Le Trouble obsessionnel compulsif (TOC) a été longtemps sous-estimé. Les patients avaient honte de parler de leurs manies, ou ne les considéraient pas comme des signes d'une maladie. Les médecins n'avaient pas de critères diagnostiques précis et ne disposaient pas de traitements efficaces. Depuis une dizaine d'années tout cela est en train de changer. Le diagnostic psychiatrique a progressé ; le TOC a fait son apparition dans les médias et les patients n'ont plus peur d'en parler ; enfin, des traitements efficaces sont apparus. De ce fait, la maladie est traitée plus tôt, ce qui améliore le pronostic. Le TOC est un trouble complexe et déroutant par son mélange de rigueur implacable et de comportements complètement irrationnels. Il envahit de manière plus ou moins importante la vie du patient et de son entourage, et peut devenir invalidant.DiagnosticLe TOC est caractérisé par la présence d'obsessions et de compulsions. L'obsession est une pensée déplaisante et anxiogène s'imposant à l'esprit du sujet de manière répétitive : «Je ne suis pas sûr d'avoir éteint la cuisinière, cela pourrait provoquer un incendie» ou «J'ai touché la main de cette personne qui avait une petite plaie, j'ai peut-être attrapé le sida». La compulsion (ou rituel) est une action effectuée volontairement pour neutraliser l'anxiété provoquée par l'obsession : «Je remonte chez moi pour vérifier que la cuisinière est éteinte» ou «Je me lave les mains». Le rituel peut être mental, par exemple une récapitulation ayant valeur de vérification. Le caractère excessif ou irrationnel des craintes est généralement reconnu par le patient. Celui-ci a un sens excessif de sa responsabilité dans la survenue du malheur, qu'il cherche à conjurer par l'accomplissement du rituel. Le DSM-IV exige une durée d'au moins une heure par jour d'obsessions-compulsions. Ce critère est arbitraire mais il permet de distinguer le «vrai» TOC, qui occupe souvent plusieurs heures par jour et nécessite vraiment un traitement, du TOC infra-clinique. Il existe toujours des obsessions dans le TOC, et il est exceptionnel qu'elles ne soient pas accompagnées de compulsions.Thèmes obsédants et types de rituelsLes craintes obsédantes les plus fréquentes sont : la saleté et la contamination (en premier lieu actuellement par le VIH) ; l'erreur et l'imperfection ; la violence et la perte de contrôle (crime, accident «involontaire», geste ou parole inconvenante). Les lavages (des mains surtout) et les vérifications (portes, électricité, ordre) sont les rituels les plus répandus. La lenteur obsessionnelle est une forme particulière de TOC constituée de microrituels comportementaux et mentaux infiltrant les moindres gestes de la vie quotidienne.EpidémiologieLe TOC peut débuter à tout âge, y compris dans l'enfance, et concerne aussi bien les hommes que les femmes. Le TOC est plus répandu qu'on ne le croit puisqu'il touche environ 2,5% de la population.Diagnostic différentielLe critère du temps (plus d'une heure par jour) permet de distinguer le TOC des petites manies normales. La présence de rituels est le signe distinctif du TOC, alors que l'évitement est celui des phobies. Toutefois l'évitement est également souvent présent dans le TOC. Dans le TAG (Trouble anxiété généralisée), l'élément central est le souci, qui ressemble à l'obsession mais est plus proche des préoccupations quotidiennes de chacun (soucis concernant la situation financière, la réussite des enfants, la santé). La personnalité obsessionnelle est définie par un comportement hyper-méticuleux et perfectionniste sans qu'il y ait véritablement de rituels. Le TOC est souvent accompagné de trouble dépressif (ou bipolaire), mais la relation entre les deux pathologies n'est pas toujours facile à cerner. La notion de danger est au cur du TOC comme de tous les troubles anxieux, alors que c'est le négativisme et la dévalorisation de soi, du monde environnant et du futur (triade négative de Beck) qui caractérisent la dépression. Lorsque les pensées obsédantes ne sont pas reconnues par le sujet comme irrationnelles, la distinction avec un trouble psychotique n'est pas aisée.TraitementLe traitement est long et coûteux, mais le TOC non traité est bien plus long et bien plus coûteux encore ! Deux types de traitement ont prouvé leur relative efficacité dans le TOC, et ont à peu près les mêmes résultats. En première intention, il n'est pas nécessaire de les associer car le résultat thérapeutique n'est pas meilleur qu'avec un seul traitement. En revanche on peut les combiner en cas de résistance à l'un ou l'autre traitement. Obtenir une diminution de 50% du temps passé aux obsessions-compulsions est considéré comme un bon résultat.1. Les médicaments sérotoninergiques. Ils doivent souvent être prescrits à des doses supérieures à celles utilisées dans la dépression. Le délai d'action peut être de plusieurs mois. Pour diminuer le risque de rechute, le traitement doit être poursuivi au moins douze mois à partir de l'amélioration, avant de diminuer progressivement le dosage, si le patient le souhaite.2. La psychothérapie cognitive et comportementale. Elle a pour but d'assouplir les schémas de danger et de responsabilité du patient, et l'amener à s'exposer progressivement aux situations anxiogènes et au scénario catastrophe obsédant, sans mettre en place la stratégie anxiolytique du rituel.Le rôle du médecin de familleIl est de contribuer à dépister le trouble et à encourager le patient à suivre un traitement. S'il se sent à l'aise avec les psychotropes et qu'un diagnostic précis a été posé, il peut conduire à un traitement médicamenteux du TOC. Dans ce cas une supervision est utile. La réassurance concernant les craintes obsédantes est inappropriée car, comme le rituel et l'évitement, la réassurance renforce le TOC. En cas d'obsession du sida, éviter de multiplier les tests VIH, pour la même raison.Pour en savoir davantageDeux ouvrages en français s'adressent aussi bien aux patients et à leur entourage qu'aux soignants :Cottraux J. Les ennemis intérieurs. Paris : Odile Jacob, 1998. Décortique de manière vivante les manifestations et les mécanismes du TOC, et plus particulièrement son mode de pensée particulier (cognitions).Sauteraud A. Je ne peux pas m'arrêter de laver, vérifier, compter. Paris : Odile Jacob, 2000. Il contient des informations précises sur le diagnostic et le traitement du TOC, et sur la manière de mettre en route un traitement par soi-même.Des associations d'entraide constituent des lieux de soutien et d'échanges entre patients et entre patients et professionnels :SSTOC, Société Suisse des troubles obsessionnels et compulsifs Tél. 061 783 90 80. www.zwang.chAFTOC Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels et compulsifs www.aftoc.fr.st