Les articles regroupés dans ce numéro recouvrent des aspects très différents de la cardiologie contemporaine. Ils visent à informer le lecteur d’un certain nombre de progrès récents, dont plusieurs sont destinés à graduellement modifier notre pratique en profondeur. Ils touchent aussi tous à un point commun d’une importance capitale : la sélection optimale des patients susceptibles de tirer le maximum de bénéfices de ces nouvelles techniques, qu’elles soient diagnostiques ou thérapeutiques. Nous focaliserons notre commentaire sur les deux nouvelles approches thérapeutiques qui sont évoquées dans ce numéro, la resynchronisation cardiaque et le remplacement valvulaire aortique percutané.
La resynchronisation cardiaque (CRT) par pacemaker biventriculaire est devenue ces dernières années l’un des piliers majeurs du traitement de l’insuffisance cardiaque réfractaire au traitement médical. L’impact sur les symptômes et aussi sur la mortalité peut être impressionnant, pour autant que les critères de sélection soient bien respectés : insuffisance cardiaque sévère (> classe III) persistant sous traitement médical optimal, fraction d’éjection inférieure à 35% et largeur du QRS supérieure à 120 ms. Le bénéfice clinique de la CRT est comparable à celui des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou à celui obtenu par les bêtabloquants et bien mieux établi que celui décrit avec la spironolactone pourtant largement prescrite. Or, en pratique, il faut admettre qu’aujourd’hui en Suisse trop peu d’insuffisants cardiaques, remplissant ces critères, se voient offrir un tel traitement, pourquoi ? Les réponses sont probablement dans l’attitude du corps médical plus que dans la logique scientifique : réticence à envisager une autre option que les médicaments ? Méconnaissance des bénéfices réels d’une telle thérapie ? Crainte face à un geste invasif ? Inquiétude face au coût du matériel ? Refus d’envisager un tel traitement chez des patients au sombre pronostic, etc. ? La réponse n’est pas simple, loin s’en faut. Tous les patients en insuffisance cardiaque ne « méritent » pas une synchronisation par stimulation biventriculaire mais les candidats potentiels, ceux qui répondent aux critères reconnus, doivent être identifiés et l’indication à un tel traitement doit alors être objectivement discutée avec le spécialiste, en évitant tout a priori subjectif. C’est cela la médecine basée sur les preuves, et c’est bien celle que l’on se doit d’appliquer.
L’implantation percutanée des valves aortiques est un autre progrès thérapeutique important décrit dans ce numéro de la Revue médicale suisse. Cette approche dans le traitement de la sténose aortique sévère est très attractive car elle permet d’éviter une chirurgie majeure mais elle n’en est qu’à ses premiers pas. Les complications sévères sont encore assez fréquentes dans la phase aiguë chez les patients âgés et très symptomatiques qui sont sélectionnés, les résultats de grandes études cliniques randomisées manquent encore, et l’évolution à long terme des prothèses doit impérativement être évaluée avant qu’un tel traitement puisse être proposé à une majorité des patients souffrant de sténose aortique sévère. Les auteurs de l’article soulignent d’ailleurs deux points importants : 1) la chirurgie valvulaire reste toujours aujourd’hui le traitement de choix lorsque le risque opératoire n’est pas considéré comme élevé et 2) lorsqu’un traitement percutané est envisagé, un bilan complet, incluant les comorbidités, la morphologie et la taille de la valve aortique, l’état de la crosse aortique et les axes iliaques, doit être fait avant de poser une indication définitive. Le choix de la stratégie thérapeutique est donc complexe et difficile et il implique impérativement une discussion approfondie avec le patient et un consensus médico-chirurgical pour chaque cas. Il est encore difficile de dire quand la pose d’une valve percutanée deviendra l’approche par défaut pour la plupart des patients souffrant de sténose valvulaire, mais il ne fait aucun doute que l’implantation percutanée des valves aortiques constitue actuellement déjà une véritable révolution pour un groupe de patients dont les options thérapeutiques étaient pratiquement inexistantes il y a seulement deux ou trois ans.