La neuro-imagerie cérébrale est-elle un outil permettant de progresser dans l’identification des bases neurologiques de l’autisme ? Les résultats que vient de publier un groupe de chercheurs du Commissariat français à l’énergie atomique (CEA), l’Institut national français de la recherche médicale (Inserm) et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris le laissent penser.1 Grâce à l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), ils viennent de montrer que des anomalies cérébrales spécifiques sont associées à certains syndromes autistiques. Il s’agit là, selon eux, d’une nouvelle piste de recherche à approfondir. Ils estiment notamment que les données issues de l’analyse IRM pourraient aider à mieux catégoriser les patients en vue de rechercher plus finement les causes de l’autisme. Les images IRM qui ont permis d’obtenir ces résultats ont été réalisées sur deux machines identiques au Service hospitalier Frédéric Joliot du CEA à Orsay et à l’Hôpital Necker-Enfants malades. Ce travail a été présenté le 10 février devant l’Académie nationale française de médecine qui consacrait une séance thématique à l’autisme.
Les auteurs ont rappelé à cette occasion que des travaux conduits dans les années 1990 sur le volume d’un certain nombre de structures anatomiques n’avaient pas permis de fournir des résultats significatifs ou avaient fourni des résultats discordants concernant le corps calleux, l’amygdale, l’hippocampe et le cervelet. D’autres observations laissent penser que le volume du cerveau est augmenté dans les premières années de vie, pour se normaliser ensuite. Il faut ajouter d’autres observations comme une réduction significative de la quantité de substance grise au niveau du sillon temporal supérieur ou une diminution significative du débit sanguin cérébral au repos. Dans ce cas, les anomalies sont bilatérales et centrées sur le cortex temporal supérieur qui est un cortex associatif multimodal. Quant aux anomalies du sillon temporal supérieur, elles pourraient rendre compte des troubles cognitifs observés chez les sujets atteints. Un dysfonctionnement des deux sillons, régions clés du lobe temporal situées au carrefour des informations sensorielles multimodales, pourrait ainsi être mis en rapport avec les troubles perceptifs, affectifs et cognitifs qui caractérisent l’autisme.
Les chercheurs rappellent encore qu’il a été établi que lors de la présentation de sons complexes, les enfants autistes présentent des anomalies de l’activation temporale. L’ensemble des réseaux corticaux impliqués dans le décodage de ces sons complexes semble ainsi désorganisé. Une étape de plus a été franchie en 2004 avec la démonstration de l’implication du sillon temporal supérieur dans une tâche cognitive complexe. Il s’agissait alors de faire la différence entre la voix humaine et des bruits « non vocaux ». Une région très précise du STS est impliquée et activée chez tous les enfants normaux lors de l’écoute de la voix humaine. Dans le groupe des sujets autistes, cette aire temporale n’est pas activée.
« Chez les sujets autistes dits idiopathiques, nous avons réalisé une étude rétrospective chez 77 enfants autistes âgés de deux à seize ans et comparés à un groupe de même âge de 77 enfants normaux, précisent les chercheurs. Dans 48% des enfants autistes ont été retrouvées des anomalies visibles en IRM. Les trois principales anomalies retrouvées sont des anomalies de la substance blanche, une dilatation des espaces de Virchow-Robin et des anomalies du lobe temporal à type d’hypersignal sous-cortical du lobe temporal, essentiel pour la cognition et le langage. »
Un bilan pédopsychiatrique, neuropsychologique, métabolique et génétique très détaillé avait préalablement été réalisé chez les enfants autistes. Toutes les images IRM ont été interprétées par deux radiologues spécialistes en neuroradiologie pédiatrique. En attendant de voir confirmés ces résultats sur un plus large échantillon de personnes, les auteurs soulignent qu’il reste à déterminer les relations fonctionnelles entre les observations anatomiques et les manifestations de la maladie.
Ces données pourraient selon eux contribuer à distinguer des sous-groupes et ainsi à faire avancer la recherche des causes de la maladie. « Il est à notre avis indispensable de réaliser une IRM chez tout enfant chez lequel un retard mental et/ou un autisme est diagnostiqué, concluent-ils. Il est indispensable, en effet, d’éliminer tout autisme secondaire à une maladie métabolique, une malformation ou une lésion cérébrale. »
Pour sa part, Bernard Golse, psychanalyste et chef du Service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants malades (Paris), estime que ces derniers acquis sont pleinement compatibles avec une approche psychanalytique. Ces deux approches se focalisent pour l’essentiel sur le lobe temporal supérieur cérébral humain ainsi que sur les fonctions qui y sont localisées, qu’il s’agisse de mécanismes de reconnaissance des visages et de la voix ou des processus d’analyse des mouvements et d’articulation des flux sensoriels.
Ce travail s’inscrit dans le contexte plus général de l’approche génétique des causes de l’autisme, une piste qui se confirme comme l’ont expliqué devant l’Académie nationale française de médecine les Prs Thomas Bergeron (Université Denis Diderot, Institut Pasteur de Paris), Marion Leboyer (Université Paris XII, groupe hospitalier A. Chenevier – H. Mondor, Créteil) et Richard Delorme (Hôpital Robert Debré, Paris). « Des résultats récents obtenus sur les protéines synaptiques NLGN3, NLGN4, SHANK3 et NRXN1 suggèrent fortement l’existence d’une anomalie de la formation/maturation des synapses et de l’équilibre des courants GABA/glutamate dans l’étiologie de l’autisme », ontils expliqué. Cette anomalie pourrait expliquer les troubles des interactions sociales réciproques, de la communication verbale et non verbale et le répertoire de comportements restreints, répétitifs et stéréotypés qui apparaissent avant l’âge de trois ans et qui caractérisent les « troubles du spectre autistique » (un enfant sur 200) comme l’« autisme de Kanner » (un enfant sur 1000).