On vient d'apprendre que dans les prochains mois un premier essai international d'«immunisation passive» allait être lancé contre la maladie d'Alzheimer, cette affection neurodégénérative qui on ne le sait que trop représente d'ores et déjà un fléau majeur dans les pays industriels aux populations vieillissantes. Cet essai sera mené à l'initiative de la multinationale pharmaceutique Roche. Il pourrait, en pratique, être lancé dès janvier 2006 et devrait concerner, à terme, plusieurs centaines de patients. Les meilleurs centres de référence de la lutte contre cette affection sont actuellement contactés par Roche et les médecins concernés vont prochainement informer les familles des malades, pouvant être intégrés à ce travail, des modalités de ce dernier.On ne peut pas, ici, ne pas donner les principaux éléments du contexte et rappeler qu'il y a cinq ans on évoquait les «premiers essais prometteurs chez l'homme» d'un vaccin contre cette maladie. «Les premières expérimentations chez l'homme d'un vaccin contre la maladie d'Alzheimer viennent d'être conduites aux Etats-Unis et devraient bientôt se poursuivre en Grande-Bretagne, puis en France, écrivions-nous dans les colonnes du Monde daté du 15 juillet 2000. Après les résultats positifs obtenus chez l'animal, les premières observations faites aux Etats-Unis sont a priori fort encourageantes.Un an plus tôt, une équipe californienne dirigée par le Dr Dale Schenk, de la société Elan Pharmaceuticals (San Francisco) annonçait, dans les colonnes de Nature, avoir réussi, grâce à un vaccin expérimental, à prévenir l'apparition ou à freiner la progression des lésions pathologiques caractéristiques de cette affection neurodégénérative chez des souris transgéniques. Plus précisément, ce vaccin permettait, selon les chercheurs californiens, d'induire la production par l'organisme animal d'anticorps dirigés contre le peptide bêta-amyloïde, protéine qui joue un rôle-clé dans la physiopathologie de l'Alzheimer. On sait que ce peptide est issu d'une protéine mère composée de 671 acides aminés qui est habituellement sectionnée par deux enzymes en des endroits précis donnant ainsi naissance à une molécule soluble. Chez les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, la section s'effectue dans des régions différentes de la protéine, ce qui provoque la formation de ce peptide bêta- amyloïde composé de 42 acides aminés ; peptide insoluble, il s'accumule et participe à la formation des plaques séniles caractéristiques de la maladie.En 2000, c'était l'injection de ce même peptide qui permettait cette production d'anticorps et le «nettoyage» des lésions cérébrales. «Les résultats de cette équipe étaient, à bien des égards, spectaculaires, presque trop beaux pour être vrais. Pour autant, rien ne permet de mettre en doute le sérieux de ce travail, déclarait alors au Monde le Pr Françoise Forette (Hôpital Broca, Paris) qui participait au congrès de Washington. Cette même équipe présente aujourd'hui les suites de ces recherches et les premiers résultats obtenus chez l'homme.»Les résultats obtenus par les chercheurs californiens sur les souris transgéniques (mais aussi sur des cobayes et des singes) conduisirent la Food and Drug Administration américaine à donner son feu vert pour un essai de «phase I» chez vingt-quatre personnes volontaires. Les résultats présentés en 2000 au congrès de Washington apparaissaient positifs et prometteurs. «Plusieurs essais vaccinaux vont, en 2001, être conduits aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, puis probablement en France sur plus d'une centaine de patients afin, cette fois, d'étudier l'efficacité de cette approche vaccinale, précisait encore le Pr Forette. Les protocoles vaccinaux comprendront plusieurs injections contenant des doses croissantes du principe actif.»En 2001, on lança un essai de phase II sur plusieurs centaines de malades. Toutefois quelques mois plus tard, en étroite liaison avec les autorités sanitaires françaises chargées des produits de santé, les promoteurs de cet essai décidaient de suspendre ce travail : 18 cas d'encéphalite venaient d'être diagnostiqués chez les 300 personnes alors vaccinées.«Nous ne pouvons raisonnablement envisager une étiologie virale, et l'hypothèse la plus vraisemblable est de nature immunologique ou allergique, déclarait alors au Monde le Pr Jean-Hugues Trouvin, responsable de l'évaluation des médicaments à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. On peut en effet imaginer qu'un élément constitutif du vaccin a pu être de nature à déclencher un mécanisme inflammatoire dans le système nerveux central de certaines des personnes vaccinées. Les investigations sont en cours pour tenter de comprendre.»Cet essai n'a jamais repris. Celui à venir permettra-t-il de progresser ? Il s'agit d'un essai d'immunisation passive consistant à injecter (par voie intramusculaire) des anticorps monoclonaux antipeptide bêta-amyloïde. Dès que nous le pourrons, nous donnerons plus de détails quant à la méthodologie de ce travail.