L’étude ADVANCE est un essai clinique de morbidité-mortalité réalisé en double insu chez des malades avec diabète de type 2 normo ou hypertendus. Les malades ont été alloués au hasard pour un suivi moyen de 4,3 ans à un traitement comportant soit une association fixe de l’inhibiteur de l’ECA périndopril et du diurétique indapamide (4 mg/1,250 mg, n=5569), soit un placebo (n=5571), ceci en plus si nécessaire d’autres médicaments antihypertenseurs. Des réductions significatives du risque relatif ont été observées sous périndopril/indapamide, en particulier de la mortalité cardiovasculaire (18%), de l’ensemble des événements coronaires (14%) et rénaux (21%). Ainsi chez le malade avec diabète de type 2, un traitement basé sur une association de périndopril et d’indapamide à doses fixes a un effet protecteur majeur contre les complications macro et microvasculaires.
En 2007, un seul grand essai clinique de morbidité-mortalité impliquant un traitement antihypertenseur a été publié. Il s’agit de l’étude ADVANCE (Action in diabetes and vascular disease : PreterAx and DiamicroN MR Controlled Evaluation trial), qui inclut des malades avec diabète de type 2, normoou hypertendus.1 Quel en est le rationnel ? On sait que le diabète de type 2 est un facteur de risque majeur sur le plan cardiovasculaire et rénal, et qu’il touche de plus en plus de monde, non seulement dans les pays industrialisés, mais également dans les pays émergents.2 Le diabète de type 2 est associé à une hypertension artérielle chez la plupart des malades, et la présence des deux affections augmente considérablement le risque de développer une complication macro ou microvasculaire.3,4 De ce fait, il est essentiel de viser un contrôle strict tant de la pression artérielle que de la glycémie. Les dernières recommandations conjointes de la Société européenne d’hypertension et de la Société européenne de cardiologie proposent comme pression cible chez le malade avec diabète de type 2 une valeur inférieure à 130 mmHg pour la systolique et 80 mmHg pour la diastolique.5 Chez le malade diabétique, en plus des mesures hygiéno-diététiques habituelles, le traitement devrait comporter autant que possible un bloqueur du système rénine-angiotensine, tant est manifeste le bénéfice des inhibiteurs de l’ECA et des antagonistes de l’angiotensine II dans la prévention de la néphropathie.
De nos jours, beaucoup pensent que l’aspirine et les statines (indépendamment du bilan lipidique) devraient être utilisées en prévention primaire et secondaire chez pratiquement tous les malades avec diabète de type 2.6-8 On peut dès lors se demander si l’administration systématique d’un traitement antihypertenseur comportant un bloqueur du système rénine-angiotensine se justifie aussi chez le malade avec diabète de type 2, ceci indépendamment de son niveau tensionnel. L’étude ADVANCE montre que c’est bien le cas. Elle mérite d’être discutée ici car elle est intéressante à plusieurs égards.
Il est souvent reproché aux grands essais cliniques de morbidité-mortalité de sélectionner des malades répondant à des critères d’inclusion et d’exclusion limitatifs, ce qui les rend peu représentatifs des malades rencontrés en pratique courante. Par ailleurs, les schémas thérapeutiques sont en général très stricts, ne laissant que peu de place à l’initiative des médecins qui suivent leurs malades pendant des années dans le cadre des grandes études interventionnelles. Voilà au moins deux reproches que l’on ne peut pas faire à l’étude ADVANCE: y sont inclus des malades avec diabète de type 2, avec beaucoup de liberté donnée aux médecins quant au choix des médicaments. Les malades devaient être âgés de 55 ans ou plus, avoir un antécédent de maladie micro ou macrovasculaire, ou présenter au minimum un facteur de risque cardiovasculaire en plus du diabète. Fait capital, ils pouvaient entrer dans l’étude indépendamment du niveau de leur pression artérielle, qu’ils étaient ou non sous traitement antihypertenseur au préalable. Dans une phase initiale de six semaines tous les malades (n=12 877) ont reçu une association fixe contenant l’inhibiteur de l’enzyme de conversion (ECA) périndopril, 2 mg, et le diurétique indapamide, 0,625 mg (Preterax), pour être ensuite alloués au hasard, en double insu, à un traitement actif (périndopril/indapamide, 2 mg/0,625 mg) ou un placebo. Différentes raisons ont motivé la non-inclusion définitive de 1737 malades, parmi lesquelles certaines attribuées au périndopril/indapamide (toux, hypotension, sensations vertigineuses), correspondant à 3,8% de l’ensemble des malades enrôlés dans la phase de prérandomisation. Dès le troisième mois de traitement, la dose de périndopril/indapamide, de même que celle du placebo, a été doublée. Point crucial : la prise en charge médicamenteuse, le traitement antihypertenseur y compris, a été laissée à la discrétion du médecin en charge des malades. Toutefois, au cas où l’emploi d’un inhibiteur de l’ECA s’avérait nécessaire, seul le périndopril, 4 mg (Coversum) était autorisé. De plus, l’utilisation de dérivés thiazidiques était proscrite dans les deux groupes de malades.
A noter que l’étude ADVANCE, grâce à un design factoriel, va également permettre d’évaluer le bénéfice potentiel d’un contrôle intensif de la glycémie, l’objectif étant de diminuer l’hémoglobine glyquée à un taux ≤6,5% avec une stratégie thérapeutique, associant des mesures d’hygiène de vie à un traitement basé sur le glicazide MR (Diamicron), ceci en comparaison à un contrôle standard de la glycémie. Les résultats du bras «contrôle glycémique» de l’étude ne sont pas encore disponibles aujourd’hui.
Au total, 5569 malades ont reçu le traitement actif et 5571 malades le placebo, ceci pendant un suivi moyen de 4,3 ans. A relever que 75% des malades étaient déjà traités pour une hypertension artérielle au moment de leur inclusion dans la phase de prérandomisation. Au terme de l’étude, la pression artérielle était en moyenne significativement plus basse (p <0,0001/p <0,0001) dans le groupe périndopril/indapamide (134,7/74,8 mmHg) que dans le groupe contrôle (140,3/77 mmHg). Quant au taux d’hémoglobine glyquée, il est passé au cours de l’étude de 7,5% à 6,9% dans les deux groupes de traitement, sans différence entre eux à cet égard.
Le tableau 1 montre la prescription des principales classes d’agents antihypertenseurs, ainsi que celle des statines et des antiagrégants plaquettaires, au début et au terme de l’étude. Dans le groupe «traitement actif», il faut relever que 43% des malades recevaient, lors de leur inclusion, du périndopril (4 mg) en plus du périndopril/indapamide. Ce pourcentage s’est encore accru, à 50%, en cours d’étude. Dans le groupe contrôle, du périndopril (4 mg) était pris par respectivement 43% et 60% des malades au début et à la fin du suivi. A noter aussi une intensification du traitement antihypertenseur dans les deux groupes de malades, comme reflété par une augmentation de la fraction de malades mis sous bêtabloquants et inhibiteurs calciques en cours d’étude. Fait saillant, les statines et les antiagrégants plaquettaires étaient prescrits nettement plus fréquemment à la fin du suivi que lors de l’inclusion dans l’étude. Au contrôle sanguin après 48 mois de traitement, les taux de cholestérol total, de HDL-cholestérol, de LDL-cholestérol et de triglycérides s’élevaient à respectivement 4,7, 1,3, 2,7 et 1,8 mmol/l dans le groupe périndopril/indapamide. Les valeurs correspondantes dans le groupe placebo étaient de 4,6, 1,3, 2,6 et 1,7 mmol/l.
A la fin de l’étude 73% des malades dans le groupe «traitement actif» et 74% dans le groupe «contrôle» prenaient encore le traitement alloué au départ. Les arrêts de traitement motivés par un effet secondaire atteignaient 8,8% dans le groupe périndopril/indapamide (toux : 3,3%), versus 6,4% dans le groupe placebo (toux : 1,3%).
Dans l’étude ADVANCE le traitement périndopril/indapamide a diminué de 9% (p=0,04) le risque relatif de développer un événement micro ou macrovasculaire (critère de jugement primaire). Les événements macrovasculaires étaient définis comme la mort d’origine cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde et l’accident cérébrovasculaire non fatal, et les événements microvasculaires comme l’apparition ou la péjoration d’une néphropathie (développement d’une macroalbuminurie, doublement de la créatininémie atteignant au moins 200 μmol/l, besoin d’une épuration extrarénale ou décès dû à une affection rénale) ou le développement d’une rétinopathie. Le traitement par périndopril/ indapamide a également eu un effet bénéfique sur différents critères de jugement secondaires, réduisant le risque relatif de la mortalité cardiovasculaire de 18% (p= 0,03), celui des événements coronaires totaux – définis comme les infarctus non fatals, la mort subite, l’hospitalisation pour angor instable, la revascularisation coronaire ou l’infarctus silencieux – de 14% (p=0,02), et celui des événements rénaux totaux de 21% (p=0,0001), ce dernier effet étant surtout dû à un impact préventif sur le développement de la microalbuminurie. Par contre, l’association périndopril/indapamide n’a pas eu d’effet protecteur significatif sur le plan des accidents cérébrovasculaires (- 6%).
Le tableau 2 montre le nombre de malades à traiter pendant cinq ans selon la stratégie périndopril/indapamide par rapport au groupe témoin pour éviter un événement cardiovasculaire ou rénal.
Première constatation : les malades diabétiques inclus dans l’étude ADVANCE ont bénéficié d’une excellente prise en charge en ce qui concerne les facteurs de risque cardiovasculaire. Cela est vrai non seulement dans le groupe périndopril/indapamide, mais également dans le groupe placebo. Preuve en est la qualité du contrôle tensionnel à la fin de l’étude, avec une pression en moyenne à respectivement 134,7/74,8 mmHg et 140,3/77 mmHg dans le groupe périndopril/indapamide et le groupe contrôle. A relever qu’au moins trois malades sur quatre étaient considérés comme hypertendus au début de l’étude, car recevant déjà un traitement antihypertenseur au moment de leur inclusion. A noter aussi qu’il a fallu avoir recours en cours d’étude à plusieurs antihypertenseurs chez la plupart des malades, ce qui confirme qu’il est souvent difficile de normaliser la pression artérielle des malades avec un diabète de type 2. Un regret à cet égard : aucune information n’est fournie quant au pourcentage des malades ayant atteint la pression cible recommandée chez le malade diabétique, à savoir <130/80 mmHg. Il est intéressant de constater que la fraction des malades mis sous statine et antiagrégant plaquettaire a considérablement augmenté pendant le suivi, et que le contrôle du diabète s’est nettement amélioré en cours d’étude.
Malgré l’excellence du contrôle des facteurs de risque dans les deux groupes de traitement, une diminution significative des événements coronaires a été obtenue grâce à la stratégie basée sur le périndopril/indapamide. Cela mérite d’être souligné. Il a été longtemps difficile de démontrer dans les essais cliniques de morbidité-mortalité que l’abaissement tensionnel diminue chez le malade hypertendu l’incidence de l’infarctus du myocarde. Le fait que l’étude ADVANCE ait permis de suivre pendant des années un très grand nombre de malades à risque élevé sur le plan cardiaque a sans doute facilité la mise en évidence d’une différence entre les deux bras de traitement.
Il peut paraître surprenant qu’il n’y ait pas eu de différence entre le groupe périndopril/indapamide et le groupe placebo en ce qui concerne les accidents cérébrovasculaires. Cette absence de différence tient vraisemblablement au fait que le risque de développer un accident cérébrovasculaire était bas chez ces malades diabétiques, la pression artérielle étant bien contrôlée dans les deux groupes de traitement. On sait en effet que l’incidence des accidents vasculaires cérébraux dépend étroitement du niveau de la pression artérielle, de la systolique en particulier.
Il est tentant d’expliquer les effets bénéfiques du traitement à base de périndopril/indapamide par la pression systolique plus basse, d’une moyenne de 5,6 mmHg, par rapport au groupe placebo. On ne peut pas l’exclure. Toutefois d’autres possibilités sont à envisager. Par exemple, l’association périndopril/indapamide pourrait avoir un effet protecteur indépendamment des valeurs de pression artérielle atteintes pendant le traitement, comme démontré précédemment dans la prévention de la microalbuminurie chez des patients diabétiques.9
Quelles sont les leçons à tirer de l’essai ADVANCE? Les données montrent de façon convaincante qu’il est possible de contrôler la pression artérielle pendant des années chez le diabétique de type 2 avec un traitement basé sur une association contenant du périndopril et de l’indapamide à doses fixes. Une telle stratégie thérapeutique apporte une protection majeure contre les complications macro et microvasculaires, particulièrement fréquentes chez le malade diabétique.
L’étude ADVANCE est un essai clinique de morbidité-mortalité réalisé en double insu chez des malades avec diabète de type 2 normo ou hypertendus. Les malades ont été alloués au hasard pour un suivi moyen de 4,3 ans à un traitement comportant soit une association fixe de l’inhibiteur de l’ECA périndopril et du diurétique indapamide (4 mg/1,250 mg, n=5569), soit un placebo (n=5571), ceci en plus si nécessaire d’autres médicaments antihypertenseurs. Des réductions significatives du risque relatif ont été observées sous périndopril/indapamide, en particulier de la mortalité cardiovasculaire (18%), de l’ensemble des événements coronaires (14%) et rénaux (21%). Ainsi chez le malade avec diabète de type 2, un traitement basé sur une association de périndopril et d’indapamide à doses fixes a un effet protecteur majeur contre les complications macro et microvasculaires.