Des chercheurs de l'EPFL ont réussi chez la souris l'un des premiers traitements d'une maladie neurodégénérative par interférence ARN. En mettant à profit ce mécanisme d'inhibition spécifique de la synthèse des protéines (lire encadré), l'équipe dirigée par Patrick Aebischer, président de l'EPFL, est parvenue à retarder l'apparition des premiers symptômes, puis la progression de l'une des formes de la sclérose latérale amyotrophique dans un modèle animal (Nature Medicine, avril 2005. Publication en ligne le 13 mars 2005).La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est caractérisée par une disparition progressive des motoneurones. Lorsqu'elle est familiale un cas sur dix la maladie est souvent accompagnée d'une mutation dans le gène d'une enzyme ubiquitaire, la Cu/Zn superoxyde dismutase (SOD1). Des souris surexprimant une forme mutante de cette enzyme présentent la plupart des manifestations de la SLA, ce qui laisse penser que la SOD1 mutée est toxique pour les motoneurones.Les chercheurs lausannois sont parvenus à inhiber in vivo la synthèse de SOD1 normale ou mutée en associant l'interférence ARN et des techniques de thérapie génique (lire encadré). En bref, la thérapie génique leur a permis de conférer aux cellules la capacité d'inhiber elles-mêmes leur production de SOD1 par interférence ARN.La forme de SLA prise comme modèle héréditaire et impliquant SOD1 ne représente que 2% des cas. Mais l'avancée de l'EPFL n'en est pas moins significative. «L'interférence ARN permet d'utiliser la thérapie génique contre des maladies dues à des mutations provoquant un gain, et non une perte de fonction de la protéine, explique Cédric Raoul, post-doctorant et principal chercheur. Notre étude, ainsi qu'une autre publiée peu avant, sont les premières à utiliser chez l'animal cette association de thérapie génique et d'interférence ARN dans le domaine des maladies neurologiques.»Cette approche ne risque-t-elle pas de rencontrer les mêmes difficultés que la thérapie génique elle-même ? «Les neurones se prêtent bien à la thérapie génique, répond le chercheur. Ces cellules étant postmitotiques, le risque de prolifération est faible. Le nombre d'essais cliniques est en nette augmentation dans ce domaine.» Prochain objectif de l'équipe lausannoise : développer de nouvelles voies d'administration, afin de délivrer le vecteur thérapeutique au plus grand nombre possible de motoneurones, malgré leur importante dispersion anatomique.Interférence ARN par thérapie génique L'interférence ARN est déclenchée par des «petits ARN interférents» (siRNA), des brins d'ARN double-brin longs de 19 à 23 nucléotides. En présence d'un tel siRNA, la cellule dégrade les ARN messager qui comportent la séquence nucléotidique du siRNA, grâce à un mécanisme de défense ancestral. La synthèse de la protéine est bloquée. La technique utilisée par les chercheurs lausannois consiste à faire produire à la cellule elle-même les siRNA inhibiteurs. Un vecteur viral dérivé du VIH est utilisé pour introduire dans le génome cellulaire un gène codant pour les deux brins du siRNA. Les deux séquences complémentaires sont placées symétriquement aux deux extrémités du gène, de façon à ce que le transcrit d'ARN primaire n'ait qu'à se replier en épingle à cheveux pour générer l'ARN interférent double-brin.