La thérapie de la fibrillation auriculaire - trouble du rythme cardiaque le plus fréquent chez l’adulte – constitue un défi grandissant dans une société vieillissante en raison de sa prévalence croissante. Certains patients souffrant de fibrillation auriculaire et présentant un risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) élevé ne supportent pas un traitement par anti-coagulation orale. Désormais, clopidogrel (Plavix®) associé à l’acide acétylsalicylique est une nouvelle option efficace pour la protection contre un AVC. Un nouvel arrivant parmi les antiarythmiques est la dronédarone (Multaq®) Le produit arrive bientôt sur le marché et occupera une place importante dans la thérapie de la fibrillation auriculaire.
Le patient souffrant d’une fibrillation auriculaire paroxystique ou persistante est généralement traité par anticoagulants oraux en présence de facteurs de risque d’AVC, sauf contre-indication. Les facteurs de risque sont notamment l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque, le diabète, une fraction d’éjection inférieure à 35%, un âge supérieur à 75 ans. Les facteurs considérés à haut risque sont l’attaque cérébrale ou l’attaque ischémique transitoire (AIT) dans l’anamnèse. Cette recommandation à un degré d’évidence A : de nombreuses études indiquent que le risque d’AVC lié à une fibrillation auriculaire augmente avec l’âge et qu’une anticoagulation chez ces patients les protège d’un AVC. L’étude BAFTA menée sur des 973 patients âgés de plus de 75 ans a montré une réduction très significative des embolies systémiques et des attaques cérébrales de quasiment 50 % par rapport à l’acide acétylsalicylique, sans augmentation notable du taux d’hémorragie(1).
Actuellement, de nombreux patients souffrant de fibrillation auriculaire et présentant les conditions requises sont pourtant privés d’anticoagulation par un antivitamine K. En effet, pour diverses raisons (risque d’hémorragie spécifique, manque de compliance, contrôle incorrect de l’INR ou souhait explicite du patient), le médecin peut renoncer à ce traitement. En pratique, des enquêtes montrent qu’un patient sur deux seulement est traité par anticoagulants oraux. Jusqu’à présent, la seule alternative était l’acide acétylsalicylique qui est significativement moins efficace et recommandé uniquement en cas de risques mineurs d’attaque cérébrale. Désormais, une nouvelle option est proposée grâce au clopidogrel associé à l’acide acétylsalicylique destiné à tous les patients présentant une fibrillation auriculaire et un risque d’accident vasculaire cérébral élevé qui ne peuvent pas être traités par des anticoagulants oraux. Avec cette nouvelle combinaison, une prévention efficace et bien tolérée de l’AVC est atteinte. Les résutlats issus de l’étude ACTIVE A ont été présentés lors d’une «late breaking session» du congrès de l’ACC à Orlando.
Déjà quelques heures après une fibrillation auriculaire, une activation plaquettaire accrue apparaît. D’autres facteurs de risque d’AVC sont également associés à cette activation plaquettaire. Cette observation et l’évidence des avantages liés à une double antiagrégation plaquettaire avec clopidogrel et acide acétylsalicylique chez des patients présentant un syndrome coronaire aigu ou d’autres maladies thromboemboliques ont conduit à l’initiation des études ACTIVE. Les patients susceptibles d’être traités par anti-coagulation orale ont été randomisés dans ACTIVE W (clopidogrel associé à l’acide acétylsalicylique versus warfarine) ; les patients présentant un risque d’accident vasculaire cérébral élevé ne supportant pas la warfarine ont été randomisés dans ACTIVE A (clopidogrel associé à l’acide acétylsalicylique vs acide acétylsalicylique seul). L’étude Active W a été interrompue prématurément suite à l’évidence d’une amélioration significative dans la prévention d’événements vasculaires, notamment, des attaques cérébrales par des anticoagulants oraux par rapport au traitement basé sur l’acide acétylsalicylique associé au clopidogrel (5,6% par an vs 3,93% par an, p=0.0003). Il est à noter que la fréquence des hémorragies sévères est similaire pour les deux groupes. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer un meilleur niveau de contrôle de l’INR chez les patients connaissant déjà l’anti-coagulation orale (77% de la totalité des patients) par rapport aux patients ne connaissant pas la warfarine (64,8% vs 60,4%, p=0.001). En conséquence, les premiers ont présenté de meilleures résultats cliniques et un plus faible taux de complications hémorragiques. Par contre, en cas de mauvais contrôle INR, le traitement par anti-coagulation orale n’aboutissait pas à de meilleurs résultats que le traitement avec clopidogrel associé à l’acide acétylsalicylique.
7554 patients souffrant de fibrillation auriculaire associé à un risque d’AVC élevé et ne pouvant pas prendre d’anticoagulants oraux ont participé à l’étude ACTIVE A. Les patients ont suivi un traitement, soit à base de clopidogrel 75 mg 1 fois/ jour associé à l’acide acétylsalicylique (dose quotidienne conseillée : 75 -100 mg) ou uniquement à base d’acide acétylsalicylique dans la posologie indiquée. Le critère d’évaluation primaire de l’étude était une combinaison d’événements cardio-vasculaires : AVC, infarctus du myocarde, embolie systémique et décès dû à un accident vasculaire.
Au cours de la période d’observation (temps médian 3,6 ans), le groupe traité par clopidogrel + acide acétylsalicylique présentait significativement moins d’événements vasculaires que le groupe traité uniquement par l’acide acétylsalicylique (6,8% vs 7,6% par an, p=0.014) (fig. 1).
Cette différence correspond à une réduction significative du risque de 11 %. L’avantage majeur consistait à prévenir des attaques cérébrales : - 28 % (2,4% vs 3,3% par an, p<0.001, voir fig. 2).
Les autres composants de l’étude (infarctus du myocarde, embolie systémique, décès vasculaire) n’ont pas atteint un niveau statistiquement significatif.
Conformément aux prévisions, la double antiagrégation plaquettaire entraîne une augmentation significatif des hémorragies sévères (2,0% vs 1,3% par an sous acide acétylsalicylique seul, p<0.001). Par contre, l’étude n’a pas révélé d’augmentation significative des hémorragies mortelles (0,3% vs 0,2% par an, p=0.07). En dépit d’un taux d’hémorragie plus élevé, le rapport bénéfice / risque est positif selon le bilan du Prof. Stuart Connolly, investigateur principal de l’étude. En effet, le traitement de 1000 patients sur 3 ans par clopidogrel associé à l’acide acétylsalicylique permet de prévenir 28 attaques cérébrales (dont 17 conduiraient à des séquelles lourdes ou un décès) et 6 infarctus du myocarde. En contre partie, il faudrait s’attendre à 20 hémorragies sévères (dont 3 mortelles).
Actuellement, ACTIVE A est la plus importante étude menée sur la thérapie antithrombotique en cas de fibrillation auriculaire. Selon le directeur d’études, l’investigation prend en compte au moins trois fois plus de sujets présentant un risque d’événements d’attaque cérébrale que les autres études. Il estime que la double antiagrégation plaquettaire composé du clopidogrel et de l’acide acétylsalicylique présente des avantages important pour de nombreux patients souffrant de fibrillation auriculaire et contribue à la prévention d’événements vasculaires, notamment d’AVC, avec un risque d’hémorragie acceptable.
Chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire persistante, outre l’ablation par cathéter, deux autres possibilités thérapeutiques existent : la cardioversion, suivie de la thérapie par antiarythmiques afin de maintenir le rythme sinusal (contrôle du rythme) ou le contrôle médicamenteux de la fréquence cardiaque. Pendant une longue période, le traitement reposait sur le rétablissement du rythme sinusal. En 2006, la publication d’une revue systématique d’études randomisées, contrôlées sur une durée d’au moins un an, a révélé l’efficacité de tous les antiarythmiques actuellement disponibles afin de maintenir le rythme sinusal après une cardioversion. L’amiodarone semble présenter selon cette méta-analyse la meilleure efficacité(2). Cependant, les attentes d’amélioration du pronostic des patients ne sont pas confirmées : en effet, l’étude AFFIRM révélait l’absence d’avantage en termes de mortalité et de risque d’accident vasculaire cérébral entre le contrôle du rythme et le contrôle de la fréquence(3). Mais cette étude révélait aussi que les patients en rythme sinusal présentaient de meilleurs résultats que la moyenne et les patients sous antiarythmiques de moins bons. L’étude SAFE-T (Sotalol Amiodarone Atrial Fibrillation Efficacy Trial) associait le rétablissement et le maintien du rythme sinusal à une amélioration significative de la qualité de vie et de la performance(4).
Par conséquent, force est de constater l’avantage du rythme sinusal, tout en constatant que l’efficacité des thérapies médicamenteuses actuelles visant à rétablir et à maintenir le rythme sinusal est limitée en raison de leur sécurité et de leur tolérance réduites. Ainsi, l’objectif primaire vise à développer de nouveaux médicaments efficaces présentant peu d’effets secondaires.
La dronédarone (Multaq®) est un nouvel antiarythmique dont la mise sur le marché est attendue prochainement aux USA et en Europe. Ce bloqueur multicanal est un analogue de l’amiodarone, sans les effets indésirables connus de cette dernière. La dronédarone est le premier antiarythmique faisant l’objet d’une grande étude morbi/mortalité concernant la fibrillation auriculaire : l’étude ATHENA(5). Cette étude phare a été réalisée dans plus de 550 centres dans 37 pays. 4 628 patients souffrant de fibrillation auriculaire et présentant au moins un facteur de risque ont participé. Le critère d’évaluation primaire de l’étude – hospitalisation d’origine cardio-vasculaire ou décès pour toute cause – a été réduit significativement de 24 % (p<0.01) en utilisant la dronédarone par rapport au placebo. Si l’on considère uniquement le nombre de décès, l’étude aboutit à une réduction significative de la mortalité cardio-vasculaire de 29 % (p=0.03), et de la mortalité due à une arythmie de 45 % (p=0.01). La tendance au niveau de la mortalité générale présente un trend favorable pour la dronédarone sans pour autant atteindre un niveau statistiquement significatif.
Les résultats d’une analyse secondaire des données ATHENA, présentés à ESC 2008 à Munich étaient impressionnants(5) : ces résultats montraient une réduction significative de l’incidence d’attaque cérébrale de 34% (p=0.027) par rapport au placebo. Ainsi, il a été prouvé pour la première fois qu’un agent actif pour le contrôle du rythme est en mesure de réduire le risque d’accident vasculaire cérébral.
Les résultats ATHENA ont été confirmés par une méta-analyse de Hohnloser et al., également présentée lors du ACC à Orlando, basée sur ATHENA et 4 autres études relatives à la dronédarone (DAFNE, EURIDIS, ADONIS, ERATO) et incluant au total 6 157 patients présentant une fibrillation ou un flutter auriculaire(6). A l’instar d’ATHENA, le taux d’incidence pour le critère d’évaluation primaire (hospitalisation d’origine cardio-vasculaire ou décès) sous dronédarone par rapport au placebo a baissé significativement de 24 % (p<0.0001). Le risque relatif à un décès cardio-vasculaire s’est réduit par rapport au placebo de 32 % (p=0.0065) et le risque de mort subite de 51 % (p=0.0118).
L’analyse de la sécurité n’entraîne pas de nouvelles réserves; la dronédarone se caractérise par une bonne tolérance et une facilité d’utilisation. La fréquence des effets indésirables sévères n’était pas significativement plus élevée que sous placebo (18% vs 19,7%).
Les effets indésirables les plus fréquents ont été des troubles gastro-intestinaux, p.ex. diarrhée et nausée (24,1% vs 20,8%), des réactions cutanées (10,2% vs 7,4%) et une augmentation de la créatinine sérique (4% vs 1,1 %). Des bradycardies (3,3% vs 1, 3%) et des allongements de l’intervalle QT apparaissaient un peu plus fréquemment sous dronédarone que sous placebo (1, 3% vs 0, 5%). Dans l’ensemble, le risque relatif à une pro-arythmie était cependant très faible.
Pour ces motifs, il faut sûrement envisager l’utilisation de la dronédarone comme anti arythmique aussi bien chez les patients sans maladie sous-jacente au niveau cardiaque que chez les patients présentant une hypertension ou une maladie cardiaque coronaire. La possibilité de la recommander également à des patients souffrant d’insuffisance cardiaque reste à vérifier. Les données ATHENA prouvent cependant une bonne efficacité chez les patients présentant une insuffisance cardiaque NYHA I à III.
Dronédarone (Multaq®) est en cours d’enregistrement auprès de Swissmedic
Plavix®: clopidogrelum 75 mg. Indications : prévention des accidents vasculaires ischémiques d’origine athérothrombotique tels que, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou mort vasculaire après accident vasculaire cérébral récent, infarctus du myocarde récent ou lors d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs manifeste. En association avec AAS chez les patients souffrant de syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST (angor instable ou infarctus du myocarde sans onde Q). En association avec AAS après fibrinolyse chez les patients souffrant d’infarctus du myocarde aigu avec sus-décalage du segment ST. Prévention des événements thrombotiques après pose de stent coronarien, en association avec AAS. Posologie : 1 comprimé par jour. Syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST et stent : dose de charge 300 mg, puis 1 comprimé par jour au long cours en association avec AAS. Infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST après fibrinolyse: 1 comprimé par jour avec ou sans dose de charge en association avec AAS. Contre-indications : hypersensibilité au principe actif ou à tout autre constituant du produit, lésions organiques susceptibles de saigner, insuffisance hépatique sévère, diathèses hémorragiques. Mises en garde et précautions : prudence chez les patients ayant un risque hémorragique. Interactions : prudence chez les patients traités par l’AAS, les AINS, les anticoagulants, les thrombolytiques. Grossesse / Allaitement : administrer au cours de la grossesse uniquement si indispensable. Ne pas allaiter pendant le traitement. Effets indésirables : réactions d’hypersensibilité, troubles gastro-intestinaux, troubles hémorragiques, troubles hématologiques. Présentation : comprimés pellicules à 75 mg, 28* et 84*. Catégorie de remise : B. Distribution : Sanofi / Bristol-Myers Squibb, 1217 Meyrin/GE. Pour une information détaillée, veuillez consulter le Compendium Suisse des Médicaments ou www.documed.ch
admis par les caisses-maladie