Question sacrilège, alors que l'exigence de qualité figure en bonne place dans le document éclairé qui guide nos pensées et nos actes, à savoir la loi sur l'assurance maladie ? Question impertinente venant d'un ex-homme du sérail, visant à faire réagir les meilleurs esprits pour mieux les galvaniser ? Provocation gratuite d'un agitateur public, au caractère chagrin, toujours prompt à répandre la dissension et le trouble ?Rien de tout cela, sans doute, simplement le besoin de relater les résultats d'une étude récente, issue d'une des meilleures écoles de santé publique des Etats-Unis, dont le style sans emphase, presque terne, garantit le sérieux.1 Ce travail se distingue de bien d'autres effectués antérieurement avec plus d'enthousiasme que de rigueur méthodologique. Le premier objectif de cette étude était d'explorer les caractéristiques des hôpitaux qui participaient volontairement à un programme d'amélioration de la qualité sous l'égide d'organisations qui avaient conclu un contrat à cet effet dans le cadre de Medicare, le système d'assurance maladie public des Etats-Unis, à l'intention des sujets de plus de 65 ans. Un groupe d'hôpitaux similaires, à l'exception de leur non-participation à un tel programme, servait de contrôle. Le deuxième objectif, celui qui va nous intéresser, consistait à évaluer le niveau de qualité dans ces deux catégories d'hôpitaux, ceux qui participaient volontairement à un programme de contrôle de qualité et ceux qui s'en abstenaient.La qualité des soins était évaluée sur la base de l'analyse de la prise en charge de cinq maladies : la fibrillation auriculaire, l'infarctus aigu du myocarde, l'insuffisance cardiaque, la pneumonie et l'accident cérébrovasculaire. Voici les critères utilisés : pour la fibrillation auriculaire, la prise d'anticoagulants ; pour l'infarctus du myocarde, l'administration d'aspirine et de bêtabloquants dans les 24 heures, la prescription de bêtabloquants et d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion (si la fraction d'éjection était inférieure à 40%) à la sortie de l'hôpital et la promotion de l'arrêt du tabac pendant l'hospitalisation. Pour l'insuffisance cardiaque, la mesure de la fraction d'éjection et l'administration d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Pour la pneumonie, l'administration d'un antibiotique dans les 8 heures qui suivent l'admission, ce dernier devant être conforme aux recommandations pour la pratique clinique, la prise d'une hémoculture avant celle de l'antibiotique, les vaccinations contre l'influenza et le pneumocoque (ou une enquête à ce propos pour savoir si elles sont indiquées) ; pour l'accident cérébrovasculaire, la prescription d'un antithrombotique à la sortie de l'hôpital et la non-prescription de la nifédipine en prise sublinguale dans la phase aiguë. Rien de très sorcier donc, même si ces choix particuliers et la pertinence de certains de ces items peuvent prêter à discussion.Cinq états, plus Washington DC, étaient représentés parmi les 199 hôpitaux qui faisaient partie du groupe dit participatif et les 142 autres réputés abstentionnistes ; il y avait en règle générale 8000 à 9000 patients pour chacune des maladies prises en compte. Une bonne représentativité, quoique encore incomplète, et de quoi remplir les banques de données des ordinateurs.Différents degrés de participation ont été définis, selon que les hôpitaux utilisaient leurs propres données pour mesurer leur performance, ou que, dans le cadre du programme proposé par les organisations idoines, ils ne faisaient que promouvoir des changements dans l'avouable dessein d'être meilleurs, ou encore qu'ils pratiquaient ces deux mesures. Pour ne pas compliquer inutilement cet exposé à la convivialité modeste, disons d'emblée qu'aucune différence notable n'a été détectée entre ces trois groupes.La comparaison, réalisée en début d'étude et portant sur les quinze index définis ci-dessus, ne put démontrer de différence entre les deux groupes d'hôpitaux : score nul pour dix indicateurs de qualité, et supériorité des hôpitaux participants pour trois indicateurs seulement sur les cinq restants. Comme l'expérience a duré 2-3 ans, une étude de suivi a également été entreprise, qui déboucha à nouveau sur l'observation d'une quasi parfaite égalité entre les deux groupes (on croirait lire la liste des hauts faits du football helvétique). Les hôpitaux participants démontrèrent leur supériorité de prise en charge pour un item seulement sur les quinze analysés. D'où la conclusion, apparemment sans état d'âme particulier, que les hôpitaux qui participent à un programme d'amélioration de la qualité ne sont pas meilleurs que ceux qui ne le font pas.Nos deux auteurs ont essayé d'expliquer ce constat d'inefficacité. Ils ont invoqué l'existence d'un processus général d'amélioration de la qualité, qui serait indépendant du programme proposé par Medicare, et qui en occulterait l'effet. De plus, les activités testées étaient limitées à celles liées à la seule hospitalisation et ne comprenaient pas l'ambulatoire. La période de suivi était peut-être trop courte. Il pouvait y avoir un biais de sélection dans les institutions évaluées. Rien de bien transcendant ou convaincant pour accepter d'un cur léger l'échec de cette politique d'amélioration de la qualité des soins.Je proposerais une autre explication. La quête de la qualité, c'est un état d'esprit à la recherche d'une insaisissable perfection, qui accepte la remise en question, qui se nourrit d'insatisfaction. Il est proche parent de celui de la révolution où concession devient faiblesse et expectative passivité. Institutionnaliser la révolution, c'est la tuer, l'anéantir. Il n'est que de considérer le triste destin du parti révolutionnaire institutionnalisé du Mexique pour s'en convaincre. Est-ce qu'il n'en serait pas de même pour la qualité des soins ? A partir du moment où il y a délégation à des organisations extérieures pour en assurer le contrôle, l'identification de l'individu à cette cause s'effrite au contact d'innombrables procédures, rappels et courriels, toutes mesures propres à annihiler son sens des responsabilités et sa motivation et à justifier son inertie. Le meilleur programme pour l'amélioration de la qualité des soins ne serait-il pas celui qui encourage l'initiative personnelle et stimule ce besoin de faire bien ? En ce cas, il ressort du domaine de l'éducation, car le processus est lent, progressif, pour que s'opère l'appropriation personnelle de l'objectif, la condition de la réussite.Bibliographie 1 Snyder C, Anderson G. Do quality improvement organizations improve the quality of hospital care for Medicare beneficiaries ? JAMA 2005; 293:2900.