L'incontinence urinaire est un problème fréquent chez la femme. Son diagnostic pose peu de problèmes, mais la recherche de l'étiologie nécessite un interrogatoire bien conduit et souvent un examen urodynamique. Les possibilités thérapeutiques sont nombreuses. Les types les plus fréquemment rencontrés sont l'incontinence à l'effort, à l'urgence ou mixte. Le diagnostic est surtout clinique, des examens complémentaires et un avis spécialisé sont parfois indispensables. Le succès thérapeutique dépend d'un diagnostic précis associé à un traitement bien étudié. Selon le type d'incontinence, le traitement sera médicamenteux, par physiothérapie ou chirurgical. Le taux de succès varie selon le type d'incontinence. Pour le type à l'effort, les nouvelles techniques chirurgicales permettent d'espérer plus de 90% de guérison.
L'incontinence urinaire (IU) se définit comme une perte involontaire d'urine. Il s'agit d'une condition sous diagnostiquée avec un impact économique et social majeur. Sa prévalence est élevée, touchant entre 10 et 58% des femmes1,2 surtout les femmes âgées.3 Il s'agit donc d'un problème de santé publique justifiant sa recherche active et systématique, les coûts induits par cette pathologie étant importants.4,5 L'incontinence conduit à une diminution de la qualité de vie par baisse de l'exercice physique, prise de poids, problèmes cutanés, dépression et donc gêne sociale.6,7 Contrairement à certains mythes, l'incontinence urinaire n'est pas un phénomène naturel du vieillissement, et il est erroné de prétendre que rien ne peut-être fait pour la soigner car les traitements sont souvent très efficaces. L'IU survient lorsque les forces d'expulsions intra vésicales excèdent les possibilités de retenue du canal. L'incontinence urinaire est la résultante d'une activité exagérée ou diminuée de l'urètre ou de la vessie ou une combinaison des deux. Quatre familles d'incontinence peuvent donc être individualisées (tableau 1). On y ajoutera les incontinences mixtes, les causes rares comme les fistules ou les malformations congénitales. L'anamnèse bien conduite est donc une étape fondamentale qui permet dans la majorité des cas de qualifier le type d'IU. L'évaluation de la gravité (nombre d'épisodes par jour, catalogue mictionnel) et sa répercussion sur la qualité de vie (limitation des activités quotidiennes, sociales et sportives, échelle Ditrovie, questionnaire Contilife etc.) est importante. L'examen clinique comporte la mesure du poids et un status gynécologique avec évaluation de la trophicité vulvo-vaginale. On recherchera aussi un prolapsus génital et une masse pelvienne (myome, tumeur). Il faudra exclure une rare fistule vésicovaginale responsable d'incontinence totale ou un diverticule urétral. Un examen neurologique sensitif périnéal sera pratiqué à la recherche d'une atteinte neurologique. Il faut ensuite tester la tonicité des muscles du plancher pelvien et du sphincter anal. Une cytologie urinaire doit être effectuée en cas de suspicion de tumeur vésicale. Il est important d'exclure une infection urinaire, cause fréquente d'IU. Le bilan urodynamique systématique fait l'objet de controverses. Cependant nous le recommandons car il permet d'exclure une pathologie à l'origine d'impériosités que la clinique n'aurait pas réussi à mettre en évidence et dans ce cas il permet d'en spécifier l'origine. Il est un document objectif dont l'importance médicolégale est indiscutable en période de judiciarisation croissante. Il permet aussi d'anticiper certains troubles mictionnels post-opératoires et d'apprécier les risques d'échec du traitement chirurgical. Il n'est pas indispensable avant la prescription d'une physiothérapie de rééducation perinéo-sphinctérienne. Il doit par contre être systématiquement effectué lors d'incertitude sur le type d'IU, avant un traitement chirurgical, lors d'échecs de la physiothérapie ou de la chirurgie, en présence d'un prolapsus urogénital important et lors d'incontinence urinaire d'urgence ou mixte. Trois tests sont en général pratiqués. Le résidu post mictionnel et la cystomanométrie servent à l'étude de la vessie, le profil urétral à l'étude de l'urètre et la débitmétrie caractérise la miction. On ajoutera des examens neurophysiologiques périnéaux et plus particulièrement du nerf honteux de même qu'un examen sonographique du périnée si nécessaire. Une urétrocystoscopie complétera le plus souvent le bilan. La recherche d'autres causes organiques est indispensable (tableau 2).
L'incontinence à l'effort représente 50% des cas. Il s'agit d'une perte involontaire d'urines associé à une augmentation de la pression intra-abdominale lors d'efforts comme la toux, le rire ou l'exercice. La fuite d'urine se produit par simple augmentation de la pression intra-abdominale. Puisqu'il n'y a pas de contraction anormale du muscle détrusor, dans l'anamnèse on ne retrouve pas d'urgence mictionnelle. La fuite à l'effort est la résultante soit d'une hypermobilité de l'urètre par défaut anatomique du soutien sous urétral, soit d'une déficience majeure intrinsèque du sphincter urétral (insuffisance urétrale), soit de l'association des deux. Le défaut de soutient trouve son explication suite aux travaux de DeLancey, Petros et Beco qui ont démontré la nécessité d'un soutien sous urétral (dalle) permettant à l'urètre de pouvoir s'adosser pour se collaber (figure 1). Ce manque de soutien a été régulièrement attribué à des lésions nerveuses, conjonctives ou musculaires consécutives aux accouchements. Cependant la naissance n'est certainement pas le seul facteur de risque (tableau 3). La gravité de l'IU se classe en trois grades : il est caractérisé par une incontinence survenant lors d'efforts importants comme la toux ou l'éternuement. La perte d'urine lors d'effort modéré comme un changement rapide de position ou lors de la montée d'escaliers est classée en grade 2. Le grade 3, le plus grave, représente une incontinence lors d'efforts légers ou au repos. L'incontinence urinaire d'effort est un handicap et non une maladie. Il est donc important de proposer en premier lieu un traitement conservateur. Celui-ci fera appel à une perte pondérale et à de la physiothérapie du plancher pelvien visant a renforcer la musculature. Les exercices de Kegel,8 le biofeedback et l'électrostimulation donnent des résultats intéressants 9,10 avec 48% de succès contre 13% chez le groupe placebo. Les médecins de famille sont en position idéale pour prescrire de telles thérapies. Un traitement local oestrogénique permettra d'améliorer la trophicité des muqueuses compte tenu de la présence en quantité importante de récepteurs aux oestrogènes.11,12 Un traitement médicamenteux alpha adrénergique peut être tenté avec des taux d'amélioration variant de 20% à 60%.13 En cas d'échec de ces mesures conservatrices, une correction chirurgicale peut être proposée. Il a été décrit plus de 200 techniques différentes, chacune grevées de taux de succès et de complications variables (tableau 4). Les techniques historiques de «rétrécissement» du calibre urétral ou de pexie urétrale directe à la symphyse ont été oubliées car elles se sont révélées plus délétères qu'efficaces. Actuellement il existe quatre types d'interventions régulièrement utilisées. Les suspensions par voie haute (Burch et autres), les suspensions par voie basse (Raz et autres), les frondes, et enfin les soutiens sous urétraux. Rappelons que la colporraphie antérieure ne doit pas être considérée comme une intervention visant à corriger l'IUE. Les techniques de suspension par voie abdominale ont longtemps été la référence avec un taux de succès à dix ans d'environ 80% 14 et un taux de dysurie iatrogène de 10%. L'inconvénient majeur était la laparotomie avec dissection de l'espace de Retzius et sclérose secondaire de ce dernier. L'approche laparoscopique datant du début des années 90 a permis d'éviter la plupart de ces inconvénients, avec un avantage à court terme en ce qui concerne la convalescence, bien plus courte (2 semaines vs 8 semaines) et des taux de succès pratiquement équivalents.15 L'avènement du TVT en 1996 (bandelette sous urétrale passée par voie rétropubienne) a révolutionné le traitement chirurgical de l'IUE avec des taux de succès proches de 90%,16 stables dans le temps mais avec une morbidité de plus de 20% si l'on tient compte des dysuries obstructives. Par ailleurs des complications graves et létales comme des perforations digestives et des plaies des vaisseaux fémoraux ont été décrites.17 Le passage à l'aveugle de l'espace rétropubien a donc été repensé par Emmanuel Delorme18 en 2001 et modifié en passage transobturateur. L'analyse des publications sur la voie transobturatrice montre des taux de succès semblables au TVT et des taux de complications nettement inférieurs sans complication graves, digestives ou vasculaires.19 Toutefois, les problèmes d'exposition et d'infection des bandelettes persistent et des études sont en cours afin de déterminer les matériaux idéaux et les protocoles chirurgicaux idoines pour minimiser ces problèmes. A noter une technique transobturatrice alternative passant à l'envers de la technique originalement décrite par Delorme, soit de dedans en dehors, pour laquelle les risques de complications anatomiques semblent plus importants,20 ce qui doit être confirmé par d'autres publications.
Il s'agit d'une pathologie différente se manifestant par une perte d'urine précédée d'un besoin urgent d'uriner. Elle est la résultante d'une hyperactivité (instabilité) de la vessie ou de l'urètre. La miction ne peut pas être différée. L'interrogatoire retrouve donc des impériosités se manifestant par une pollakiurie (N L 6), parfois une nycturie (N L 2). Attention à ne pas confondre une pollakiurie vraie avec une pollakiurie de précaution, mictions fréquentes mais volontairement mises en place par la patiente pour éviter d'avoir la vessie pleine et de courir le risque de fuites. L'impériosité peut révéler une tumeur ou une maladie inflammatoire de la vessie comme elle peut être le symptôme d'une pathologie neurologique centrale ou périphérique débutante, d'un accident vasculaire, d'une maladie dégénérative, d'une tumeur cérébrale, d'un diabète, etc. Elle peut aussi être secondaire à la prise de médicaments (tableau 5) ou à un traitement de radiothérapie. Cependant dans 90% des cas, l'étiologie reste inconnue. Le diagnostic repose sur l'anamnèse et sur l'examen urodynamique qui permet d'objectiver des contractions non inhibées du détrusor ou de l'urètre. Le traitement est basé sur l'inhibition des contractions involontaires. Il est donc essentiellement médicamenteux. Les anticholinergiques sont fréquemment utilisés bien que grevés d'effets secondaires nécessitant parfois l'arrêt du traitement. Le Ditropan ® (oxybutynin chloride) et le Detrusitol ® (tolterodine) sont les produits habituellement prescrits. Des mesures de rééducation de la vessie et de tonification du plancher pelvien sont également préconisées. Le traitement chirurgical n'a classiquement pas de place dans l'incontinence d'urgence car il peut aggraver le problème. Cependant il existe des prolapsus, surtout de la colonne postérieure mais non exclusivement, qui par stimulation et irritation du trigone se manifestent par des impériosités. Dans ces cas, la réparation chirurgicale entraîne la disparition des symptômes. Signalons enfin l'intérêt potentiel de l'acupuncture 21 ou de la toxine botulinique.22,23 Cependant des cas graves de rétention urinaire sont possibles et la sélection des patientes ainsi que leur information doit être rigoureuse.24,25
Elles sont plus complexes et donc plus difficiles à traiter. Un examen urodynamique complet est nécessaire pour définir quelle est la composante principale afin de pouvoir conseiller la patiente au mieux.
C'est la conséquence d'une distension vésicale par rétention vésicale chronique due à un muscle détrusor peu contractile ou à un obstacle de vidange vésicale d'origine mécanique ou neurologique. Cela provoque une vessie pleine en permanence. Un prolapsus pelvien sévère ou une obstruction par hypercorrection d'une précédente IU explique ce mécanisme chez la femme. La vessie est habituellement palpable car pleine. La sensation de miction est souvent absente et l'énurésie fréquente. La fonction rénale peut être altérée. Le traitement vise d'abord à lever l'obstacle puis à rééduquer la vessie.
Les incontinences urinaires extra urétrales comme les abouchements ectopiques des uretères, ou les fistules sont rares sous nos latitudes mais fréquents dans les pays en voie de développement en raison d'un travail obstétrical prolongé. L'incontinence urinaire chez la personne âgée est multifactorielle : immobilité, démence, prise de médicaments (diurétique, sédatif), obstruction à la vidange vésicale, neuropathie, prolapsus uro-génital.
L'incontinence urinaire est un trouble fréquent de la femme. Il est le symptôme d'une dysfonction dont les causes multiples doivent être recherchées avant de prescrire un traitement. Selon le type d'incontinence on fera appel à un traitement médicamenteux, de physiothérapie ou chirurgical. Les taux de succès sont excellents allant pour l'incontinence à l'effort jusqu'à plus de 90% de satisfaction subjective. Le généraliste et tout autre médecin de famille sont en première ligne pour prendre en charge ce trouble. Ce n'est que lors de certaines situations que l'avis d'un urogynécologue mérite d'être demandé. Les femmes qui ne répondent pas au traitement conservateur, celles qui présentent des situations et des symptômes complexes, comme une chirurgie de prolapsus ou d'IU sans succès, un prolapsus important multicompartimental, devraient, par exemple, être vues par un spécialiste.