Surprise en 2003, confirmée en 2005 : les statines semblent avoir un effet inhibiteur sur la réplication de certains virus, notamment celui de l'hépatite C. Les auteurs de ces premières observations ont avancé plusieurs hypothèses pour expliquer que des médicaments destinés à inhiber la synthèse de cholestérol puissent interférer également avec le cycle d'un virus. La plus séduisante veut qu'il s'agisse d'un effet de classe et que la réplication du virus soit directement affectée par l'inhibition de la HMG-CoA réductase, l'enzyme cible des statines.L'acide mévalonique, le produit de cette enzyme, n'est pas seulement un précurseur du cholestérol, mais également des groupes géranyl-géranyl utilisés par la cellule pour marquer certaines protéines. Ainsi, il suffirait que le cycle du virus de l'hépatite C (VHC) implique la géranyl-géranylation d'une protéine virale ou cellulaire pour expliquer l'effet des statines sur la réplication.Mais cette hypothèse est mise à mal par une nouvelle étude, parue cet été (Hepatology 2006;44:117-25). Les auteurs ont tiré parti d'un nouveau modèle d'infection VHC in vitro pour comparer les effets de différentes statines sur la réplication virale. Résultat : si la fluvastatine est clairement active dans ce modèle, l'atorvastatine et la simvastatine ne le sont que modérément. La lovastatine, pourtant inhibitrice de la HMG-CoA réductase, est très peu active et la pravastatine ne l'est pas du tout. L'hypothèse d'un effet de classe n'est pas pour autant définitivement enterrée. Dans un milieu riche en mévalonate ou en géranyl-géraniol, aucune statine ne limite la réplication du virus, ce qui semble confirmer que la déplétion de ces composés est à la base de l'effet antiviral observé.Pour Antoine Hadengue, médecin-chef du service de gastro-entérologie et d'hépatologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), l'intérêt de ces résultats est avant tout fondamental. «Cet article a été commenté à notre réunion hebdomadaire de discussion d'articles, précise-t-il. Nous sommes réservés sur l'avenir clinique de ces travaux pour trois raisons. D'abord, il ne semble pas s'agir d'un effet de classe. De plus, le modèle utilisé est vraiment très éloigné de l'infection humaine. Enfin, dans l'hépatite C, la virémie corrèle très mal avec la gravité de la maladie.»