Retour d'Arcachon et du charmant bassin qui porte son nom, à quelques jets de grains de raisin de Bordeaux, sur la façade presque landaise de l'Atlantique. Arcachon où se tenait, samedi 4 octobre, une étonnante rencontre organisée «par et pour les patients» dans le cadre de la première journée nationale consacrée, en France, aux «Apnées du sommeil». Retour d'Arcachon avec le sentiment diffus que l'on ne développera pas indéfiniment sans mal ces larges mouvements de fond que sont, d'une part, l'amélioration de la perception et de la connaissance de certains grands problèmes médicaux et, d'autre part, la volonté affichée de tout mettre en uvre au service de ces concepts très largement extensibles que sont la sécurité sanitaire et la santé publique.Apnées du sommeil, donc. On se souvient sans mal de Dickens qui, dans «Les Aventures de Monsieur Pickwick», atteint une forme de perfection dans la description de cette entité pathologique qui conduisit le corps médical à parler du «syndrome de Pickwick» (association, chez un obèse, de troubles respiratoires spécifiques, d'un ronflement, d'une somnolence ainsi qu'une insuffisance cardiaque ventriculaire droite). On a généralement oublié, en revanche, que c'est Henri Gastaut, célèbre épileptologue français qui, en 1965, observa, pour la première fois chez l'un de ses patients pickwickiens endormis, la survenue d'arrêts répétés de la respiration. Qui se souvient, d'autre part, que c'est un médecin d'origine française émigré aux Etats-Unis Christian Guilleminault qui isola du syndrome de Pickwick une nouvelle entité : le syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) ? Un sigle qui bientôt se transformera en SAS, ce syndrome étant généralement connu du grand public sous la dénomination moins rigoureuse mais plus évocatrice de «maladie des ronfleurs». Ce syndrome, pour le dire simplement, est défini par l'existence de plus de cinq apnées par heure de sommeil et ce, qu'il y ait ou non une hypoventilation alvéolaire ou une obésité associées.Pourquoi de telles apnées ? A cause d'une série de mécanismes qui provoquent une occlusion pharyngée. Pour lutter contre ce collapsus, l'Australien Colin Sullivan met au point le système de l'«assistance respiratoire en pression positive continue» (PPC). Depuis, les progrès accomplis dans la miniaturisation de cette technique permettent aujourd'hui de fournir une réponse souvent spectaculaire aux divers troubles dont souffrent les malades apnéiques.«Durant la journée, ces personnes souffrent d'une fatigue excessive directement à l'origine de périodes de somnolence contre laquelle ils ne peuvent pas lutter. Les répercussions de cette somnolence diurne sont extrêmement importantes sur la conduite automobile, l'activité professionnelle mais aussi sur l'humeur, la libido et la qualité de vie. On sait en outre que des apnées prolongées et répétées peuvent, à terme, occasionner des désordres métaboliques et des troubles des fonctions intellectuelles» a rappelé à Arcachon le Dr Marc Sapène (Bordeaux). Les premiers appareils à PPC apportaient de manière continue une assistance respiratoire, les modèles actuellement proposés ont été construits de manière à s'adapter aux pauses respiratoires qu'ils peuvent identifier et corriger aussitôt.Les contraintes de la PPC ne doivent pas être sous-estimées, à commencer par le port d'un masque durant la totalité de la période de sommeil ainsi, a priori, que pour le reste de la vie. Pour autant, la quasi-totalité des témoignages convergent pour dire que ces contraintes sont le plus souvent aisément acceptées compte tenu des résultats bénéfiques enregistrés, qu'il s'agisse de la qualité du sommeil et de la vigilance diurne retrouvée, mais aussi d'une amélioration de la libido (avec notamment pour les hommes la résurgence de l'érection matinale), d'une correction des anomalies métaboliques. On compte aujourd'hui en France près de 100 000 personnes traitées chaque nuit par PPC et le système de couverture sociale prend en charge cette thérapeutique du moins dès lors que celle-ci est correctement suivie. En d'autres termes, le système enregistre l'usage qui en est fait nuit après nuit et l'on peut de la sorte corréler la prise en charge du traitement avec la compliance. La collectivité s'est ainsi donnée les moyens, grâce à l'amélioration des caractéristiques techniques, de pousser via des arguments économiques au bon suivi d'une thérapeutique médicale.«J'accepte de payer le prix de la prévention de vos apnées nocturnes si je peux avoir la preuve que vous branchez chaque soir l'appareil que je vous prête» disent ainsi, dans leur grande sagesse, les caisses françaises de Sécurité sociale. Il y a là une première, une forme moderne d'injonction thérapeutique qui ne devrait pas rester longtemps sans lendemain. Accepter que l'on sache si je dors en apnée ou pas ? Bigre ! Que faut-il voir là ? Les dangereux prolégomènes d'un système totalitaire ou le juste équilibre entre la nécessaire prévention du gaspillage et l'incitation au traitement ? De ce point de vue, le SAS ne peut pas ne pas éveiller l'attention. Cet étonnant syndrome soulève aussi une autre passionnante question, celle de savoir si les victimes de ce syndrome elles sont entre 1,2 et 2,4 millions en France doivent être privées de leur permis de conduire.(A suivre)