Le dimache 4 mai 2003, un animal voyait le jour dans la ville de Moscow, Etat de l'Idaho. Près de 50 kilogrammes, pas d'anomalies visibles. On peut le voir, depuis le 30 mai sur le site de l'hebdomadaire américain Science qui vient de nous révéler l'existence d'Idaho Gem, premier mulet et premier équidé de l'histoire à avoir été créé par clonage. Une affaire qui dépasse les seuls miracles du transfert nucléaire et qui pourrait bientôt faire trembler cet empire qu'est le monde des courses hippiques. De ce point de vue Idaho Gem pourrait bien marquer une étape préliminaire mais essentielle dans les perturbations sociales et économiques induites par la technique du clonage. Voyons l'affaire.Pour la science, qui s'habitue elle-même si vite aux prouesses qu'elle génère, rien de bien neuf sous le soleil montant, à l'aube de notre troisième millénaire chrétien ; rien de bien neuf si ce n'est qu'Idaho Gem est le premier mulet de l'histoire à avoir été obtenu à partir de la technique du clonage ; sept ans après la création, sur la lande écossaise de Dolly, Idaho Gem est aussi le premier clone d'équidé, (équidé : «famille de mammifères herbivores dont les pattes sont terminées par un seul doigt et qui compte en son sein les chevaux, les ânes, les onagres et les zèbres»). Précisons, comme vient de nous le rappeler un ami vétérinaire, que cette famille a entre autres particularités, celle de permettre des croisements fertiles entre le cheval et l'âne. Ces croisements donnent le jour à des hybrides stériles : mules et mulets d'une part (via le croisement âne-jument) et d'autre part bardots (on écrit aussi bardeaux) via le croisement cheval-ânesse.La science, donc, retiendra que l'équipe américaine dirigée par Gordon L. Woods (Université de l'Idaho) et Barry J. Pate (Université de l'Utah) est parvenue à créer Idaho Gem à partir d'un transfert nucléaire, que le noyau a été ici extrait d'une cellule prélevée sur un ftus de mulet âgé de 45 jours ; que ce noyau a été placé dans le cytoplasme d'un ovocyte énucléé prélevé sur une jument ; qu'il aura au total fallu environ 300 tentatives avant d'obtenir le premier succès. Dans le détail : 334 transferts intra-ovocytaires, 305 implantations ; 21 «juments porteuses» gravides ; une gestation de 346 jours pour Idaho Gem ; deux autres naissances de mulets clonés attendues dans les prochaines semaines.«Cette première, fort instructive d'un strict point de vue scientifique, ouvre clairement la porte à la pratique du clonage des chevaux, a expliqué au Monde Jean-Paul Renard, responsable du programme du clonage des mammifères à l'Institut national de la recherche agronomique. Jusqu'à présent l'obtention d'équidés à partir de la technique du transfert nucléaire ne se soldait que par des échecs à la différence de ce qui était observé dans les espèces bovines ou ovines.»Dans leur publication les chercheurs américains fournissent une série de détails scientifiques concernant les mouvements intra-membranaires de calcium qui pourraient, demain, augmenter les taux d'efficacité de la pratique du clonage par transfert nucléaire.Mais allons un instant au-delà de la seule science. La création d'Idaho Gem ouvre clairement la porte au clonage des chevaux ? Peut-on dès aujourd'hui mesurer la portée d'une telle entreprise ? C'est qu'il ne s'agira pas seulement ici de lait, de viandes, de labours ou de transgenèse à des fins pharmaceutiques.Cloner des chevaux c'est, pour le dire simplement, prendre le risque de bouleverser l'équilibre sur lequel repose tout le monde des compétitions hippiques et des activités hautement rémunératrices qui y sont liées, depuis la sélection et l'élevage jusqu'aux paris sur les résultats. Comment pourrait-on sans ruiner cet équilibre s'engager dans la multiplication par clonage d'animaux qui, du fait de leurs ascendances et des performances réelles ou supposées qui y sont associées valent, aujourd'hui, des sommes considérables ?Comment la diffusion de cette technique pourrait-elle ne pas perturber les règles bien codifiées de l'amélioration génétique des races d'équidés. Comment marier clonage et saillie naturelle, technique qui, bien souvent dans ce monde fermé demeure la seule méthode de reproduction autorisée ?Verra-t-on, après-demain, des compétitions hippiques réunissant des chevaux clonés et d'autres qui ne le seront pas ou faut-il imaginer le développement de deux mondes différents, séparant les chevaux selon leur mode de création ? Ou pour le dire autrement le clonage sera-t-il intégré comme une nouvelle possibilité d'améliorer la race chevaline avant de devenir, merci Huxley, une méthode complémentaire d'obtention d'êtres humains.