Le concept d’assurance qualité dans le laboratoire médical inclut la participation à des contrôles de qualité externes. Ceux-ci sont obligatoires en Suisse depuis 2006 pour les analyses du domaine de l’allergologie. La Société suisse d’immunologie et d’allergologie et les centres de contrôle de qualité reconnus en Suisse ont mis en œuvre un programme pour les IgE totales, les IgE spécifiques d’épithélium de chat, de pollen de bouleau et d’arachide, ainsi que pour les IgE multispécifiques et ont défini les critères de tolérance. L’analyse des résultats obtenus auprès du Centre suisse de contrôle de qualité de 2006 à 2008 montre que les résultats sont très satisfaisants, quelles que soient les méthodes utilisées et que la grande majorité des participants obtiennent le certificat de conformité QUALAB pour les paramètres obligatoires.
Dans le laboratoire médical, l’évaluation de la «qualité» est nécessaire pour établir sa compétence à fournir des résultats précis et fiables.1,2 Cette évaluation inclut des contrôles de qualité internes qui mesurent la reproductibilité des résultats aux cours des différentes séries et permet d’évaluer leurs précisions, ainsi que des contrôles externes qui évaluent par un essai d’aptitude l’exactitude de ces résultats. D’abord développée en chimie clinique, cette surveillance de la qualité a été progressivement appliquée à tous les domaines du laboratoire.3,4
En Suisse, dans le domaine spécifique du laboratoire d’allergologie et d’immunologie clinique, les contrôles de qualité externes (CQE) ont été mis en route en 2003 et rendus obligatoires dès 2006 pour tous les prestataires qui réalisent la détection des IgE totales et des IgE spécifiques dans le contexte des prestations à charge des caisses-maladie. Les critères de participation et de réussite à des essais d’aptitude ont été élaborés selon le concept établi par la Commission suisse pour l’assurance de qualité dans le laboratoire médical (QUALAB).5 Ces CQE peuvent être effectués dans deux centres en Suisse, le Centre suisse de contrôle de qualité (CSCQ)6 à Genève et le «Verein für medizinische Qualitätskontrolle» (MQ) à Zurich. Ils doivent être réalisés auprès d’un organisme indépendant des fournisseurs de réactifs, c’est pourquoi le «Quality Club» de Phadia ne peut être reconnu bien qu’il concerne davantage de paramètres et offre aux utilisateurs de cette méthode des informations intéressantes.
Comme ces contrôles concernent aussi les laboratoires des praticiens allergologues et pédiatres, il nous a semblé intéressant de rapporter les résultats obtenus auprès du CSCQ auquel sont inscrits la majorité des laboratoires de Suisse. Nous décrivons ici une analyse globale des résultats par méthode pour les IgE totales et les IgE spécifiques.
Le programme des «IgE totales et IgE spécifiques d’allergènes» comporte quatre enquêtes par année. Une enquête consiste en la distribution d’un échantillon dans lequel il est demandé de déterminer :
la quantité d’IgE totales, exprimée en kU/l ;
la quantité d’IgE spécifiques pour chacun des trois allergènes choisis, exprimée en kU/l et / ou en classes (tableau 1) ;
la présence ou l’absence d’IgE multispécifiques témoignant d’une sensibilisation in vitro à des allergènes respiratoires (atopie).
Une des difficultés propres à l’organisation des contrôles de qualité dans le domaine des allergies, particulièrement pour les IgE spécifiques, provient de la grande diversité des méthodes de détection et de la multiplicité des allergènes détectables. D’un commun accord entre les représentants de la Société suisse d’immunologie et d’allergologie (SSAI) et les centres de contrôle de qualité, le choix s’est porté sur l’évaluation de quelques allergènes représentatifs d’une pathologie en comparant l’ensemble des méthodes sur une même échelle. Le pollen de bouleau a été choisi comme représentatif pour les allergies saisonnières. L’épithélium de chat est représentatif d’une allergie perannuelle fréquente en Suisse. La sensibilisation à l’arachide est l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes, confirmée in vitro par la présence des IgE spécifiques.
Afin de pouvoir établir une comparaison entre toutes les méthodes utilisées, tant quantitatives que qualitatives, une échelle de correspondance se référant aux quatre premières classes de RAST est utilisée (tableau 1).
Pour chaque paramètre dosé, la valeur cible est définie comme la médiane des résultats obtenus par les participants pour les valeurs quantitatives (IgE totales) ou comme la classe obtenue par la majorité des participants pour les valeurs semi-quantitatives (IgE spécifiques) et qualitative (IgE multispécifiques).
Une tolérance a été définie par la QUALAB pour chacun des paramètres. Elle établit la conformité des résultats. Pour les IgE totales, un écart de plus ou moins 20% par rapport à la médiane établie définit une fourchette de résultats acceptables (limites de tolérance). Pour les IgE spécifiques, les résultats sont acceptables à plus ou moins une classe autour de la valeur cible. Pour les IgE multispécifiques auxquelles la réponse est «positif» ou «négatif», la réponse doit être juste, identique à celle obtenue par la majorité des participants.
Pour chaque paramètre, deux critères sont pris en compte :
1. critère de qualité : résultat conforme pour l’enquête, c’est-à-dire dans les limites de tolérance.
2. Critère de nombre : participation à au moins quatre enquêtes par an.
Pour obtenir la qualification de participation réussie, communément appelée conformité annuelle, il est nécessaire d’avoir rendu au moins trois résultats sur quatre (75%) dans les limites de tolérance sur l’ensemble de l’année. Cette conformité annuelle se traduit par la mention «oui» pour la conformité QUALAB sur le certificat d’aptitude.
Selon la directive de la SSAI, seules les méthodes quantitatives basées sur une courbe standard ont été reconnues et analysées auprès du CSCQ. Cette courbe standard est établie à partir d’une référence d’IgE totales de l’OMS (WHO 75/702 :1 UI = 2,4 ng d’IgE). Les méthodes utilisées sont décrites dans le tableau 2 A.
Différentes méthodes sont utilisées et leurs caractéristiques principales sont résumées dans le tableau 2 B.
Les méthodes semi-quantitatives sont surtout utilisées dans le contexte du laboratoire du praticien. Leurs résultats sont habituellement rendus en unités arbitraires correspondant à l’intensité du signal et transposées en équivalent classe de RAST comme décrits dans le tableau 1.
Trois méthodes quantitatives sont utilisées en Suisse. L’une d’entre elles, Unicap (Phadia) est la plus répandue car elle est employée par un grand nombre de laboratoires de praticiens, ainsi que par plusieurs laboratoires médicaux spécialisés. Leurs résultats sont rendus en kU/l dont l’expression est basée sur une courbe standard établie à partir de la référence d’IgE totales de l’OMS. Ces résultats sont transcrits en équivalent classe de RAST pour être comparés aux autres méthodes.
Le nombre moyen de participants aux quatre enquêtes annuelles est résumé dans le tableau 3. Dans quelques cas, les participants n’ont pas répondu à toutes les enquêtes de l’année, mais seulement à deux ou trois.
La participation est stable pour les IgE spécifiques et multispécifiques, mais tend à diminuer pour les IgE totales.
Les IgE totales ont été mesurées par huit méthodes différentes, mais l’une d’elles (Unicap, Phadia) est largement dominante et représente 60% des résultats.
Les résultats sont détaillés dans la figure 1 qui montre le taux de réussite selon les critères de la QUALAB (soit au moins trois résultats sur quatre dans les limites de tolérance) par méthode et par année.
Il met en évidence que les résultats satisfont aux critères de la QUALAB dans la grande majorité des cas et qu’il n’y a pas de différence significative entre les différentes méthodes utilisées.
En résumé, on constate :
2006 : 94% de conformité QUALAB.
2007 : 95% de conformité QUALAB.
2008 : 98% de conformité QUALAB.
La méthode la plus utilisée (Unicap, Phadia) donne des résultats légèrement inférieurs aux autres méthodes. Les différences ne sont pas significatives car les effectifs dans ces dernières sont faibles. On peut noter une légère tendance à l’amélioration des résultats au cours des trois ans, mais cette observation reste à vérifier sur une plus longue période.
L’analyse détaillée des causes de non-conformités QUALAB montre que la moitié des cas n’est pas due à des résultats situés en dehors des limites de tolérance, mais à des résultats non rendus.
Les résultats obtenus pour les IgE spécifiques ont été mesurés par cinq méthodes différentes.
Le tableau 4 indique le nombre de résultats par méthode ne satisfaisant pas aux critères de conformité pour chacun des trois allergènes de 2006 à 2008.
Pour chaque année et pour une méthode donnée, le nombre de résultats attendus est le produit du nombre de participants inscrits utilisant cette méthode par le nombre d’enquêtes. Le nombre de résultats non conformes est le nombre des résultats situés en dehors des limites de tolérance exposées dans la description du contrôle ou de résultats non rendus. Ils sont également exprimés en pourcentage de résultats non conformes par rapport aux utilisateurs de la même méthode.
On observe un nombre discrètement plus élevé de résultats non conformes avec les méthodes semi-quantitatives comparées aux méthodes quantitatives. Ceci est particulièrement mis en évidence pour les IgE spécifiques dirigées contre l’épithélium de chat en 2007, année où un échantillon dont le taux était juste supérieur à 0,35 kU/l (classe 1) a été distribué et a donné de nombreux résultats non conformes. En 2008, les échantillons distribués pour les IgE anti-épithélium de chat étaient tous fortement positifs (classe 3 ou plus). Pendant la même année, un des échantillons envoyés contenait une quantité très faible d’IgE dirigées contre le pollen de bouleau. Le tableau 4 montre qu’il y a globalement moins de résultats non conformes en 2008 que les deux années précédentes, suggérant une amélioration au cours du temps.
La figure 2 résume l’évolution des taux de conformité annuelle par allergène et par méthode. Ce taux tient compte à la fois des résultats rendus non conformes et des résultats non rendus. La figure 2 met en évidence que les résultats satisfont aux critères de la QUALAB dans la grande majorité des cas. Ceci démontre que même si un résultat n’est pas conforme lors d’une enquête comme détaillé dans le tableau 4, les critères de conformité annuelle sont atteints dans la grande majorité des cas sur l’ensemble des quatre enquêtes annuelles.
La majorité des résultats sont fournis par la méthode Phadiatop (Phadia) et les taux de conformité annuelle sont en moyenne de 92%, sans variation significative au cours du temps. Pour cette méthode, la conformité annuelle a été évaluée en excluant les adhérents n’ayant pas rendu de résultats.
Les autres méthodes (MAST CLA, CMG TopScreen, Allergyscreen et Alatop) ne sont utilisées que par un à deux participants et ont toujours donné 100% de conformité annuelle.
L’analyse des résultats obtenus après ces trois premières années de contrôle de qualité externe obligatoire pour les analyses du laboratoire d’allergologie met en évidence une bonne qualité des méthodes et des résultats fournis par les différents laboratoires.
Les résultats d’IgE totales sont très satisfaisants pour toutes les méthodes puisque le taux de conformité est toujours supérieur à 86%.
En ce qui concerne les IgE spécifiques, l’utilisation d’une échelle de référence commune a permis la comparaison des résultats obtenus avec des méthodes quantitatives et semi-quantitatives. Il a ainsi pu être montré que les différentes méthodes ont globalement des taux de réussite analogues et qu’aucune méthode ne doit être écartée pour qualité insuffisante.
La tolérance définie de plus ou moins 1 classe de RAST est acceptable et de même ordre que celle préconisée dans d’autres centres.7
Toutefois, certaines différences apparaissent à l’analyse individuelle des résultats d’IgE spécifiques. Ainsi, en 2006 et 2007, les méthodes semi-quantitatives donnaient davantage de résultats non conformes que les méthodes quantitatives, en particulier pour les IgE spécifiques de l’épithélium de chat. Une amélioration semble se dessiner en 2008. Il n’y a pas encore assez de données disponibles pour évaluer si certains échantillons, notamment ceux qui ont des valeurs basses, proches du seuil de détection, donnent davantage de résultats non conformes. D’autre part, il est possible que la pression exercée par le contrôle d’aptitude sur les fournisseurs de trousse rapide de détection des IgE spécifiques ait contribué à leur amélioration.
Les taux de conformité annuelle pour les IgE multispécifiques sont également élevés, mais le nombre de résultats fournis pour cette analyse est encore restreint. Nous manquons d’explications à ce stade pour la faible participation à ce programme alors qu’il concerne une analyse fréquemment utilisée au laboratoire du praticien et obligatoirement soumise au contrôle de qualité externe. Une meilleure communication à propos du but et des techniques utilisables dans ce contexte devrait améliorer la situation.
Les résultats obtenus par d’autres centres de contrôle de qualité externe sont équivalents à ceux observés dans cette analyse,7,8 ce qui nous assure que les choix retenus sont satisfaisants et que la voie choisie doit être poursuivie.
Le but de ces contrôles de qualité est d’apporter principalement un outil pour contrôler la performance. Ils fournissent de plus des indications sur les méthodes utilisées et permettent un suivi dans le temps de la stabilité ou de la variabilité des réactifs disponibles sur le marché.9,10 Les centres de contrôles de qualité apportent, grâce aux commentaires sur les rapports d’enquête, une aide pour chercher la cause d’un résultat non conforme.11 Ces contrôles externes constituent ainsi un outil de formation continue permettant aux participants d’améliorer leurs prestations dans l’intérêt des patients.
La participation à un essai d’aptitude (contrôle de qualité externe, CQE) permet à chaque laboratoire déterminant des IgE spécifiques d’allergène de démontrer la fiabilité des résultats rendus dans ce domaine
Les critères de réussite, définis par la QUALAB, sont remplis pour la grande majorité des participants au CQE IgE totale et IgE spécifique organisé par le Centre suisse de contrôle de qualité à Genève
Le CQE constitue un outil de formation continue permettant aux participants et aux fournisseurs de se comparer pour fournir des prestations reproductibles dans l’intérêt des patients
Le concept d’assurance qualité dans le laboratoire médical inclut la participation à des contrôles de qualité externes. Ceux-ci sont obligatoires en Suisse depuis 2006 pour les analyses du domaine de l’allergologie. La Société suisse d’immunologie et d’allergologie et les centres de contrôle de qualité reconnus en Suisse ont mis en œuvre un programme pour les IgE totales, les IgE spécifiques d’épithélium de chat, de pollen de bouleau et d’arachide, ainsi que pour les IgE multispécifiques et ont défini les critères de tolérance. L’analyse des résultats obtenus auprès du Centre suisse de contrôle de qualité de 2006 à 2008 montre que les résultats sont très satisfaisants, quelles que soient les méthodes utilisées et que la grande majorité des participants obtiennent le certificat de conformité QUALAB pour les paramètres obligatoires.