L'Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC) vient de clore une conférence sur le cancer qu'il organise tous les deux ans à Lausanne. Parmi les chercheurs présents au CHUV pour cette cinquième édition figuraient plusieurs stars européennes et étatsuniennes de ce domaine. L'institut n'est pas peu fier de ce rayonnement.Mais où en est la recherche fondamentale sur le cancer ? La stratégie consistant à décortiquer les mécanismes moléculaires du cancer vocation de l'ISREC est-elle efficace ? A l'occasion d'une conférence de presse la semaine passée, Michel Aguet, directeur de l'ISREC, a répondu par l'affirmative, et avec conviction. Pour le directeur, quelques médicaments comme le Glivec, développés grâce à la connaissance des mécanismes moléculaires en jeu, viennent d'apporter la preuve, si longtemps attendue, de l'utilité de l'approche rationnelle.Autre vertu cardinale de la recherche fondamentale, pour le responsable : elle multiplie les «angles d'attaque» possibles contre les cellules tumorales. Or cette diversification des stratégies est essentielle, car la multiplication des contraintes thérapeutiques imposées aux cellules cancéreuses semble à ce jour la seule façon d'éviter la sélection de mutants résistants, et donc les récidives.A la veille de la conférence lausannoise, cependant, personne ne s'attendait à des annonces révolutionnaires. Les inhibiteurs de kinases à l'image du Glivec ont le vent en poupe et donnent l'espoir de nouvelles applications thérapeutiques, mais chacun le sait. Connus également les parallèles de plus en plus féconds entre biologie du développement et cancer.Les chercheurs de l'ISREC participant au comité d'organisation de la conférence avouaient cependant attendre avec impatience la présentation d'un de leurs collègues, Richard Iggo, qui laissait deviner une avancée. Le chercheur développe des virus modifiés qui se reproduisent sélectivement dans les cellules tumorales.Revue Médicale Suisse : Vous attendez-vous à un décollage des applications cliniques ?Michel Aguet : Pas à un «décollage» soudain. Le nombre d'applications va croître, c'est certain. Mais il y aura également des déceptions. La complexité de ce domaine nous force à la prudence et à l'humilité. Le soutien à la recherche est-il solide ? Nous sommes bien soutenus, même si les ressources à disposition ne sont jamais aussi élevées qu'on le souhaiterait. Mais le financement n'est pas tout. Il est tout aussi essentiel d'encourager la relève et de rendre la recherche attrayante. Dans ce domaine, il me semble essentiel de créer en Suisse des débouchés autres qu'académiques. La recherche fondamentale est-elle assez proche de la clinique? Il faut naturellement faire se rencontrer cliniciens et chercheurs. Cela dit, on surestime généralement la nécessité de créer des ponts. Si une recherche sort du lot, les cliniciens s'y intéressent et posent des questions aux chercheurs. La collaboration s'établit naturellement.