La chirurgie de réduction de volume pulmonaire est considérée à l'heure actuelle comme une alternative thérapeutique dans des cas sélectionnés d'emphysème pulmonaire invalidant. Des résultats prometteurs ont été observés après ce type de traitement ; ceux-ci vont être discutés avec un accent particulier sur les critères de sélection, les techniques chirurgicales ainsi que sur les résultats cliniques et fonctionnels à moyen et long terme.
L'emphysème pulmonaire se caractérise par une dilatation des espaces aériens au-delà des bronchioles terminales associée à une destruction des parois alvéolaires (fig. 1) ; dans les formes sévères de la maladie, on observe une insuffisance respiratoire ainsi qu'un cur pulmonaire chronique.
La chirurgie de réduction de volume pulmonaire, grâce à la résection des zones de parenchyme les plus altérées (fig. 2), permet de restaurer une meilleure mécanique respiratoire se traduisant sur le plan clinique par une amélioration de la dyspnée, de la dépendance à l'oxygène, de la tolérance à l'effort et en définitive de la qualité de vie des patients.1,2 Du point de vue fonctionnel, cette technique permet d'obtenir une amélioration du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) associée à une diminution de l'hyperinflation se traduisant par une diminution du volume résiduel (VR).2 Cette approche a été reconsidérée dans le traitement de l'emphysème pulmonaire sévère à partir du début des années 90 ; depuis, la méthode a fait l'objet de plus de 500 publications, montrant des résultats préliminaires prometteurs.3 Toutefois, une application indiscriminée est à proscrire car les résultats postopératoires dépendent étroitement des critères de sélection.4
Les critères de sélection actuellement admis par la plupart des centres pratiquant ce type de chirurgie comprennent des éléments cliniques, fonctionnels et morphologiques, résumés dans le tableau 1. En général, cette approche s'adresse à des patients présentant un emphysème sévère (VEMS 200% associés à une altération importante de la qualité de vie. Sur le plan clinique, un âge avancé (> 75 ans), le tabagisme actif, une infection active, une cardiopathie ou coronaropathie sévère, l'hypertension pulmonaire (Pap moyenne > 35 mmHg), de même qu'une affection néoplasique constituent des contre-indications à la chirurgie.1,4 Du point de vue fonctionnel, les patients présentant une atteinte sévère de type vanishing lung caractérisée par un VEMS 2 > 55 mmHg) ne bénéficient pas de ce type de traitement. Ceci est particulièrement bien illustré par les résultats préliminaires du National Emphysema Treatment Trial qui montrent, chez des patients présentant un VEMS 5
Sur le plan morphologique l'imagerie, grâce au CT-scan thoracique à haute résolution (fig. 2) et à la scintigraphie pulmonaire ventilée et perfusée (fig. 3), est un outil indispensable afin de déterminer d'une part si l'atteinte est de type homogène ou hétérogène et d'autre part pour identifier les «zones cibles» de résection.6,7
L'intervention chirurgicale peut être réalisée par sternotomie, thoracotomie postéro-latérale ou par voie thoracoscopique. La sternotomie a été la première voie d'abord décrite, elle permet de réaliser un geste chirurgical bilatéral simultané avec des taux de mortalité rapportés variant entre 0 et 17% selon les séries.3 L'amélioration fonctionnelle obtenue après chirurgie par sternotomie est comparable à celle observée après approche par voie thoracoscopique, ceci a été confirmé par des études comparatives non randomisées.8,9 Par contre, en cas d'intervention effectuée par sternotomie, les taux de mortalité et de morbidité postopératoires étaient significativement plus élevés.
La voie d'abord par thoracotomie uni- ou bilatérale est peu décrite, cette approche peut être toutefois retenue en cas de présence d'adhérences pleurales ou lors de chirurgie de réduction de volume pulmonaire combinée à la résection d'un cancer pulmonaire.10,11
Actuellement, la thoracoscopie (fig. 4) doit être considérée comme la technique de choix. Par cette voie, environ 30% du parenchyme pulmonaire sont réséqués par agrafage comme illustré par la figure 5.
L'étendue de la résection pulmonaire (uni- ou bilatérale) est un sujet controversé. Une réduction de volume pulmonaire bilatérale simultanée offre clairement un gain fonctionnel plus important à court terme par rapport à une approche unilatérale.12,13 Malgré ceci la chirurgie de réduction pulmonaire doit être imaginée comme une modalité thérapeutique à visée palliative pour laquelle l'intervention la moins invasive et agressive devrait être envisagée. D'autre part, après chirurgie unilatérale, il sera possible d'effectuer une intervention controlatérale en cas de réapparition de symptômes invalidants.14 Enfin, la détérioration fonctionnelle postopératoire observée après chirurgie bilatérale est plus marquée qu'en cas d'opération unilatérale (255 ml/an versus 107 ml/an).15
Dans ce contexte, depuis 1995, nous avons adopté, en cas d'emphysème sévère, une approche unilatérale par voie thoracoscopique.14 Dans notre collectif de 45 patients opérés, nous n'avons pas enregistré de mortalité à trente jours ni de réintubation ou de trachéostomie. Une amélioration clinique et fonctionnelle (dyspnée, test de marche) a pu être observée jusqu'à la cinquième année postopératoire. Dans la série, six patients (14%) ont eu une intervention controlatérale après un intervalle moyen de 34,6 mois.
L'influence de la chirurgie sur la survie des patients atteints d'emphysème pulmonaire n'est pas établie, l'analyse finale des résultats du NETT Trial permettra de donner une réponse à cette question primordiale.16 Néanmoins, dans une étude comparant l'évolution entre vingt-deux cas pour lesquels l'intervention avait été refusée et 65 cas opérés, on constatait une amélioration plus durable et une meilleure survie à trois ans pour les patients traités chirurgicalement : 82% versus 64%.17
Nous considérons la chirurgie de réduction de volume pulmonaire pour emphysème comme un traitement de type palliatif dont l'effet a une durée limitée dans le temps.
Donc l'approche la moins agressive avec le meilleur rapport thérapeutique (amélioration de la qualité de vie/morbidité et coûts) nous paraît être la plus appropriée. La chirurgie de réduction de volume pulmonaire est un procédé onéreux, les candidats potentiels sont nombreux et pour la plupart âgés ; l'ensemble des coûts doit par conséquent être analysé parallèlement aux gains potentiels en termes de qualité de vie et de durée de cette amélioration.1 A l'heure actuelle, uniquement grâce une application stricte des critères de sélection, ainsi que par une amélioration de ceux-ci, on peut identifier les patients susceptibles d'obtenir un bénéfice après intervention chirurgicale.1