L'horizon ne s'éclaircit pas franchement en matière de recherche pour la mise au point d'un vaccin contre le VIH. Réunis du 18 au 21 septembre à New York, chercheurs, épidémiologistes et industriels ont constaté qu'il y avait encore beaucoup de travail de paillasse à faire pour comprendre les défaillances actuelles des préparations vaccinales. Une meilleure maîtrise de l'immunité cellulaire, et un approfondissement de la connaissance du rôle des cellules dendritiques notamment semblent être des pré-requis.L'événement de cette conférence n'aura pas été médical, mais relève plutôt des sciences sociales. De nombreuses communications ont été consacrées à l'échec de l'étude menée avec le vaccin produit par la firme Vaxgen, à partir de la protéine d'enveloppe gp 120 recombinée. C'est le seul vaccin qui ait jamais achevé une phase III, bien que peu de spécialistes y voient un intérêt réel.Ce vaccin a donc démontré son inefficacité, mais également, de façon plus inquiétante, que la mise sur le marché d'un éventuel vaccin pourrait avoir de graves conséquences si on ne prépare pas le terrain.C'est une étude du Département de santé publique de la ville de San Francisco qui a semé l'émoi. Les épidémiologistes californiens ont suivi pendant dix-huit mois un groupe d'hommes, homosexuels exclusifs, qui avaient participé à l'essai vaccinal. Ils ont également constitué un groupe témoin à partir d'homosexuels non vaccinés. Ce groupe témoin avait une moyenne d'âge inférieure au groupe vacciné, un niveau d'études inférieur, et comportait plus de représentants de minorités ethniques réputées à risque, notamment plus de Noirs et de Latino-américains. Leur but était de mesurer l'attitude de ces personnes vis-à-vis des conduites à risque. Si, dans les deux groupes, plus de cinquante pour cent des personnes interrogées avouaient avoir eu au moins un rapport anal non protégé au cours des six derniers mois, la fréquence était plus élevée dans le groupe «vacciné». Les membres de ce groupe avaient eu aussi un plus grand nombre de partenaires sexuels. Ces résultats montrent que la vaccination induit un sentiment de sécurité et de protection quasi absolu par analogie à d'autres vaccins, notamment contre l'hépatite B, une prévention très pratiquée dans les milieux gays américains.Divers travaux théoriques, menés par des sociologues américains avaient déjà pointé ce danger. Ces sociologues avaient montré, à partir d'une modélisation, que les mois qui suivraient la commercialisation d'un vaccin verraient exploser le nombre des nouvelles contaminations, à cause de la reprise des conduites à risque par des personnes se croyant faussement protégées.Il reste sûrement encore quelques années avant de voir arriver un vaccin efficace. Mais l'urgence pour les spécialistes de santé publique et de sciences sociales est de préparer l'accompagnement de ce vaccin. Il faut améliorer les outils sociologiques et épidémiologiques pour mettre en place un véritable «service après-vente». Sans cela, on pourrait bien se préparer des lendemains qui déchantent.