Une équipe de chercheurs français dirigée par Nicolas Lévy1 vient de démontrer le rôle du gène LMNA dans la progérie (ou progeria), cette maladie génétique très rare caractérisée par un vieillissement prématuré et accéléré de l'organisme. Cette découverte s'inscrit dans le cadre d'une série de recherches qui portaient originellement sur certaines maladies neuromusculaires dans lesquelles la protéine lamine (et le gène LMNA qui la code) joue un rôle essentiel. Ces travaux feront l'objet d'une prochaine publication dans la revue américaine Science et sont d'ores et déjà accessibles sur le site Science Express (www.sciencexpress.org).La progeria (du grec gerôn, «vieillard») est aussi connue sous la dénomination de syndrome d'Hutchinson-Gilford, rappelle-t-on auprès de l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Il s'agit d'une maladie génétique extrêmement rare (1 naissance sur 4 à 8 millions) touchant les enfants de tout sexe et se caractérisant par un vieillissement prématuré et accéléré. «Ces enfants ont l'apparence et la physiologie d'une personne âgée. Les symptômes les plus souvent rencontrés sont : cheveux rares, raideur articulaire, problèmes cardiovasculaires, peau fine et glabre, exophtalmie. Aucun traitement n'existe à ce jour et l'espérance de vie reste très limitée (environ 13 ans).»Cette affection a été décrite pour la première fois en Angleterre (en 1886 puis en 1904) par les Drs Hutchinson puis Gilford. En un siècle seulement, une centaine de cas ont été identifiés dans le monde, et ce sur tous les continents. La physiopathologie de cette affection demeurait jusqu'à présent un mystère. Les chercheurs français démontrent aujourd'hui son origine génétique, en mettant en évidence l'existence d'une mutation dans le gène LMNA situé sur le chromosome 1. On sait que ce gène dirige la synthèse de la lamine A, une protéine déjà connue pour son rôle dans le maintien structural de l'enveloppe entourant le noyau des cellules. Les anomalies des lamines, et donc de l'enveloppe nucléaire, perturbent le fonctionnement normal des cellules, et leur division. La réparation et le renouvellement des tissus seraient alors altérés, entraînant un vieillissement pathologique.«Des mutations du gène LMNA sont déjà connues pour être responsables de certaines maladies neuromusculaires comme la dystrophie musculaire d'Emery-Dreifuss, la cardiomyopathie dilatée, les myopathies des ceintures mais aussi de la lipodystrophie, explique l'INSERM. L'équipe de Nicolas Lévy a par ailleurs montré l'implication de la lamine A/C dans une pathologie du nerf périphérique (Charcot-Marie-Tooth de type 2). Ces pathologies liées à la lamine (laminopathies) n'affectent principalement qu'un seul tissu à la fois (le muscle, le cur, le tissu adipeux, le nerf périphérique, etc.), alors que les lamines sont présentes dans tous les types de cellules. L'identification, en 2002, par une équipe italo-française (American Journal of Human Genetics, G. Novelli, et coll., avril 2002) de la dysplasie acro-mandibulaire (affectant plusieurs types de tissus et rappelant, dans certains de ses aspects, le vieillissement accéléré) comme une laminopathie, a amené les chercheurs à faire le lien avec la progeria. Des études ultérieures s'appliqueront à vérifier si d'autres mutations dans la lamine ou d'autres gènes sont impliqués dans la progeria ou des syndromes apparentés.»Cette découverte, essentielle dans la connaissance d'une maladie aussi rare que la progeria, pourrait dépasser de beaucoup cette entité pathologique en ouvrant de nouvelles perspectives dans la compréhension du vieillissement pathologique, mais peut-être aussi, dans celle du vieillissement que nous qualifions aujourd'hui de normal. Pour l'INSERM, ces résultats démontrent, une nouvelle fois, que des recherches menées sur des maladies rares peuvent souvent apporter des avancées fondamentales pour la compréhension d'affections plus fréquentes, mais aussi dans celle de processus physiologiques universels. D'ores et déjà un vaste réseau européen de recherche sur les laminopathies, composé d'une trentaine de partenaires français et européens, dont l'équipe de Nicolas Lévy, vient de déposer une demande de financement auprès de la Commission européenne.1 Cette équipe est dirigée par Nicolas Lévy (Unité INSERM 491, Faculté de médecine de Marseille, et Département de génétique médicale, Hôpital de la Timone Marseille), en collaboration avec Pierre Cau (Unité INSERM 491, et Laboratoire de biologie cellulaire Hôpital de la Conception Marseille) et l'équipe d'Arnold Munnich (Unité INSERM 393, Hôpital Necker Paris).