Au cours de l’évolution des techniques de dialyse péritonéale (DP), différents types de cathéters ont été développés dans le but de limiter le risque de péritonite. Parmi eux, il existe différents modèles se distinguant soit au niveau du design de leur segment extrapéritonéal, soit au niveau du nombre de cuff. Le cuff étant censé créer une réaction fibrosante autour du cathéter, on peut supposer que cette fibrose représente un obstacle à la migration de bactéries le long du tunnel du cathéter vers la cavité péritonéale. Il serait dès lors possible que la présence de deux cuffs apporte une meilleure protection qu’un seul cuff. Cette observation initialement rapportée1 n’a pas été confirmée par l’étude randomisée prospective effectuée par Eklund et coll.2 Cependant, dans cette étude de seulement 60 patients, le faible taux global de péritonites peut aussi expliquer l’absence de différence dans les deux groupes en raison d’un manque de pouvoir statistique. Plus récemment, une autre étude observationnelle,3 certes avec les limitations que cela implique, a néanmoins l’avantage de s’être repenchée sur la question sur la base d’une large cohorte de 4247 patients-incidents en DP dans 25 centres canadiens entre janvier 1996 et septembre 2005. De manière intéressante, si on retrouve dans cette étude une association entre l’utilisation d’un cathéter à deux cuffs et la diminution de la survenue d’une péritonite, cette association est particulièrement forte pour les infections à staphylocoque doré (réduction de 54% des péritonites à staphylocoque doré) mais n’intéresse que la période allant de 1996 à 2001. Cette diminution particulièrement marquée des infections à staphylocoque doré s’explique probablement par le fait qu’il s’agit du germe le plus fréquent des infections périluminales. En ce qui concerne la relation temporelle observée durant la période 1996-2001, on peut supposer que l’utilisation de plus en plus répandue depuis le début des années 2000 d’onguents nasales et de traitements prophylactiques de l’orifice ait apporté une protection ne permettant plus de mettre en évidence l’effet bénéfique d’un second cuff sur le cathéter. En l’absence d’évidence plus forte, les recommandations actuelles laissent libre de choisir un cathéter à un ou deux cuffs, mais il paraît néanmoins raisonnable, il me semble, de favoriser le second lorsque cela est possible.
Comme spéculé dans la précédente observation, l’utilisation quotidienne de crèmes antibiotiques appliquées à l’orifice du cathéter de DP a montré son efficacité dans toujours plus d’études testant cette approche. Avant l’aire des traitements topiques, une étude randomisée contrôlée, testant l’administration d’une dose orale de 300 mg de rifampicine deux fois par jour pendant cinq jours tous les trois mois, avait déjà montré une diminution des infections d’orifice qui chutaient à 0,26 épisode/an contre 0,93 épisode/an pour l’absence de prophylaxie.4 Par la suite, une autre étude randomisée contrôlée, comparant le protocole de rifampicine cité à un traitement de mupirocine topique à l’orifice, a démontré l’équivalence de ces traitements en termes de survenue d’infection d’orifice à staphylocoque doré (0,15 épisode/an contre 0,13 respectivement).5 L’administration de rifampicine étant liée à plus d’effets secondaires, le choix du traitement topique s’est imposé comme le plus judicieux. Presque une décennie plus tard, le même auteur réalise une étude randomisée contrôlée en double aveugle démontrant la supériorité de l’application quotidienne d’une crème de gentamicine comparée à l’application quotidienne d’une crème de mupirocine sur la survenue d’infection d’orifice (0,23 épisode/an contre 0,53 respectivement).6 L’utilisation de la crème de gentamicine a de plus diminué le taux de survenue de péritonites (0,34 épisode/an contre 0,52) offrant par ailleurs également une meilleure protection contre le Pseudomonas. L’utilisation quotidienne d’antibiotiques, surtout topiques, soulève néanmoins la question du risque de survenue de résistances, déjà décrites contre la mupirocine dans certains centres,7 même si de ce point de vue on peut relever que l’administration quotidienne est préférable à l’administration intermittente. Dans ce contexte, des stratégies alternatives aux antibiotiques pourraient donc être particulièrement intéressantes. Récemment, Chua et coll. ont testé l’addition d’un spray d’hypochlorite de sodium à l’application topique de mupirocine dans un collectif pédiatrique mêlant patients prévalents et incidents, analysé rétrospectivement.8 Il ne s’agit donc pas tant de la comparaison de deux collectifs traités selon deux protocoles différents sur une même période, que de l’analyse rétrospective d’événements survenus sous deux protocoles instaurés de manière successive dans un même centre. En conséquence, les patients prévalents au début de la première période (mupirocine seule) étaient potentiellement déjà colonisés, expliquant peut-être le taux inhabituellement élevé, par rapport aux autres études, d’infections d’orifice à staphylocoque doré durant cette période. Lors de la période suivante (mupirocine + hypochlorite de sodium), le collectif était donc constitué en une bonne partie (52%) de patients venant du premier groupe et ayant donc bénéficié du traitement de mupirocine. Un troisième groupe de patients était constitué par les patients incidents sous le protocole mixte. Quoi qu’il en soit, l’instauration de ce protocole mixte a fait chuter le taux d’infections d’orifice de 1,36 à 0,33 épisode/an (voire 0,03 pour les infections à staphylocoque doré) et le taux de péritonites de 1,2 à 0,26 épisode/an, en éradiquant littéralement les péritonites à Pseudomonas. On retiendra donc, malgré les réserves méthodologiques de cette étude, l’efficacité du traitement mixte. Seule une étude comparant la mupirocine et/ou la gentamicine à l’hypochlorite de sodium permettra d’établir l’efficacité de ce dernier traitement appliqué sans antibiotique. En attendant, chaque centre choisira le protocole qui lui paraît le plus adapté et parmi ceux qui ont fait la preuve de leur efficacité, on citera l’application quotidienne de mupirocine, l’application quotidienne de gentamicine et l’application quotidienne de mupirocine + hypochlorite de sodium.
Lorsque malgré les différentes stratégies de prévention, survient néanmoins une péritonite, l’objectif est alors de résoudre le plus rapidement et efficacement possible cet épisode, afin de préserver au mieux le patient et sa membrane péritonéale. En effet, si moins de 4% des péritonites se grèvent d’une mortalité, celles-ci sont néanmoins retenues comme facteur contribuant dans environ 16% des décès en DP. Elles représentent par ailleurs la principale cause d’abandon de la méthode. Il n’est donc pas surprenant qu’une attention particulière soit portée au traitement des problèmes infectieux. Les premières recommandations émanant de la société internationale de DP ont vu le jour en 1983 et ont ensuite été mises à jour en 1989, 1993, 1996, 2000 et 2005.9 En 2010 en est parue la dernière mise à jour10 dont on résumera ici les quelques points relevant par rapport aux versions précédentes.
En ce qui concerne le diagnostic bactériologique d’abord, l’objectif reste d’obtenir moins de 20% de cultures stériles. Ce chiffre est approché lorsque l’on se contente d’ensemencer des bouteilles d’hémoculture avec du liquide de DP prélevé au lit du patient comme on le ferait dans d’autres situations cliniques (culture d’ascite par exemple). Ce chiffre peut cependant être considérablement abaissé, jusqu’à 5% de cultures stériles seulement, si on combine la première méthode à l’ensemencement de phases de cultures solides et d’hémocultures avec le surnageant de la centrifugation à 3000 g pendant quinze minutes de 50 ml de liquide de DP. Cette dernière technique nécessite cependant bien sûr, une bonne collaboration avec le laboratoire de bactériologie à qui l’on adresse le matériel. Bien qu’en cours d’investigation, il n’y a pas encore suffisamment d’évidences pour recommander aujourd’hui l’utilisation de nouvelles techniques comme l’estérase leucocytaire, la «polymerase chain reaction» (PCR) à large spectre ou la quantification d’ADN bactérien par PCR.
En ce qui concerne les traitements, on distinguera le traitement empirique initial à débuter dès les prélèvements effectués, du traitement ajusté au germe identifié par la culture. Si dans le premier cas, l’administration intermittente d’antibiotique (une fois par jour lors de l’échange à la stase la plus longue) est aussi efficace que l’administration continue (antibiotique administré lors de chaque échange), ceci n’est plus le cas lors de la phase d’ajustement du traitement pour certains germes comme le staphylococcus epidermidis, le streptocoque et l’entérocoque pour qui le traitement continu reste le traitement de choix.
Le choix du traitement antibiotique initial doit permettre de couvrir les germes gram positifs et gram négatifs. On choisit donc généralement une combinaison de deux antibiotiques. Pour couvrir les germes gram positifs, le choix se porte sur une céphalosporine de première génération ou la vancomycine, cette dernière devant être préférée en cas d’antécédent ou de colonisation à un germe méthicilline résistant. Pour couvrir les germes gram négatifs, la garamicine est longtemps restée l’antibiotique de référence avec comme alternative une céphalosporine de troisième génération. Bien que dans les recommandations de 2010 y compris, on souligne l’absence de risque de toxicité de l’aminoglycoside administré sur une courte période et de manière non répétée, la préférence se tourne de plus en plus vers ses alternatives. Parmi elles, outre les céphalosporines de troisième génération déjà citées, on découvre, pour la première fois dans ces recommandations, la céfépime et les carbapénèmes cités comme véritable alternative, y compris en monothérapie lors de l’instauration du traitement, alors qu’en 2005 ils étaient cités comme possibles, mais non encouragés. Le souci d’épargne de l’aminoglycoside va même jusqu’à faire apparaître l’aztréonam comme alternative aux céphalosporines en cas d’allergie à ces dernières, plutôt que la garamycine qui était l’alternative jusque-là. En cas de péritonite à culture stérile, l’éviction de l’aminoglycoside à la faveur d’une céphalosporine lors du choix du traitement initial permettra de poursuivre plus sereinement la combinaison couvrant les germes gram positifs et négatifs durant les quatorze jours recommandés, alors que l’on interrompait volontiers la garamycine, pour ne maintenir qu’une couverture des germes gram positifs.
Enfin, si l’on savait déjà que la vancomycine, les aminoglycosides et les céphalosporines peuvent être mélangés dans la même poche, qu’à la liste de ces antibiotiques on peut rajouter les pénicillines et l’amphotéricine pour obtenir celle des traitements administrables dans l’icodextrine, on nous donne, dans cette mise à jour des recommandations de traitement, les détails concernant la stabilité pharmacologique des différents antibiotiques une fois injectés dans la poche de dialysat, lorsque celle-ci est conservée à température ambiante ou au frigo. On retiendra que le moins résistant est la ceftazidime qui reste néanmoins stable quatre jours à température ambiante, permettant donc, si nécessaire, la préparation à l’avance des poches de traitement.
Pour conclure, ces recommandations restent encore une fois évasives sur la nécessité ou non de passer un patient traité par un traitement de DP automatisée (DPA dit «traitement par cycle ou machine») à un traitement de DP cyclique continue (DPCA dit «traitement manuel») lors d’un épisode de péritonite. En effet, si l’on évoque encore le risque de sous-dosage antibiotique lors du traitement automatisé, on cite cependant bon nombre de schémas thérapeutiques ayant fait leurs preuves et on propose même un tableau des posologies antibiotiques pour cette option de traitement. Le maintien du traitement automatisé semble donc possible, surtout si le tableau clinique initial n’est pas trop sévère. Une alternative prudente serait le passage à un traitement manuel les 48 premières heures, jusqu’à la première numération de contrôle du dialysat effluent et la reprise du traitement automatisé dès lors que ce contrôle atteste de la bonne réponse au traitement instauré.
Les inhibiteurs de la calcineurine, ciclosporine A (CsA) et tacrolimus, constituent actuellement les agents immunosuppresseurs incontournables des transplantations d’organe solide. Toutefois, leur utilisation est associée à des effets indésirables significatifs : néphrotoxicité, hypertension artérielle, diabète et dyslipidémie, augmentant ainsi les facteurs de risque cardiovasculaire des patients transplantés. Par ailleurs, la nécessité de les prendre 2 x/jour à vie peut constituer une cause de non-adhésion thérapeutique pouvant entraîner un rejet secondaire et la perte du greffon. Le belatacept est une protéine de fusion non néphrotoxique inhibant sélectivement la costimulation par liaison aux ligands CD80 et CD86 à la surface des cellules présentatrices d’antigène. Lors de la reconnaissance antigénique, la liaison des récepteurs de costimulation CD28 des lymphocytes T aux ligands CD80 et CD86 (deuxième signal) est nécessaire à l’activation efficace des lymphocytes T par le complexe alloantigènes-CMH (premier signal). Sans signal de costimulation, les lymphocytes T sont anergiques c’est-à-dire ne produisent pas de cytokines et ne prolifèrent pas mais entrent en apoptose et ne peuvent donc induire le rejet d’organe.
Les premiers résultats de deux études multicentriques randomisées de phase III11,12 comparant les effets d’une immunosuppression à base de belatacept intraveineuse (doses faible ou moyenne) à celle à base de CsA per os en association avec une induction par anti-IL2 récepteur (basiliximab), mycophénolate mofétil et corticostéroïdes chez des patients transplantés rénaux en provenance d’un donneur vivant ou d’un donneur décédé standard (BENEFIT, n = 686) ou d’un donneur à critères étendus (BENEFIT-EXT, n = 578) viennent d’être publiés. Dans les deux études, l’incidence de rejet aiguë était plus grande (22% vs 7%) et histologiquement plus sévère chez les receveurs traités par belatacept (doses faible ou moyenne) que chez ceux sous CsA. Malgré cela, la fonction rénale des patients dans les deux groupes de belatacept était significativement meilleure à un an (clairance : + 14 ml/mn/1,73m2) et leurs biopsies de contrôle montraient moins de fibroses et d’atrophies tubulaires. La survie des greffons et des patients à un an était identique dans les trois groupes. Dans les deux études, le belatacept était associé à des valeurs de tensions artérielles diastolique et systolique, de triglycérides et de LDL significativement plus basses que la CsA et à une tendance vers une plus faible incidence de diabète de novo post-transplantation. L’incidence des infections était identique dans les trois groupes mais plus de lymphomes ont été diagnostiqués chez les patients sous belatacept, particulièrement dans les groupes à risque, donneurs EBV positifs, receveurs négatifs.
Ainsi, le belatacept est un agent immunosuppresseur prometteur qui par son absence de néphrotoxicité et d’exacerbation des facteurs de risque cardiovasculaire est associé à une meilleure fonction rénale et à une amélioration des profils cardiovasculaire et métabolique des patients transplantés rénaux à court terme. Il est très bien supporté, sans autre effet indésirable que ceux liés à l’immunosuppression qu’il induit, et son administration parentérale pourrait également contribuer à une meilleure compliance des patients. Les résultats à trois ans permettront de mieux définir sa place dans le traitement immunosuppresseur chronique des patients transplantés rénaux.
Le cytomégalovirus (CMV) est le virus le plus fréquent en transplantation rénale. Par ses effets directs, il peut induire un syndrome viral plus ou moins symptomatique (état fébrile, asthénie, leucothrombopénie ou perturbation des tests hépatiques) ou une maladie virale (invasion tissulaire touchant le plus fréquemment le côlon). Ses effets indirects ont été associés à un risque augmenté de rejet aigu, de lymphome, de diabète et de maladies opportunistes. Le risque de maladie CMV est plus grand chez les patients séronégatifs ayant reçu le rein d’un donneur séropositif (D+R-) et chez ceux ayant reçu des anticorps polyclonaux. La prophylaxie primaire antivirale est universellement acceptée et administrée à ce groupe de patients, mais sa durée habituelle de trois mois est suivie d’une incidence élevée de maladie à CMV et d’une morbi-mortalité secondaire.
Une étude multicentrique, randomisée contrôlée en double aveugle a comparé deux groupes de patients greffés rénaux D+R- (n = 160 et 166) ayant reçu du valganciclovir (Valcyt) prophylactique pendant 200 vs 100 jours.13 L’incidence de syndrome et de maladie CMV à douze mois de la transplantation était significativement plus faible chez les patients ayant reçu la longue prophylaxie (16,1% vs 36,8%) de même que le nombre d’hospitalisations en rapport avec une infection CMV (10% vs 21%). L’incidence de rejet aigu et d’effets indésirables était identique dans les deux groupes. Ainsi, prolonger la prophylaxie de valganciclovir de trois à six mois chez les patients D+R- est bénéfique sans toxicité médicamenteuse accrue.
L’étude randomisée multicentrique française CAPRIT14 est la première étude prospective évaluant l’impact d’une normalisation des valeurs d’hémoglobine sur la qualité de vie des transplantés rénaux et sur la perte de fonction de leur greffon. 125 patients transplantés depuis plus d’une année avec une clairance estimée de la créatinine (eGFR) entre 20 et 50 ml/mn et une hémoglobine inférieure 11,5 g/dl ont reçu de l’époïétine bêta afin d’atteindre des valeurs d’hémoglobine entre 13-15 g/dl ou entre 10,5-11,5 g/dl. A une année, les patients du premier groupe avaient une qualité de vie selon le questionnaire SF-36 et une eGFR significativement meilleures. A deux ans, la survie de leur greffon était 18% supérieure à celle des patients à valeurs d’hémoglobine basses. Ces résultats prometteurs doivent toutefois être confirmés sur une plus grande cohorte de patients transplantés rénaux, cohorte qui devra être suivie sur une plus longue période afin d’en évaluer la mortalité cardiovasculaire et l’incidence de cancers. En effet, les études faites chez les insuffisants rénaux chroniques ayant une clairance rénale équivalente aux transplantés rénaux de cette étude ne démontrent pas d’avantages à viser des valeurs d’hémoglobine entre 13 et 15 g/dl mais un risque augmenté d’accident vasculaire cérébral. La valeur cible d’hémoglobine idéale reste donc encore à déterminer de même que les raisons qui expliqueraient des résultats différents entre les patients transplantés rénaux et les insuffisants rénaux chroniques à clairance rénale équivalente.