La médecine, tout le monde le reconnaît et en admet les avantages et les bénéfices, a accompli de nombreux progrès, en particulier ces dernières années, et surtout sur le plan technique. Nul ne songerait d'ailleurs à remettre en cause le résultat de ces avancées et, partant, à se priver ainsi des chemins possibles vers une immortalité que nous recherchons tous désespérément, comme instinctivement, de façon inconsciente et sans nous l'avouer.La relation thérapeutique, le fameux «colloque d'Hippocrate», a également évolué en parallèle, et ce en particulier sur le plan médico-légal. Ceci s'est particulièrement concrétisé de façon assez spectaculaire et rapide ces dernières années au regard de l'évolution de la doctrine médico-légale ainsi que de la jurisprudence de notre Haute Cour.D'une relation thérapeutique dans laquelle le médecin jouait il y a peu un rôle plutôt paternaliste et protecteur, voire quelque peu condescendant, on est passé à une relation basée sur l'échange, de type participatif, dans laquelle le patient se doit de se sentir investi d'une responsabilité et d'une part plus importante qu'il est censé prendre aux décisions qui le concernent.La modification de cette relation, qui n'est pas encore entrée dans les murs de façon absolue, dépend aussi des avancées proposées par Internet. En effet, les sites ayant trait à des problèmes médicaux, qu'ils soient sérieux ou qu'ils le soient un peu moins, pullulent sur la toile et sont parmi ceux qui enregistrent le plus de visites de la part d'internautes curieux ou avisés.Ne voit-on pas à l'heure actuelle même si cela n'est pas une règle générale des patients venir en consultation armés de toute une série de pages qu'ils ont imprimées au cours de leur navigation sur le net. Et là, muni de cette documentation, il est assez fréquent que le patient interpelle son médecin en lui déclarant que, renseignements pris, il a constaté que dans tel ou tel pays sa pathologie se soignait d'une autre façon, ou requérait d'autres médicaments. Ces interpellations qui parfois dérangent, ont souvent le mérite d'inciter tel confrère à entrer dans le jeu et à accepter l'ouverture d'une discussion en donnant des précisions ou des éclaircissements aux patients demandeurs. C'est là la situation idéale basée sur un échange transparent, clair et objectif. Certes, tous les patients ne souhaitent pas ce type d'échange et préfèrent se laisser guider confortablement en partant du principe que le médecin sait ce qu'il fait.Qui plus est, on a constaté à plusieurs reprises ces dernières années et on a pu le regretter à certaines occasions que le Tribunal fédéral des assurances a consacré le principe de l'obligation de renseigner du médecin afin que le patient puisse, muni de ces différents renseignements, prendre une décision en toute connaissance de cause et, partant, donner au traitement qu'on lui propose son consentement dit «libre et éclairé».Le Tribunal fédéral va même plus loin puisqu'il a exigé tout récemment que le médecin renseigne son patient, non pas seulement sur les aspects purement médicaux (diagnostic, traitement envisageable, conséquences, etc.), mais également sur des problèmes liés à l'application des dispositions légales relatives à la loi sur l'assurance maladie ou à d'autres assurances sociales de base.Le médecin est donc tenu, non seulement de renseigner son patient et d'obtenir son consentement sur les aspects purement médicaux, mais également sur des aspects assécurologiques jusqu'à et y compris les modalités de prise en charge du traitement qu'il préconise.Nous avons regretté à plusieurs reprises que notre Haute Cour pousse le raisonnement aussi loin, partant du principe que si le médecin était formé correctement en médecine, il n'était plus tout à fait aussi à l'aise dans les domaines liés à la prise en charge par un assureur de tel ou tel traitement, et que c'était beaucoup exiger de lui que de lui demander d'être un conseiller en assurance.La jurisprudence est toutefois là et tout tribunal inférieur serait tenu de s'y référer et de l'appliquer sans état d'âme jusqu'au moment où, éventuellement, le Tribunal fédéral serait appelé à changer son fusil d'épaule et à adopter une autre jurisprudence.On insiste donc beaucoup sur la position centrale du patient et sur la responsabilité qu'il partage avec son médecin traitant dans la conduite du traitement qui lui est proposé, puis appliqué.La clé de voûte de tout ce système est donc le «consentement libre et éclairé», principe consacré également à réitérées reprises par l'ensemble de la littérature consacrée à l'éthique.Le consentement libre et éclairé, parlons-en
S'il ne viendrait à l'idée de personne de contester ce principe unanimement reconnu à l'heure actuelle, on peut toutefois se demander dans quelle mesure il ne doit être appliqué que dans le domaine purement médical.En effet, l'ensemble des autres domaines auquel nous avons l'occasion d'être confrontés durant notre existence ici-bas pourrait appeler de la même façon une prise de responsabilité de chacun, responsabilité dont l'application requiert bien entendu d'être parfaitement au courant de la situation, de ses tenants et de ses aboutissants.C'est ainsi que l'on parle également du «consommateur averti», qui tient à savoir d'où proviennent les produits qu'il est sur le point d'acheter et qui détaille avec minutie les étiquettes de tout ce qu'il achète afin d'être bien au clair sur ce qu'il est susceptible de retrouver dans son assiette.Patient dûment informé et consentant, consommateur averti, pourquoi ne pas étendre encore ce principe en l'appliquant, par exemple et tout à fait au hasard, à la notion de citoyen ?Dans les domaines dans lesquels le citoyen peut être appelé à se prononcer par la voie des urnes et Dieu sait si dans ce pays on est servi sur le plan des votations et des élections on peut se demander si la classe politique fait réellement son travail d'information. Nous ne voulons pas parler simplement de l'abondante documentation que l'on reçoit avant chaque votation et que fort peu d'entre nous prenne la peine de lire tant elle est indigeste et aborde des problèmes qui sont parfois bien compliqués. On a plutôt tendance, il est vrai, à s'abandonner quelque peu et à faire confiance aux slogans ou aux prises de position des différents partis.Nous voulons toutefois parler ici, non pas simplement du moment de la votation, mais de la préparation des textes au sein des Chambres fédérales par nos élus. Ceux-ci bénéficient certes de notre confiance et celle-ci est régulièrement redonnée tous les quatre ans, à moins que le parlementaire en question n'ait fait une grosse bêtise. Toutefois, au moment des travaux tant au Conseil national qu'au Conseil des Etats, on se rend compte que fort peu d'explications sont données à l'ensemble de la population. Parlons par exemple de la «fin de l'obligation de contracter». Sous ce vocable assez hermétique et peu clair, moultes fois invoqué par les assureurs comme remède à la hausse des coûts, se cache en réalité un concept qui introduit un changement fondamental dans la loi sur l'assurance maladie. Rappelons ici, pour la énième fois, que la fin de l'obligation de contracter signifie simplement que l'assureur ne serait plus tenu de rembourser les factures émises par des médecins avec lesquels il ne souhaite plus travailler, c'est-à-dire ne plus avoir de contrat. La LAMal, rendue obligatoire pour tous par votation populaire en 1994, et entrée en vigueur en 1996, consacre toutefois le principe de la liberté de choix du médecin par l'assuré-patient. Cette liberté de choix est également rappelée dans la quasi-totalité des dispositions légales cantonales.Les travaux concoctés par les chambres à l'heure actuelle et qui devraient aboutir à la fin de l'obligation de contracter dans le cadre de la deuxième révision de la LAMal durant cette session d'automne représentent à notre avis un changement majeur à cet égard.Dans la mesure où il apparaît clairement que fort peu de patients et assurés sont au courant des conséquences de cette deuxième révision de la LAMal que d'aucuns considèrent comme anodine et purement routinière il nous apparaît qu'il est temps d'appliquer dans le domaine de la citoyenneté également le principe du consentement éclairé. C'est ainsi qu'il devient justifié, voire indispensable, de donner à cette occasion la parole au peuple. Pour ce faire, notre système constitutionnel ne prévoit pas beaucoup d'autres solutions que le référendum.Dans la mesure où la majorité des partis, gauche et droite confondues, vont vraisemblablement accepter cette modification sans sourcilier, il est normal qu'un des acteurs du domaine de la santé, à savoir le corps médical, propose le lancement du référendum à cette occasion.Il ne s'agit pas là de défendre un privilège que l'on pourrait qualifier de corporatiste, mais simplement de donner la parole au premier concerné, à savoir le citoyen-assuré-patient, afin qu'il puisse au moment de la votation, connaître clairement les conséquences de cette révision.C'est ainsi que l'on donnera à la notion du consentement éclairé toute sa signification et que l'on pourra accepter l'âme et la conscience tranquilles le résultat de la votation référendaire, quel qu'il soit