Les infections des voies aériennes supérieures sont parmi les motifs de consultation les plus fréquents en médecine de premier recours. Lorsque la localisation est principalement rhino-sinusienne, la cause est en général virale. Nous passons en revue dans cet article les conditions permettant de suspecter une origine bactérienne avec comme question centrale les critères pour l’instauration d’un traitement antibiotique. La place des examens paracliniques dans la stratégie diagnostique est discutée et en particulier celle de la radiographie standard.
Le diagnostic et le traitement de la sinusite aiguë sont l’objet d’un questionnement fréquent en médecine de premier recours. La majorité des infections aiguës de la région rhino-sinusienne sont d’origine virale. Leur évolution est la plupart du temps spontanément résolutive après une durée des symptômes pouvant atteindre sept à dix jours. Des antibiotiques sont fréquemment prescrits en cas de symptômes rhino-sinusiens : jusqu’à deux tiers des cas selon une étude américaine publiée en 2003 dans le JAMA ! 1 Or, seuls 1% à 2% seulement de ces infections sont dues à une infection bactérienne. Les germes bactériens les plus fréquemment rencontrés sont alors Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae. Parmi les bactéries les plus rarement rencontrées, il faut mentionner Moraxella catarrhalis en raison du problème de résistance à l’amoxicilline qui lui est associé.
Par définition, une sinusite aiguë dure moins de quatre semaines. Entre quatre et douze semaines d’évolution, on parle de sinusite subaiguë et au-delà de douze semaines, d’une sinusite chronique. Le terme de sinusite récurrente est réservé à des sinusites à répétition avec une fréquence d’au moins quatre épisodes par année. La présence de signes de gravité (ou drapeaux rouges) permet de distinguer une sinusite simple d’une sinusite compliquée (tableau 1). Dans ces cas, une consultation ORL en urgence est indiquée.
Les complications redoutées d’une sinusite bactérienne sont la survenue d’une cellulite périorbitaire, d’un abcès cérébral, d’une thrombose du sinus caverneux ou encore d’une méningite.
Les examens de laboratoire tels que la formule sanguine, le dosage de la protéine C-réactive ou les examens microbiologiques ne sont pas recommandés en routine. Certains d’entre eux peuvent être considérés en présence d’une maladie systémique, par exemple une maladie de Wegener, une sarcoïdose, une mucoviscidose ou un déficit immunitaire.2 L’examen radiologique standard, en particulier l’incidence dite de «Blondeau» ou «nez-menton-plaque», n’est également pas recommandé de routine dans la sinusite aiguë non compliquée, notamment en raison de son rendement inférieur aux scores cliniques pour distinguer une sinusite bactérienne d’une sinusite virale (sensibilité et spécificité égales ou inférieures à 0,80). 3,4Le scanner des sinus, quant à lui, n’est pas recommandé en routine. Il peut être utile à la recherche d’une pathologie sous-jacente (polype, cancer), en cas de complications neurologiques, lors d’une suspicion d’extériorisation, dans les situations de sinusite récurrente ou en cas de persistance des symptômes après plus de deux semaines de traitement antibiotique. Il est important de rappeler que le CT est peu sensible, puisqu’il est anormal chez seulement 62% des patients avec symptômes évocateurs de sinusite, et également peu spécifique (passablement de faux positifs) puisqu’un épaississement muqueux peut être présent lors d’un simple «refroidissement».
En règle générale, il est proposé de s’abstenir d’utiliser des antibiotiques dans la sinusite aiguë, à moins que les trois critères suivants soient remplis : une anamnèse compatible avec durée de plus de sept jours, une douleur évocatrice et un écoulement purulent (tableau 2). 5-7En présence d’un déficit immunitaire connu, le risque d’infection bactérienne est plus élevé. La présentation clinique peut être atypique, de même que le germe en cause. Nous ne détaillons pas ici la stratégie diagnostique et thérapeutique propre à ces situations d’exception.
La prise en charge, en cas de suspicion de sinusite aiguë, est résumée dans la figure 1. Le traitement symptomatique de la sinusite aiguë comprend l’administration de décongestionnants nasaux locaux, d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires ainsi que des irrigations nasales avec une solution saline.
Les décongestionnants nasaux sont des vasoconstricteurs sympathicomimétiques d’application locale tels que la xylométazoline 0,1% (par exemple : Rinosedin Spray 2 push/narine 4 x/j) ou la phényléphrine 0,04% (par exemple : Arbid Top gouttes 2 gouttes/narine 4 x/j). Les patients doivent être rendus attentifs à limiter leur usage à une semaine de traitement topique au maximum en raison du risque de rhinite médicamenteuse. Il existe aussi des décongestionnants nasaux d’action systémique, tels que les comprimés ou gouttes à avaler d’un mélange de buphénine et diphénylpyraline (par exemple : Arbid). Ces médicaments sont cependant associés à un risque de somnolence potentiellement dangereux en cas de conduite automobile et ont des effets systémiques hypertenseurs. Ils ne sont donc pas recommandés en première intention.
Les analgésiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) font partie intégrante du traitement symptomatique de la sinusite aiguë. Nous recommandons par exemple l’usage du paracétamol 500 mg à 1 g (par exemple : Dafalgan), maximum 3 g/j, du diclofénac 50 à 75 mg (par exemple : Ecofénac), maximum 150 mg/j, ou de l’ibuprofène 400 à 600 mg (par exemple : Irfen), maximum 1800 mg/j. En cas de prescription d’AINS, il convient de tenir compte du risque de gastro-, cardio- ou néphro-toxicité, ainsi que du risque d’interactions médicamenteuses.
Les irrigations nasales avec solution saline permettent un soulagement lié à l’évacuation des sécrétions, mais n’ont pas montré d’efficacité sur la vitesse de guérison dans les études cliniques. Par ailleurs, lors de sinusite bactérienne avérée, leur innocuité n’est pas totalement établie. Il existe un risque théorique de dissémination de l’infection à des sinus contigus. Nous proposons donc de réserver leur usage aux situations où une origine bactérienne n’est pas suspectée. Il existe des préparations de NaCl avec adjuvants (par exemple : Prorhinel, Rhinocure) qui sont remboursées par les caisses. Le patient peut aussi recevoir des instructions pour une «préparation maison» qui consiste à réaliser une solution de rinçage nasal avec un quart de cuillère à café de sel de cuisine dans une tasse d’eau et peut être administrée soit par reniflement ou à l’aide d’une seringue.
L’usage de corticoïdes, soit par voie orale, soit par voie intranasale reste controversé dans le traitement de la sinusite aiguë en raison d’un degré de preuves limité (petits essais cliniques randomisés avec impact modeste sur les symptômes) et du fait d’un impact négatif sur la concentration de virus dans les sécrétions nasales.4,8-10 Par contre leur usage est indiqué dans la sinusite chronique et la rhino-sinusite allergique. Il n’y a aucun argument pour l’administration de mucolytiques.
Les trois critères présentés dans le tableau 2, lorsqu’ils sont tous présents dans un contexte de médecine de premier recours, correspondent à une probabilité clinique élevée de sinusite bactérienne (environ 80%) qui justifie à nos yeux le recours au choix d’une antibiothérapie. A ce sujet, une étude parue dans le JAMA en 2007 a soulevé la controverse en publiant des résultats négatifs sur le rôle des antibiotiques dans cette indication. Les critiques, parues dans la même revue, relèvent des défauts méthodologiques et notamment des critères d’inclusion trop larges.11 En attendant de nouvelles données de la littérature, l’antibiothérapie reste donc indiquée.
En raison d’une prévalence en Suisse romande de souches de Haemophilus influenzae (15%) et de Moraxella catarrhalis (90%) résistant à l’amoxicilline, le choix d’un antibiotique à spectre élargi est recommandé.12,13 Nous proposons par exemple un traitement de céfuroxime 250 mg 2 x/j pendant sept jours (par exemple : Céfuroxime-Mepha) qui a l’avantage d’une meilleure tolérance digestive que l’amoxicilline/clavulanate et par conséquent d’un risque diminué d’interruption de traitement. Rappelons qu’un traitement de sept jours est aussi efficace qu’un traitement de dix jours5et que les céphalosporines restent indiquées en cas d’allergie cutanée non immédiate aux pénicillines. Par contre, en cas d’allergie aux bêtalactamines, l’option consiste à prescrire l’azithromycine 500 mg 1 cp 1 x/j pendant trois jours (par exemple : Azithromycine-Mepha) ou la clarithromycine 500 mg 2 x/j pendant sept jours (par exemple : Clarithromycine-Mepha). En outre, il convient de tenir compte du fait qu’un pneumocoque sur quatre est résistant à la clarithromycine et que cet antibiotique a un potentiel d’interaction cliniquement significatif sur les CYP450.14 Les critères pour un succès thérapeutique sont une amélioration des symptômes après trois à cinq jours et une résolution totale dans les quatorze jours.
> La majorité des infections aiguës de la région rhino-sinusienne sont d’origine virale
> La radiographie standard des sinus a rarement sa place dans le diagnostic de la sinusite aiguë
> Le choix d’un traitement antibiotique devrait être réservé aux patients les plus à risque de complications bactériennes
> Un score permet de restreindre le recours aux antibiotiques en cas de symptômes de la région rhino-sinusienne
Rhino-sinusitis is one of the most complaint in ambulatory clinic sitting and nasal obstruction. This diagnosis is however difficult and general practitioners might overdiagnose acute bacterial sinusitis. Most imaging is not useful in determining sinusitis. Acute sinusitis is very often a self-limiting disease. Antibiotics should be prescribed only after one week of symptoms’ duration and in case of the presence of two additional criteria : pain and purulent nasal discharge with nasal obstruction.