Deux toutes récentes publications viennent de nous apporter la démonstration qu’en virologie comme en bactériologie de substantiels progrès thérapeutiques demeurent inscrits dans le champ du possible.
L’information ne manquera pas d’intéresser tous ceux qui prennent médicalement en charge les dizaines de millions de personnes souffrant d’une infection chronique par le virus de l’hépatite chronique de type C. Elle est disponible depuis le 30 avril sur le site du New England Journal of Medicine.1 Ces résultats très attendus résultent d’une étude multicentrique européenne coordonnée par le Pr Jean-Michel Pawlotsky (Hôpital Henri Mondor, Créteil, Université Paris 12-Valde-Marne). Ils permettent d’envisager sous peu de proposer aux malades un nouveau traitement plus efficace que ceux actuellement prescrits.
On sait que l’hépatite chronique virale de type C expose les personnes infectées au développement de différentes complications. Les principales et les plus graves sont une cirrhose du foie dans environ 20% des cas et un cancer primitif du foie, qui survient à une fréquence de 4 à 5% par an chez les malades souffrant d’une cirrhose. Cette maladie est si fréquente qu’elle est devenue la première cause de cancer du foie et qu’elle représente la principale indication de greffe de foie dans les pays industrialisés.
Et l’on sait aussi que les traitements médicamenteux antiviraux de l’hépatite C permettent aujourd’hui, en moyenne, la guérison de 40 à 50% des malades traités, la «guérison» étant définie comme l’obtention d’une élimination définitive du virus et un arrêt de la progression de la maladie vers ses complications. L’étude coordonnée par Christophe Hézode, Jean-Michel Pawlotsky (Hôpital Henri Mondor, Créteil) et Nicole Forestier (Hôpital universitaire J. W. Goethe de Francfort) porte sur l’intérêt de l’utilisation d’un inhibiteur spécifique de la production du virus de l’hépatite C. Dénommé télaprevir, ce médicament est développé notamment par la société américaine Vertex Pharmaceuticals. Dans cette étude, le télaprevir était utilisé en association au traitement actuel de l’hépatite chronique C qui consiste en l’association d’interféron alpha et de ribavirine.
Ce travail a été mené en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Autriche chez 334 personnes infectées qui n’avaient pas été traitées auparavant. Pour résumer à l’essentiel, cette triple combinaison a permis d’améliorer les résultats du traitement de 20% environ chez des malades infectés de manière chronique par le virus de l’hépatite C de génotype 1, de loin le plus fréquent. C’est ainsi qu’un taux de guérison de presque 70% a été obtenu pour la première fois, et ce après une durée de traitement de seulement six mois au lieu des douze mois, durée des traitements actuels. Les auteurs précisent que des effets secondaires ont été observés (éruption cutanée, prurit et anémie), le plus souvent d’intensité modérée.
Si les autres travaux en cours confirment les résultats de cette étude, on peut envisager une mise sur le marché de ce nouveau traitement d’ici environ deux ans. Il restera, d’ici là, à fixer le prix de ce nouveau médicament. Les débats ne manqueront sans doute pas d’intensité.
Décupler la puissance d’un médicament antibiotique ? La chose n’est plus de l’ordre de l’impossible. Telle est la démonstration que vient de faire une équipe de chercheurs travaillant en France et en Belgique. Ils ont en effet réussi à élaborer un médicament qui rend Mycobacterium tuberculosis «hypersensible» à un traitement antibiotique déjà existant. Cette stratégie a pour objectif d’éliminer les effets secondaires toxiques du traitement antibiotique et ainsi, d’augmenter son observance par les malades, clé de la guérison. Ces travaux viennent d’être publiés dans l’édition avancée en ligne de Nature Medicine.2Une avancée substantielle au vu de la progression mondiale des cas de tuberculoses résistantes.3
Ces résultats sont le fruit de travaux qui ont débuté il y a près de dix ans avec la découverte par l’équipe du principal auteur de cette publication – Alain Baulard, chargé de recherche à l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – d’un gène de Mycobacterium tuberculosis contrôlant le niveau de sensibilité de ce bacille à plusieurs antibiotiques utilisés dans le cadre des schémas thérapeutiques antituberculeux mis en œuvre chez des malades souffrant de formes de tuberculoses multirésistantes.
«En associant “chimie médicinale”, techniques de génie génétique, de radio-cristallographie et de biophysique, les auteurs ont conçu, synthétisé et testé une molécule capable de modifier la sensibilité du bacille à plusieurs antibiotiques antituberculeux, dont l’éthionamide, utilisés dans le traitement des tuberculoses multirésistantes, résume-t-on auprès de l’Inserm. Après plusieurs étapes d’optimisation in vitro, l’administration de cette molécule à des souris atteintes de tuberculose a permis de diminuer par trois la dose d’éthionamide nécessaire à leur guérison. A cette dose, cet antibiotique ne présente plus d’effet toxique.»
Plus intéressant encore: c’est la première fois qu’une telle stratégie – que l’on pourrait qualifier de contournement – est proposée pour lutter contre une maladie infectieuse. «Le consortium s’attelle maintenant à contrôler ou améliorer certaines propriétés de ces composés prometteurs, telles que leur stabilité dans l’organisme, leur solubilité, et leur compatibilité avec les autres antibiotiques du traitement, ajoute-t-on encore auprès de l’Inserm. Bien que de nombreuses étapes restent à franchir avant d’autoriser les premiers essais chez l’homme, ceux-ci pourraient être envisagés pour 2012.» Trois ans, donc, à attendre.