La circulation extracorporelle avec oxygénateur à membranes (ECMO) était initialement une technique d’assistance respiratoire, utilisant un échangeur gazeux externe et permettant la suppléance des poumons malades. Ensuite, l’ECMO est devenue une technique d’assistance respiratoire et cardiorespiratoire assurant l’oxygénation et la perfusion des organes en attendant la restauration de leurs fonctions. Cette technique d’assistance peut être centrale ou périphérique et permet d’assurer un soutien circulatoire partiel ou total. Elle utilise le concept de circulation extracorporelle (CEC), incluant l’utilisation de «poumons artificiels» à membranes. Le circuit comprend une pompe centrifuge non occlusive, un oxygénateur enrichissant le sang en O2 et éliminant le CO2 et des canules de drainage et de réinjection. La mise en place d’une telle assistance est désormais possible par voie percutanée, lui permettant d’être initiée au lit du malade, voire avant l’arrivée à l’hôpital.
Cet article traite des techniques d’assistances circulatoire et respiratoire utilisant un oxygénateur extracorporel à membranes : nous utiliserons le terme anglo-saxon d’extracorporeal membrane oxygenator ou ECMO car il est le plus communément employé. On parle aussi d’extracorporeal life support (ECLS), ou d’assistance respiratoire extracorporelle (AREC) en cas d’utilisation pour les insuffisances respiratoires aiguës.
Le premier oxygénateur à bulle a été utilisé pour la première fois en 1882.1 Le développement des matériaux au fil du temps a permis la conception de membranes, d’abord en polyéthylène puis en silicone,2 permettant un transfert plus rapide des gaz à travers la membrane. C’est en 1972 qu’a été décrit le premier succès d’assistance respiratoire par ECMO chez l’adulte.3 Après des débuts laborieux en pratique clinique, l’ECMO est désormais fréquemment utilisée dans les unités de soins intensifs pour le traitement des insuffisances respiratoires-cardiaques réfractaires aux thérapies conventionnelles bien que relativement peu de validations formelles des bénéfices de la technique n’existent (figure 1).
Il faut distinguer deux types d’ECMO.
L’ECMO VA consiste à assister à la fois le cœur et les poumons. Cette assistance circulatoire peut être partielle ou totale. Une canule veineuse (21 à 28 Fr), située dans l’oreillette droite, implantée soit par voie périphérique (veine fémorale), soit par voie directe (implantation centrale), aspire le sang désoxygéné par l’intermédiaire d’une pompe centrifuge extracorporelle non occlusive. La pompe envoie ensuite le sang désaturé à travers un oxygénateur à diffusion pour le retourner, oxygéné, décarboxylé et réchauffé par une canule artérielle (17 à 21 Fr) soit périphérique (artère fémorale), soit implantée directement sur l’aorte ascendante (implantation centrale).
L’ECMO veino-artérielle est dite périphérique lorsqu’elle s’implante en fémoro-fémoral, en fémoro-axillaire ou en jugulo-axillaire. Dans le cas de l’ECMO avec perfusion artérielle fémorale, la circulation se fait à contresens dans l’aorte et cet abord nécessite un shunt périphérique (6 à 9 Fr) irriguant l’artère fémorale superficielle en aval de la canule artérielle occlusive pour éviter une ischémie de la jambe. Ces abords périphériques ont l’avantage de pouvoir s’implanter par voie percutanée. L’ECMO veino-artérielle sera dite centrale lorsque les canules sont insérées directement dans l’oreillette droite et l’aorte ascendante via une sternotomie, le sternum pouvant ensuite rester ouvert ou fermé. L’objectif de l’ECMO veino-artérielle est d’assurer un débit entre 2,5 à 6-7 l/min/m2, soit l’équivalent du débit propre du patient (70 ml/kg), et de maintenir une SaO2 > 95 % et une SvO2 > 70 %.
L’ECMO VV n’assiste que les poumons et participe donc aux échanges gazeux. Elle est mise classiquement par voie fémoro-jugulaire, avec une longue canule veineuse fémorale (23 à 27 Fr) drainant le sang de la veine cave inférieure rétro-hépatique, tandis que la réinjection du sang oxygéné se fait par une canule plus étroite (19 Fr) dans la veine jugulaire à l’entrée de l’oreillette droite, en respectant une interdistance d’au moins 15 cm pour éviter le phénomène de recirculation. En cas d’accès difficile au niveau jugulaire, l’ECMO veino-veineuse peut être mise en place par voie fémoro-fémorale, avec une canule de drainage au niveau du carrefour cave et une autre canule pour la réinjection au niveau de l’oreillette droite. L’objectif est d’assurer un débit de 2,5-5 l/min/m2, en se contentant d’une SaO2 > 80 % et d’une SvO2 > 70 %, sachant que le débit propre du patient hypoxémique se mélangera au sang oxygéné par l’ECMO. L’efficacité de l’ECMO dépendra du rapport entre le débit de sang oxygéné apporté par l’ECMO et le débit de sang pauvrement oxygéné restant. Dernièrement, une nouvelle canule (Avalon) implantée par voie jugulaire (veine jugulaire interne) a été développée pour permettre à la fois le drainage du sang et sa réinjection à travers des orifices de canules distants, tout en étant solidaires via une canule unique.4
L’expérience de l’ECMO repose sur 30 années de recul et plus de 35 000 implantations rapportées. Si pendant longtemps l’indication à l’ECMO était la défaillance respiratoire du nouveau-né, ce n’est plus le cas depuis le milieu des années 2000. Les indications chez l’adulte sont en forte augmentation, notamment pour des indications hémodynamiques.5 En 2004, les taux de survie chez le nouveau-né, l’enfant de moins de seize ans et l’adulte étaient respectivement de 77, 56 et 53% sous assistance respiratoire, et de 38, 43 et 33% sous assistance hémodynamique. L’implantation doit, si elle est jugée nécessaire, être réalisée précocement, avant l’instauration d’une défaillance multiviscérale. La décision repose sur une évaluation prenant en compte l’âge, la présence éventuelle de comorbidités, l’état hémodynamique du patient, la cause du choc cardiogénique si l’insuffisance est circulatoire, l’association à une défaillance multiviscérale et surtout l’état neurologique sous-jacent. La mise en place tardive et/ou l’association de facteurs défavorables sont associées à un pronostic extrêmement sombre.
Les indications relatives à la mise en place d’une ECMO VA sont résumées dans le tableau 1. La mise en place d’une ECMO VA peut être envisagée dans deux grands types de situation :
en postopératoire immédiat d’une chirurgie cardiaque conventionnelle ou d’une transplantation cardiaque, lorsque le sevrage de la circulation extracorporelle (CEC) est impossible.6 Les canules sont mises en place le plus souvent en intrathoracique, avec une décharge droite au niveau de l’oreillette droite et une canule de réinjection au niveau de l’aorte thoracique ascendante. Une décharge des cavités gauches, soit par canulation de l’oreillette gauche par la veine pulmonaire gauche, soit par canulation du ventricule gauche par une canule qui passe par l’oreillette gauche et la valve mitrale peut être associée au circuit. Si la défaillance cardiaque est retardée après l’intervention, une ECMO périphérique fémoro-fémorale est parfois préférée dans le cadre de l’urgence.
En cas de choc cardiogénique réfractaire «d’étiologie médicale» : infarctus du myocarde,7 myocardite fulminante,8 intoxications aiguës par substances cardiotoxiques à effet stabilisant de membrane,9-11 rejet aigu de greffe cardiaque,12 insuffisance cardiaque terminale sur cardiomyopathie dilatée idiopathique ou ischémique, arrêt cardiocirculatoire12 et plus exceptionnellement, embolie pulmonaire grave,13 et hypothermies profondes.14 Dans ces situations, les canules sont implantées par voie périphérique, au niveau des vaisseaux fémoraux, de préférence par voie percutanée.
L’assistance cardiorespiratoire par ECMO est désormais la technique de première ligne pour la prise en charge des chocs cardiogéniques réfractaires «d’étiologie médicale». Il est en effet possible d’obtenir rapidement et de manière peu agressive, même au lit du malade et sous anesthésie locale, une assistance circulatoire et/ou respiratoire efficace. Dans ces situations d’urgence, l’ECMO est implantée par voie périphérique avec une canulation qui peut être réalisée par une technique de Seldinger percutanée au niveau des vaisseaux fémoraux, ou après abord chirurgical limité au niveau de la face antérieure des vaisseaux fémoraux.
La canule veineuse est insérée dans la veine fémorale, puis dans la veine cave inférieure jusque dans l’oreillette droite, et la canule artérielle est introduite dans l’artère fémorale commune et réinjecte du sang oxygéné jusqu’à la valve aortique. Un cathéter de perfusion de l’artère fémorale superficielle est placé en dérivation sur le circuit artériel.
La décision de mettre en place une ECMO est décidée sur la base d’un faisceau d’arguments cliniques, paracliniques et souvent sur l’expérience des membres de l’équipe. Cette technique lourde et invasive, potentiellement associée à de sévères complications, ne doit s’envisager que si les chances d’une récupération de la fonction cardiaque sont raisonnables ou qu’il n’existe pas de contre-indication à une future transplantation cardiaque ou plus rarement à l’implantation d’une assistance ventriculaire définitive. La Société de réanimation de langue française (SRLF) a édité récemment un algorithme définissant les situations où l’implantation d’une ECMO est raisonnable dans ces situations.15
Dans les suites de la prise en charge, quatre situations sont possibles :
le retrait de la machine en cas d’inutilité à poursuivre et/ou de limitation des thérapeutiques actives dans le cadre d’une stratégie dite de bridge to decision ;
le retrait de la machine suite à une récupération partielle ou complète de la fonction cardiaque, dans le cadre d’une stratégie dite de bridge to recovery ;
le remplacement de l’ECMO par un autre système d’assistance circulatoire de plus longue durée (ventricule pneumatique mono ou biventriculaire type Berlin Heart ou Thoratec, pompe axiale type HeartMate II, cœur artificiel total type CardioWest), dans le cadre d’une stratégie dite de bridge to bridge ;
enfin, la transplantation cardiaque, dans le cadre d’une stratégie dite de bridge to transplantation.
Les indications relatives à la mise en place d’une ECMO VV sont résumées dans le tableau 2.
La principale indication à l’ECMO dans le cadre d’une défaillance respiratoire est le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), en particulier les formes sévèrement hypoxémiantes. En effet, si la stratégie de ventilation protectrice, consistant à diminuer le volume courant administré,16 a permis une très nette diminution des lésions volo et barotraumatiques et une augmentation significative de la survie des malades au cours de cette pathologie,16-18 la mortalité liée au SDRA pouvait encore atteindre les 60% pour les cas les plus sévères. C’était notamment le cas dans les deux grands essais randomisés récents (EXPRESS 18 et LOVS 17), concernant les malades présentant l’hypoxémie la plus marquée (quartile des patients présentant un rapport PaO2/FiO2 < 100 mmHg) et ce, malgré une optimisation de la ventilation mécanique visant un recrutement pulmonaire maximal et le recours parfois à des thérapeutiques adjuvantes d’exception, tels le NO inhalé 19 ou le décubitus ventral.20,21 La mortalité particulièrement élevée pour ce groupe de malades montre donc la nécessité de recourir à d’autres thérapeutiques susceptibles d’améliorer le pronostic. Cependant, les résultats obtenus avec l’ECMO dans le cadre du SDRA sont encore contrastés et de nouveaux essais thérapeutiques, utilisant les ECMO de dernière génération associées à une stratégie ventilatoire optimisée, sont nécessaires avant la diffusion plus large de la technique. En attendant la mise en place et les résultats de ces essais, l’implantation d’une ECMO périphérique veino-veineuse (s’il n’existe pas de dysfonction cardiaque associée) ou veino-artérielle (s’il existe une défaillance cardiaque associée) peut être proposée dans certains SDRA où l’hypoxémie profonde est résistante aux traitements usuels, en cas d’augmentation importante des pressions inspiratoires (pression plateau > 30 cmH2O) au niveau des voies aériennes distales et/ou d’hypercapnie majeure consécutive à la réduction du volume courant.
Le circuit d’ECMO doit être surveillé plusieurs fois par jour par l’équipe médicale et paramédicale en charge du malade et au moins deux fois par jour par un perfusionniste. La surveillance attentive et régulière du circuit et des canules a pour but de s’assurer du bon fonctionnement du dispositif, ainsi que de pouvoir dépister précocement les éventuelles complications associées à ce type d’assistance (présence de dépôts de fibrine ou de caillots sur la membrane de l’ECMO, présence de caillots au niveau des canules ou de la pompe, saignement, signes d’inflammation ou d’infection cutanée au point d’insertion des canules, chute inappropriée du débit de l’ECMO, apparition de signes clinique ou biologique d’hémolyse intravasculaire). Le débit sanguin assuré par l’ECMO est très «précharge dépendant» et va chuter brutalement en cas d’hypovolémie, de plicature ou de torsion des canules, d’épanchement péricardique ou de pneumothorax gênant le remplissage des cavités cardiaques. Dans de telles situations, il est capital d’observer les mouvements importants de battement des lignes veineuse et artérielle qui sont liés aux succions inefficaces entraînées par la pompe centrifuge qui continue de tourner. Il est alors nécessaire de réduire transitoirement le débit de la pompe, d’administrer un remplissage vasculaire rapide et de savoir faire le diagnostic d’une éventuelle complication.
En cas d’hypovolémie marquée, de thrombose partielle des canules ou de dépôts de fibrine ou de caillots sur la membrane, la forte dépression créée par la pompe, entraînant des phénomènes de succion à haute énergie, peut conduire à une hémolyse intravasculaire majeure. Il faut alors rechercher cette complication si les urines du patient virent au rouge «porto» et contrôler régulièrement l’hémoglobine libre plasmatique. Lorsqu’une ECMO veino-artérielle en position fémoro-fémorale est utilisée, il est important de rechercher une hypoxémie de la partie supérieure du corps, appelé le syndrome «arlequin». En effet, si la fonction systolique du cœur redevient suffisante, il va en résulter une compétition de flux au niveau de l’aorte entre le cœur du patient et la perfusion de l’ECMO à contre-courant. En cas d’altération importante des échanges gazeux (SDRA, œdème pulmonaire hydrostatique), le sang quittant le cœur du patient va être fortement désoxygéné et risque de conduire à une hypoxie tissulaire cardiaque et cérébrale. Dans ce cas, il est recommandé de placer le capteur de saturation artérielle en oxygène (SpO2) et de prélever les gaz du sang au niveau des membres supérieurs.
L’anticoagulation d’un patient sous ECMO est nécessaire et obligatoire. Elle est réalisée par de l’héparine non fractionnée avec une héparinémie cible entre 0,3 et 0,5 UI/ml ou un ACT (Activated clotting time) entre 180 et 200 secondes.
Si l’indication à une ECMO a été posée dans le cadre d’un SDRA, le ventilateur doit être réglé de façon à minimiser le traumatisme induit par la ventilation mécanique. Les paramètres suivants sont alors proposés pendant la période initiale d’assistance par ECMO : mode assisté-contrôlé, FiO2 entre 30 et 50 %, PEEP maintenue pour éviter trop de dérecrutement du poumon, volume courant réduit afin d’obtenir une pression de plateau inférieure à 25 cmH2O, fréquence respiratoire basse. La membrane d’oxygénation et le circuit d’ECMO ne doivent être remplacés que dans les circonstances suivantes : dépôts importants de fibrine ou de caillots sur la membrane, caillotage de la pompe ou des lignes, augmentation du gradient de pression trans-filtre, défaut d’oxygénation ou d’épuration du CO2 par la membrane, hémolyse intravasculaire massive liée au dispositif, thrombopénie importante liée au circuit ou systématiquement après douze à quinze jours de fonctionnement. Des gaz du sang prélevés à la sortie de l’oxygénateur peuvent être réalisés en cas de doute sur son fonctionnement. En cas d’hypoxémie (PaO2 < 27 kPa) mesurée à la sortie de l’oxygénateur malgré une FiO2 à 100 %, il est recommandé de changer le circuit.22
Les complications relatives à l’assistance cardiorespiratoire de type ECMO sont nombreuses (tableau 3), parfois graves, voire létales. Par conséquent, la prise en charge de ces malades doit se faire au sein d’équipes médicochirurgicales expérimentées et habituées à la mise en place et à la surveillance d’un tel dispositif.1,12,13,23-26 La complication la plus fréquente est l’hémorragie, située à l’insertion des canules, mise en place au niveau fémoral (ECMO périphérique). Il est alors impératif de pratiquer une révision chirurgicale pour contrôler la position des canules et réaliser une hémostase. Lorsque les canules sont implantées par voie intrathoracique (ECMO centrale), un saignement peut entraîner soit une tamponnade, soit un saignement abondant par des drains thoraciques. Dans ces deux situations, il est nécessaire de faire pratiquer une révision chirurgicale en urgence. En cas d’hémorragie significative, il est impératif de suspendre immédiatement tous les traitements anticoagulants et/ou antiagrégants.
Les complications thromboemboliques sont également possibles : elles se manifestent par la survenue d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques se transformant parfois secondairement en accidents hémorragiques, par des embolies vasculaires périphériques ou pulmonaires. Les complications neurologiques surviennent dans 10 à 20% des cas. En cas de dysfonction systolique terminale et d’asystolie, une thrombose partielle ou complète des cavités cardiaques peut survenir, nécessitant un geste rapide comme la conversion d’une ECMO périphérique en ECMO centrale associée à un décaillotage des cavités, voire dans de rares cas, à la mise en place d’un cœur artificiel total.
Les complications ischémiques au niveau du membre inférieur où a été implantée l’ECMO périphérique surviennent dans 10 à 20% des cas, malgré la présence d’une ligne de reperfusion artérielle nécessitant une intervention rapide telle que la conversion d’une ECMO périphérique en ECMO centrale. Il est donc primordial de réaliser un examen clinique régulier de ce membre. Enfin, d’autres complications directement liées au dispositif peuvent survenir : une hémolyse intravasculaire, des embolies gazeuses ou une dysfonction mécanique de la pompe.
Les complications infectieuses surviennent dans 15 à 20% des cas. Il s’agit de cellulites autour du site d’implantation des canules périphériques fémorales ou de médiastinites dans les cas d’ECMO centrale. Le traitement consiste en une antibiothérapie à large spectre après prélèvements multiples à visée bactériologique, associée au changement de site de l’insertion des canules périphériques ou à la transformation d’une ECMO périphérique en ECMO centrale selon les cas. Les bactéries les plus souvent en cause dans ces infections sont les staphylocoques, en particulier le Staphylococcus epidermidis, les entérocoques et les bacilles Gram négatifs nosocomiaux tels que le Pseudomonas aeruginosa. La présence de Candida est également fréquente.
Une complication consécutive à la mise en place d’une ECMO périphérique est l’apparition d’un œdème pulmonaire hydrostatique en raison de l’augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la survenue de cet œdème pulmonaire : l’élévation de la postcharge et la dilatation ventriculaire liées au débit de la pompe d’ECMO (phénomène d’arlequin), une insuffisance aortique (qu’il faut systématiquement dépister avant et après la mise en place de l’assistance), et/ou une insuffisance mitrale.
Le patient sous ECMO VA pour choc cardiogénique doit bénéficier d’une surveillance échocardiographique régulière pour détecter la récupération de la fonction systolique permettant le retrait de l’assistance. L’épreuve de sevrage (tableau 4) doit être réalisée sous surveillance clinique et échocardiographique continue. Elle est considérée comme concluante seulement si le patient est stable hémodynamiquement, sans ou sous de très faibles doses de catécholamines, et s’il n’existe pas de dilatation marquée du ventricule droit dans le cas d’une ECMO mise en place après une transplantation cardiaque. Le protocole de sevrage consiste en une réduction progressive du débit d’ECMO et enfin un clampage des canules. L’épreuve est arrêtée si la pression artérielle moyenne chute en dessous de 60 mmHg, mais des paramètres mesurés par échographie-Doppler (ITV sous-aortique ≥ 12 cm, vitesse systolique Sa de l’anneau mitral externe en Doppler tissulaire ≥ 5,8 cm/s) sont fortement prédictifs du succès du sevrage de l’ECMO (figures 2 et 3).22,27
Débit ECMO : 1,8 l/min, intégrale temps vitesse s/aortique 9,77 cm (ITV)mesuré par échocardiographie transœsophagienne traduisant un débit cardiaque insuffisant ne permettant pas de soustraire l’assistance.
Débit ECMO : 1,8 l/min, intégrale temps vitesse s/aortique 14,1 cm (ITV)mesuré par échocardiographie transœsophagienne permettant de soustraire l’assistance. L’ECMO a été retirée avec une très bonne tolérance hémodynamique du patient.
Le sevrage, d’une ECMO VV ou VA implantée dans le cadre d’une défaillance respiratoire ou cardiorespiratoire mixte, peut être envisagé lorsqu’une amélioration clinique, gazométrique, radiologique et de la compliance pulmonaire est constatée. Une épreuve de sevrage de l’ECMO peut être réalisée en arrêtant la ventilation de la membrane et en ajustant la FiO2 de l’ECMO à 21% et le débit d’assistance à 2-2,5 l/min pendant au moins une heure. En cas d’épreuve de sevrage prolongée, l’oxygénateur à membrane sera balayé par l’admission d’un mélange gazeux à fort débit toutes les heures pendant 30 secondes. Le retrait de l’ECMO peut être envisagé en fonction de la PaO2 avec une FiO2 sur le respirateur, inférieure à 60 %, de la pression plateau, de la PaCO2, du pH artériel et s’il n’apparaît pas de signes de cœur pulmonaire aigu à l’échographie cardiaque (tableau 5).
Chez l’adulte, la première étude multicentrique dans le SDRA a été initiée en 1974, mais a dû être stoppée prématurément en raison de la mortalité extrêmement importante aussi bien dans le groupe ECMO que dans le groupe contrôle.28 Le taux de survie dans les deux groupes était < 10 %, et aucune différence significative de mortalité n’a été observée entre les patients bénéficiant de l’ECMO ou de la ventilation conventionnelle. Les progrès de prise en charge de cette pathologie ont permis de réaliser une seconde étude randomisée sur 40 patients en 1994, portant autant sur l’élimination du dioxyde de carbone que sur une véritable oxygénation par ECMO :29 elle n’a montré aucune différence significative sur le taux de survie entre les groupes (avec ventilation conventionnelle, 42%, avec une ECMO, 33%, p = 0,8), bien que le faible débit sanguin associé à cette méthode (1 à 2 l/min) soit insuffisant pour fournir une oxygénation sanguine significative. Compte tenu de ces résultats négatifs, de nombreux rapports de cas ont été publiés soutenant l’utilisation de l’ECMO chez les adultes souffrant d’insuffisance respiratoire grave hypoxémique, montrant des résultats encourageants en faveur de l’utilisation de l’ECMO.30 D’autres études non randomisées ont aussi montré que l’ECMO pouvait «sauver» les patients souffrant d’embolie pulmonaire massive, de chocs réfractaires et de contusions pulmonaires sévères résistant à la ventilation conventionnelle.31,32 L’épidémie de grippe AH1N1 aussi bien dans l’hémisphère sud que dans l’hémisphère nord a été l’occasion d’utiliser la technique de manière assez large avec des résultats intéressants bien que non comparatifs.33-35 De jeunes patients extrêmement hypoxémiques ont semblé bénéficier de cette technique. Enfin, le troisième essai, «CESAR», le plus récent, a été conduit au Royaume-Uni de 2001 à 2006.36 Les critères de sélection des malades étaient un SDRA grave, caractérisé par un score de Murray ≥ 3 ou une hypercapnie non compensée (pH < 7,2). Les malades qui étaient randomisés dans le groupe ECMO étaient tous transférés dans un seul centre (Glenfield, Leicester), tandis que les malades randomisés dans le groupe contrôle étaient traités de manière conventionnelle dans leur centre d’origine. Le critère primaire d’évaluation de cet essai était la mortalité ou une invalidité sévère (définie par le fait d’être confiné au lit ou d’être incapable de se laver ou de s’habiller seul) six mois après la randomisation. Parmi les 180 patients randomisés dans 68 centres, 90 ont reçu le traitement conventionnel et 90 une ECMO. Au terme de l’essai, 37 % des patients du groupe ECMO et 53% des patients du groupe contrôle étaient soit décédés, soit sévèrement invalides (p = 0,03, risque relatif = 0,69 ; IC 95% : 0,05-0,97). Il y avait aussi une tendance proche de la significativité à une réduction de la mortalité à six mois dans le groupe ECMO (37% versus 45%, p = 0,07). Les patients du groupe conventionnel décédaient par ailleurs plus rapidement que les patients ayant bénéficié d’une ECMO (5 versus 15 jours). Cet essai est cependant critiquable à au moins deux niveaux. Premièrement, 22 patients randomisés dans le bras ECMO ne reçurent pas le dispositif (décès durant le transport ou à l’arrivée dans le centre ECMO, malades en état extrêmement précaire, ou amélioration significative pour d’autres malades). L’autre problème méthodologique majeur de cet essai est l’absence de standardisation de la ventilation mécanique dans le groupe contrôle, où il était conseillé aux médecins prenant en charge les malades, d’adopter une stratégie de ventilation protectrice sans plus de précisions. Par ailleurs, le temps passé avec une ventilation mécanique «protectrice» était nettement supérieur dans le bras ECMO. Par conséquent, au vu de ces études méthodologiquement discutables, l’évolution des technologies et de l’expérience des centres utilisant l’ECMO, il semble indispensable que d’autres études soient réalisées afin de prouver ou non les bénéfices de l’ECMO.
Les médecins urgentistes, cardiologues et intensivistes doivent être capables de reconnaître précocement les pathologies susceptibles d’évoluer rapidement vers le choc cardiogénique réfractaire ou vers l’asystolie. Dans ces situations d’urgence, l’ECMO est désormais l’assistance circulatoire de premier choix. De plus, il est primordial de diriger le patient le plus rapidement possible vers un centre médicochirurgical capable d’implanter et de surveiller ce type de dispositif complexe. En effet, la morbidité et la mortalité liées à la pathologie initiale peuvent être réduites de façon très significative si la mise en place d’une assistance intervient avant que ne s’installent des signes de défaillance multiviscérale. Si l’état clinique du patient est trop précaire, rendant un transport médicalisé trop risqué, il faut envisager de faire appel à une unité d’assistance mobile qui va implanter l’assistance sur le site où le patient se trouve et le transférer secondairement, sous assistance, vers le centre hospitalier de référence. Cette stratégie permet d’améliorer la survie de patients pour lesquels le pronostic était encore catastrophique à très court terme il y a quelques années. Une ECMO VV peut également être mise en place dans les formes les plus sévères de SDRA, même si l’utilisation plus libérale de cette technique dans cette indication reste à déterminer, par la réalisation de nouvelles études cliniques prospectives et randomisées où une stratégie de ventilation mécanique optimisée serait utilisée.
The Extra corporeal membrane oxygenation (ECMO) was initially proposed as a technique of respiratory support using an external membrane oxygenator. With time, it has also become a technique of cardiorespiratory support to ensure both gas exchange and organ perfusion until the restoration of organs function. This technical assistance can be central or peripheral and provides a partial or total circulatory support. The circuit includes a non occlusive centrifugal pump, an oxygenator for an enrichment of O2 and elimination of CO2 and cannulas for drainage and re-injection. Recently, the establishment of such assistance became possible percutaneously, allowing it to be initiated at the intensive care bedside or even before in-hospital admission.