient traité par un antipsychotique, rarement davantage.46
Une prolactinémie supérieure à 200 ng/ml est encore compatible avec un effet secondaire d'un antipsychotique mais doit faire évoquer fortement la présence d'un prolactinome, à plus forte raison en présence de céphalées ou de troubles visuels. Les taux de prolactine sont corrélés à la taille du prolactinome.
A des concentrations plus faibles, le diagnostic différentiel se pose principalement avec une grossesse débutante, une hypothyroïdie primaire, un microprolactinome ou une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire d'autre origine.
Il faut se méfier des élévations légères ou modérées de la prolactine (30 à 150 ng/ml) qui peuvent correspondre à une tumeur compressive (avec déconnection hypothalamo-hypophysaire).
Une hyperprolactinémie asymptomatique ne nécessite pas d'adaptation du traitement.
Le tableau 3 mentionne certains aspects pratiques face à une hyperprolactinémie symptomatique sous antipsychotiques.
Dans la situation rare où la poursuite du médicament est indispensable, l'administration d'agonistes dopaminergiques comme la bromocriptine (Parlodel ®) ou la cabergoline (Dostinex ®) s'est révélée efficace, au prix d'un risque (faible) de déclencher ou d'exacerber des symptômes psychotiques.47
L'augmentation du poids corporel qui accompagne l'emploi de certains antipsychotiques atypiques largement prescrits constitue pour les patients un motif d'insatisfaction et d'interruption du traitement. La prise concomitante de certains antidépresseurs ou stabilisateurs de l'humeur, eux-mêmes susceptibles d'entraîner une prise de poids, peut contribuer à aggraver l'excès pondéral. L'obésité favorise le développement d'un diabète, d'une dyslipidémie, d'une hypertension artérielle, de calculs biliaires et de problèmes articulaires. La prise de poids demeure un effet indésirable difficile à gérer.
L'aripiprazole a été associée à une faible prise pondérale dans les essais cliniques, elle modifie peu la sécrétion de prolactine et n'est pas associée à un allongement significatif du QT. La ziprasidone n'entraîne pas (ou peu) de prise pondérale ; seule une discrète élévation de la prolactine a été rapportée avec de fortes doses. Cependant, l'allongement du QT observé sous ziprasidone apparaît plus important qu'avec les autres antipsychotiques atypiques mais moindre qu'avec la thioridazine (Melleril ®). La mise sur le marché suisse de nouveaux antipsychotiques pourrait se révéler intéressante par rapport au risque de prise pondérale et aux risques inhérents à l'augmentation de la prolactine.