Nous poursuivons ici l'exposé des grandes lignes des recommandations que vient de formuler l'Agence nationale française d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) sur le thème des modalités de prise en charge de l'adulte nécessitant des soins palliatifs (Médecine et Hygiène du 7 mai 2003). Après avoir souligné que «le respect du confort, du libre arbitre et de la dignité» figurait au premier rang des principes de cette prise en charge, les experts réunis sous l'égide de l'Anaes ajoutent ensuite, parmi les priorités, «la prise en compte de la souffrance globale du patient», «l'évaluation et le suivi de son état psychique», la «qualité de l'accompagnement et de l'abord relationnel», «l'information et la communication avec le patient et ses proches», «la coordination et la continuité des soins», la prise en charge de la phase terminale et de l'agonie ainsi, enfin, que «la préparation au deuil».
La douleur
C'est bien évidemment l'un des chapitres clés des modalités de cette prise en charge qui comprend l'évaluation de cette douleur et l'administration de traitements antalgiques. «Chez le malade en fin de vie, l'angoisse et la douleur s'intriquent souvent. Il est donc recommandé d'analyser ce que recouvre la plainte douloureuse pour évaluer la demande réelle du patient et orienter au mieux la prise en charge» soulignent les auteurs des recommandations de l'Anaes. Dans cette optique l'analyse de la «douleur» doit, de manière impérative, comprendre l'évaluation de ses «causes», de ses «mécanismes», de ses «topographies», et de son retentissement «sur le comportement quotidien et l'état psychologique du patient et de son entourage (...)». Additif : «Il est recommandé de rechercher systématiquement une dépression et/ou une anxiété qui nécessite une prise en charge spécifique.»
La thérapeutique antalgique
«Le premier temps du traitement antalgique est de rassurer le patient sur l'engagement de l'équipe soignante à faire le maximum pour soulager sa douleur, précisent avant tout les auteurs du rapport de l'Anaes. Les antalgiques non spécifiques et des mesures coantalgiques sont à associer à un traitement étiologique quand celui-ci est possible.» L'OMS préconise pour sa part de privilégier la voie orale, d'administrer les antalgiques de manière préventive et non au moment de la survenue de la douleur, d'individualiser le traitement, de réévaluer régulièrement ses effets (au minimum quotidiennement jusqu'à l'obtention d'une antalgie efficace), d'informer le patient et son entourage des effets indésirables possibles et de mettre à disposition des moyens d'y faire face.
Les opioïdes forts
Contrairement à certains préjugés encore largement répandus en France notamment ils peuvent éventuellement être utilisés d'emblée face à des douleurs intenses. On observera toutefois que chez le sujet âgé une attention particulière doit être accordée à la recherche de la posologie minimale de nature à calmer la douleur, des médicaments à élimination rapide devant d'autre part être préférés aux autres. «En cas de traitement par les opioïdes forts, il est recommandé de le débuter par le sulfate de morphine orale à libération immédiate ou éventuellement à libération prolongée, précisent les auteurs. Chez le sujet âgé ou chez les patients nécessitant des doses inférieures à 5 milligrammes par prise, la solution de chlorhydrate de morphine est utile. Une fois la dose de morphine efficace quotidienne déterminée (titration morphinique), le relais peut être proposé soit par une forme de morphine orale à libération prolongée (sulfate de morphine), soit par du fentanyl transdermique (patch). En complément du traitement de base, il est recommandé de prévoir un supplément d'antalgie par un morphinique d'action rapide.»
Que faire en cas d'échec de la morphine orale ?
Il faut alors réévaluer soigneusement le cas du patient et, notamment, rechercher l'existence d'un mécanisme neurogène ou une composante importante de nature émotionnelle ou cognitive. «S'il s'agit bien d'une douleur purement noniceptive, en cas d'échec d'un traitement en raison d'effets indésirables incontrôlables avec la morphine, il est recommandé soit d'envisager le traitement pour un autre opioïde, soit une modification de la voie d'administration» précisent les auteurs. Ils ajoutent que lorsqu'il est impossible d'utiliser la voie orale, il est recommandé de passer à la morphine par voie injectable, sous-cutanée ou intraveineuse. L'antalgie par voie intraveineuse ou sous-cutanée autocontrôlée par le patient est particulièrement indiquée pour les douleurs survenant à la mobilisation, lors d'un soin ou encore en cas de douleurs à caractère paroxystique.
«En dernier recours, écrivent les auteurs, il peut être proposé pour des patients en amont de la phase terminale, et après discussion avec une équipe spécialisée, une administration de la morphine par voie centrale, périmédullaire (péridurale ou intrathécale) ou intracérébro-ventriculaire selon la localisation de la douleur.» On observera que de telles techniques réclament une mise en route et un suivi régulier par un médecin formé à leur maniement.