Oui, vous avez deviné, il s’agit de l’Hôpital neuchâtelois qui a été mis sur pied, depuis plus de deux ans, selon la volonté du peuple, manifestée par le référendum du 5 juin 2005 sur la Loi sur l’établissement hospitalier multisite cantonal (LEHM).
Depuis lors, ça bouge, mais ça n’avance qu’à petits pas. Tout le monde tire sur la même corde, mais dans toutes les directions. Initiatives dans le bas du canton et dans le Val-de-Travers, motion au conseil général de La Chaux-de-Fonds, les procédures démocratiques ne manquent pas pour contester la réforme hospitalière entreprise par l’Hne depuis sa création. Absence d’esprit cantonal et régionalismes exacerbés, pourquoi ? Manque d’informations, délais trop longs entre les décisions politiques et leurs mises en application, absence de représentation des minorités au Conseil d’Etat ou de leaders des régions pouvant soutenir ou faire passer les bonnes idées, difficultés de communication entre les dirigeants de la nouvelle institution et la population ou le corps médical, intégration d’éléments rationnels dans un contexte émotionnel ou… ?
A l’époque où les tournants socio-économiques mènent, à défaut de stratégies de rationalisation et de centralisation, plusieurs entreprises à la faillite ou au mieux à la restructuration, on se demande pourquoi cette même «culture» éprouve autant de peine à avancer dans le domaine de la santé. Dépenses élevées pour les réseaux routiers et pour faciliter la mobilité des gens, augmentation des pendulaires, sans parler de la centralisation des entreprises et des grandes surfaces, mais pas de mobilité pour les soins… ça non ! On ne peut pas l’envisager pour les hôpitaux ! !
Centraliser les missions sur divers sites, sans parler de la rationalisation des coûts liés à leur gestion, ne va-t-il pas, en rassemblant les forces, les rendre plus compétents et plus compétitifs ? Et que dire de la nécessité absolue de disposer de regroupements hospitaliers dotés d’une masse critique de patients, indispensable pour la formation postgraduée des futurs médecins de premier recours ; un facteur primordial dans l’attractivité d’un canton et de ses régions pour garantir l’installation de nouveaux médecins. En effet, la pénurie médicale qui s’annonce notamment pour la médecine de premier recours en périphérie s’est déjà fait ressentir. Ne faut-il pas anticiper et développer des modes de collaboration innovants ? Est-ce l’absence de vision politique sur le long terme qui conduit, comme au Val-de-Travers, à ce que chacun défende quand même son pré carré malgré la mise en place d’un excellent projet de «plate-forme de santé» qui pourra garantir, à terme, la relève médicale ? Un modèle qui, bien au contraire, devra être étendu à d’autres régions du canton, notamment celles où est encore exploitée une policlinique à l’hôpital.
Nous avons besoin des changements, il y en a eu, et il y en aura encore ; ils sont indispensables. Dans ces démarches et celles qui suivront, l’objectif recherché n’est pas prioritairement financier, il se décline d’abord en termes de qualité, de sécurité et surtout d’efficacité dans l’optimisation des ressources médicales à disposition.
Loin de ses maladies d’enfance, l’Hne s’attend également à des erreurs de jeunesse. Il y fera face et corrigera le tir si nécessaire. Quoi de plus naturel dans l’évolution d’une entreprise confrontée à garantir la difficile harmonie dans l’équilibre d’un produit intouchable de la population qui est sa santé et les dures contraintes économiques du marché, sans parler des différentes pressions exercées par les assureurs ou les instances politiques ? Ne faut-il pas laisser cet adolescent grandir, s’affiner, mener ses objectifs à terme avant de le déclarer désuet ? Faisons-lui confiance, laissons-le prendre des initiatives sans forcément l’affaiblir en lui en lançant d’autres, et ne lui mettons plus les bâtons dans les roues afin qu’il puisse avancer du pas ferme et assuré du pèlerin.
Malheureusement, le peuple neuchâtelois est témoin de tentatives de mise sous tutelle de l’Hne par les politiciens régionaux, afin de donner du pouvoir au Grand Conseil en tant qu’organe de surveillance de son Conseil d’administration. Autant entériner une absence totale des liaisons des bases politiques avec l’exécutif. Ou devrait-on, au contraire, donner davantage de pouvoir à l’Etat pour une meilleure collaboration entre hôpitaux et privés ?
De son côté, l’Hne s’interroge également sur les raisons d’une telle résistance au changement. Est-il considéré et réduit à une simple équipe de technocrates qui ne veut pas comprendre les préoccupations de la population et désire bouleverser le système hospitalier uniquement pour des questions de réduction des coûts ?
Las de contestations tous azimuts, ne faudrait-il pas plutôt se demander comment on pourrait maintenir une pédiatrie hospitalière de haut niveau sans la centraliser sur un seul site cantonal au prix, peut-être, de la voir disparaître un jour de la liste des prestations hospitalières du canton ? Les mêmes réflexions restent valables dans les domaines de la gynécologie et de l’obstétrique, de la prise en charge des «petites urgences» ou d’autres spécialités encore. Là aussi, en réunissant les forces présentes, des modèles sont à construire dans un intérêt commun de qualité et de coût raisonnable pour la collectivité.
Depuis peu, et avec un certain retard, il faut l’admettre, l’Hne a mis l’accent sur la communication et va à la rencontre de la population et de ses différents partenaires. Grâce à cette initiative, le dialogue a remplacé la confrontation et plusieurs réunions ont permis une meilleure compréhension et une connaissance mutuelle. A cet égard, la Société neuchâteloise de médecine, de par son implication de plus en plus active dans ce dossier complexe, est et reste un partenaire essentiel et semble constituer le meilleur fédérateur. En effet, les médecins en pratique libérale, spécialistes ou généralistes, sont des relais entre la population et l’hôpital. L’indispensable collaboration entre ces derniers et l’Hne, plus particulièrement dans les domaines de l’ambulatoire et les différentes spécialités, constitue le nœud central de la réussite de la politique de la santé de notre canton. Souhaitons-lui bonne chance…