La pose d’un cathéter veineux central peut se faire par plusieurs abords. La connaissance de l’anatomie, du matériel, la maîtrise des détails de la procédure pour chaque type d’abord et une attention particulière à l’asepsie sont des prérequis importants pour limiter les risques de complications et pour donner une information complète et exhaustive au patient. Cet article peut être utilisé comme base pour le développement d’unechecklist, utile pour les médecins qui doivent procéder à la pose d’un cathéter veineux central mais qui ne possèdent pas encore une maîtrise du geste.
Dans la première partie de cet article, nous avons discuté des indications et contre-indications, des complications possibles ainsi que des précautions à prendre lors de la pose d’un cathéter veineux central (CVC). En se basant sur la littérature disponible, nous nous proposons dans cet article de décrire la procédure détaillée pour la pose d’un CVC.
Une première étape comprenant la préparation soigneuse du matériel facilite le déroulement de la procédure et évite aussi des pertes de temps inutiles. Il convient aussi de s’assurer que le patient est installé confortablement et qu’il pourra supporter cette position pour toute la durée de la procédure (environ vingt minutes).
Une certaine systématique peut nous aider à ne rien oublier (tableau 1).
En cas d’angoisse du patient, une anxiolyse doit lui être proposée (par exemple 30 minutes avant l’intervention : lorazépam 1-2,5 mg s.l., midazolam 7,5-15 mg p.o.). Il ne faut pas oublier que la meilleure anxiolyse consiste souvent en une bonne information donnée au patient quant à l’utilité du geste et à son déroulement. Si possible, il faut obtenir un consentement éclairé oral ou écrit. Le site de ponction est choisi en tenant compte des possibles contre-indications (voir article I en page 2343). S’assurer de l’absence d’allergies médicamenteuses. Installer le moniteur et s’assurer que tout le matériel soit préparé correctement. Le patient est alors positionné et les points de repère anatomiques recherchés.
Positionner le patient avec le bras le long du corps, la tête légèrement en extension et tournée du côté opposé au site de ponction. En cas de ponction sous-clavière poser une alèse entre les omoplates pour mieux écarter les épaules et faciliter la ponction.
Désinfection large de la peau autour du site de ponction (15-20 cm) en cercles concentriques et en direction centrifuge, au moins trois fois. Sur la peau saine, utiliser un antiseptique alcoolique à base de chlorhexidine ou d’iode ; pour des peaux brûlées ou abrasées, utiliser un antiseptique aqueux toujours à base de chlorhexidine ou d’iode.
Après la désinfection, mettre la blouse stérile et changer de paire de gants stériles. Poser les champs stériles : en premier le champ situé contre soi et dans un deuxième temps le champ plus éloigné ; dégager uniquement la zone de ponction. Préparer sur le champ : l’aiguille de repérage (22G) montée sur une seringue, l’aiguille de ponction (18G) montée sur une seringue (avec ou sans NaCl 0,9%) et le guide métallique. Le fait d’avoir tout le matériel devant soi facilitera le déroulement de la procédure. Remplir toutes les voies du cathéter avec du NaCl 0,9%, en contrôlant l’intégrité du cathéter, ensuite les fermer avec les clamps du cathéter.
Procéder à l’anesthésie superficielle au point de ponction. En cas de ponction jugulaire ou sous-clavière mettre le patient à 15° en position de Trendelenburg, ceci pour améliorer le remplissage veineux et diminuer le risque d’embolie gazeuse. Procéder ensuite à l’anesthésie des tissus plus profonds (aiguille longue, 22G). Avancer de 3 à 5 cm jusqu’à repérer la veine. En avançant, appliquer toujours une légère aspiration à la seringue pour éviter le risque d’injecter le produit d’anesthésie en intraveineux. Attendre une à deux minutes que l’anesthésie soit efficace, puis procéder à la ponction de la veine avec l’aiguille de ponction (18G) montée sur une seringue de 5 ml ou 10 ml, toujours sous aspiration en exerçant une traction douce sur le piston de la seringue. Lorsqu’on pénètre dans la veine avec l’aiguille, la seringue se remplira rapidement de sang. Si la veine n’est pas trouvée à la profondeur voulue, retirer lentement la seringue par le même trajet, toujours en légère aspiration. Souvent le remplissage de la seringue par le sang veineux est obtenu uniquement lors du retrait car sous la pression de l’aiguille qui avance, la veine peut collaber et l’aiguille passer à travers sans que le sang puisse être aspiré.
Si malgré tout la veine n’est pas encore trouvée, retirer l’aiguille jusqu’au tissu sous-cutané, rediriger l’aiguille et répéter la manœuvre. Pour éviter des lésions mécaniques il ne faut jamais rediriger l’aiguille à mi-chemin. Une fois dans la veine déconnecter la seringue.
Attention : la présence d’un flux pulsatile et de sang rouge vif indique une ponction artérielle. Dans ce cas, retirer rapidement l’aiguille et comprimer pendant cinq à dix minutes. Ces caractéristiques peuvent par contre être absentes en cas d’hypotension, d’état de choc ou en cas d’hypoxémie sévère.
Sous surveillance ECG, faire avancer le guide métallique à travers l’aiguille de ponction et avancer environ 20 cm. S’assurer que la première partie recourbée («J») du guide soit orientée en direction du cœur. Seule une résistance minime doit être rencontrée pendant l’avancement. En cas de résistance, faire pivoter le guide pour orienter le «J» différemment.
Attention : en cas de ponction sous-clavière ou jugulaire interne, le guide métallique est suffisamment long pour arriver dans le cœur et produire des extrasystoles ou salves de tachycardie ventriculaire. Dans ce cas, retirer rapidement le guide de quelques centimètres.
Une fois le guide en place, l’aiguille peut être retirée et après élargissement de l’orifice de ponction avec un bistouri, le dilatateur pourra être glissé sur le guide métallique afin de dilater les tissus sous-cutanés. Cela permettra au cathéter, qui est flexible, un passage sans résistance directement dans la veine. La distance idéale à laquelle avancer le cathéter peut être estimée en posant le cathéter sur la poitrine du patient. Une étude a mesuré que cette distance est généralement de 16,5 cm pour un adulte de taille moyenne.2
Une fois le cathéter en place, le guide métallique est retiré complètement. Si le cathéter est positionné correctement, du sang sera facilement aspiré par chacune des voies. Après ce contrôle, chaque voie sera rincée avec du NaCl 0,9%. Ensuite, on peut procéder à la fixation du cathéter en utilisant le dispositif de fixation à pression contenu dans le set (fixation à ailettes).
Le premier pansement se fera de préférence avec des compresses stériles et Mefix, en raison du risque de saignement. Par la suite le pansement peut se faire avec un pansement semi-perméable type Opsite ou Tegaderm. Ces derniers étant transparents, ils ont l’avantage de permettre un contrôle du point de ponction à tout moment, ce qui permet de reconnaître précocement les signes d’une éventuelle infection.
Après la pose d’un cathéter jugulaire ou sous-clavier, une radiographie du thorax de contrôle est systématiquement demandée pour exclure des complications et pour confirmer le bon positionnement du CVC dans la veine cave supérieure au-dessus de l’oreillette droite.
Vaisseau de diamètre de 1-2 cm, fixé au bord postérieur de la clavicule, peu susceptible de se collaber ; la plèvre apicale se situe environ 5 mm plus en profondeur que l’origine de la veine ; la veine est antérieure et inférieure à l’artère sous-clavière, séparée par le muscle scalène antérieur. A gauche l’apex pulmonaire monte plus haut qu’à droite, ce qui augmente le risque de pneumothorax.
• Après désinfection de la région sous-clavière, l’anesthésie locale se fait en ponctionnant 1 cm caudal au point de jonction entre le tiers moyen et le tiers interne de la clavicule (figure 1). On assure aussi une anesthésie locale du périoste de la clavicule pour diminuer l’inconfort et la douleur au moment de l’introduction de l’aiguille de ponction.
• Introduire l’aiguille de ponction au même endroit utilisé pour l’anesthésie locale. Toujours en aspirant, avancer l’aiguille en direction céphalique jusqu’au-dessous de la clavicule. Ensuite orienter l’aiguille en visant la fourchette sternale. Veiller à ce que l’aiguille reste toujours parallèle au plan horizontal, ne pas aller en profondeur ceci pour diminuer le risque de pneumothorax. Avancer, en glissant sous le rebord inférieur de la clavicule, pour 3-5 cm, selon l’anatomie du patient.
• Si un reflux sanguin n’est pas obtenu au bout de 3-5 cm, retirer l’aiguille de la clavicule en aspirant et réorienter l’aiguille en direction un peu plus céphalique.
• A l’entrée de la veine, procéder selon la technique Seldinger.
Pour repérer la veine jugulaire interne, utiliser le triangle anatomique formé par les deux chefs du muscle sterno-cléido-mastoïdien et la clavicule. La veine jugulaire interne se trouve au-dessous du muscle à l’apex du triangle. Localiser également l’artère carotide (médiale à la veine, parallèle à la jugulaire) et la veine jugulaire externe. La ponction de la veine jugulaire interne droite est préférée à cause de son parcours direct vers la veine cave supérieure. La veine jugulaire gauche arrive dans la veine sous-clavière avec un angle d’environ 90°, ce qui risque de compliquer le passage du cathéter.
Abord moyen (figure 1) :
l’opérateur est positionné à la tête du patient ;
localiser l’artère carotide avec la main non dominante. Identifier les deux chefs du muscle sterno-cléido-mastoïdien ;
après l’anesthésie locale, insérer l’aiguille de ponction au sommet du triangle formé par le muscle sterno-cléido-mastoïdien et la clavicule, latéralement à l’artère carotide, avec une incidence de 45° par rapport au plan frontal. L’aiguille est dirigée vers le mamelon ipsilatéral. Une aiguille fine (22G) peut être utilisée pour repérer la veine avant l’aiguille de ponction, ceci pour minimiser les risques en cas de ponction artérielle ;
à l’entrée de la veine, procéder selon la technique Seldinger.
Abord postérieur (figure 2) :
repérer l’intersection du bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien et la veine jugulaire externe ;
la ponction est effectuée 1 cm en dessus de cette intersection, l’aiguille dirigée en direction de la fourchette sternale ;
à l’entrée de la veine, procéder selon la technique Seldinger.
La veine fémorale est médiane à l’artère fémorale. En partant de la ligne médiane du pli inguinal vers l’externe, on trouve d’abord la veine, puis l’artère fémorales et enfin le nerf fémoral. Le ligament inguinal va de l’épine iliaque antérieure à la tubérosité pubienne. Le compartiment abdominal se trouve au-dessus de l’arcade inguinale.
• Repérer l’artère fémorale juste au-dessous du ligament inguinal. Le point de ponction se trouve 1-2 cm médialement à l’artère et 1-3 cm au-dessous du ligament inguinal(important pour éviter un hématome intra-/rétropéritonéal) (figure 3).
• Avancer en direction céphalique, le biseau de l’aiguille vers le haut, avec une incidence de 45° par rapport au plan horizontal.
• Au cas de ponction artérielle, retirer l’aiguille et effectuer une compression pendant cinq à dix minutes.
Cette technique doit être réservée à des situations particulières. En cas d’indication au changement d’un CVC, on procède en principe à la pose d’un nouveau cathéter à un autre endroit. A ce sujet, nous rappelons que le changement de routine d’un cathéter central n’est pas recommandé. Les indications au transcathétérisme se limitent donc à :
• L’apparition d’un état fébrile sans sites cliniques apparents, en attendant les cultures microbiologiques.
• La fuite liquidienne à partir du cathéter ou du site de ponction.
• La nécessité de remplacement d’un CVC qui se révèle plus adéquat à cause d’une modification des besoins (par exemple remplacement d’une voie centrale à une lumière par un cathéter multi-lumières ou un cathéter de dialyse).
Après avoir déconnecté les perfusions (garder une voie veineuse périphérique de «secours»), désinfecter la peau, le cathéter et ses raccords. Procéder à l’anesthésie locale si nécessaire. Sectionner le cathéter proximalement à l’aileron de fixation (figure 4).
Retirer le cathéter d’environ 1 cm et clamper l’extrémité à la sortie de la peau avec un crile pour éviter l’embolisation du cathéter ou une embolie gazeuse. Glisser le guide métallique dans le cathéter coupé. Pour éviter tout risque d’embolisation du cathéter, son extrémité doit dépasser la peau en tout temps. Après avoir retiré le vieux cathéter et avoir laissé en place le guide métallique, procéder comme décrit dans la technique de Seldinger.
En position jugulaire, une méta-analyse10 ainsi qu’une étude randomisée récente11 ont montré une réduction significative des échecs de pose (réduction relative du risque –RRR 86%), des complications mécaniques (RRR 57%) et des échecs à la première tentative (RRR 41%). Ce bénéfice n’a pas été retrouvé par contre, lors de ponction de la veine sous-clavière ou fémorale.
> En cas d’angoisse, une anxiolyse doit être proposée au patient. Il ne faut pas oublier que la meilleure anxiolyse consiste souvent en une bonne information donnée au patient quant à l’utilité du geste et à son déroulement
> Une asepsie stricte est cruciale pour diminuer le risque de complication infectieuse
> En cas d’échec de ponction de la veine, il faut toujours retirer l’aiguille jusqu’au tissu sous-cutané. Pour éviter des lésions mécaniques, il ne faut jamais rediriger l’aiguille à mi-chemin
Several approaches exist for central vein catheterization. Mastery of the various steps of this procedure and understanding of the basics of asepsis are critical to prevent any complication. They also built the basis for an exhaustive communication with the patient, to obtain an informed consent. This article can in addition be used to develop a checklist in order to (self-)assess competence in procedural skills.