Le tollé suscité par les hausses de primes d’EGK est du pain bénit pour les partisans de la caisse publique. Mais Alain Berset, qui en est, reste sur sa réserve.
Baptême du feu ce lundi pour le conseiller fédéral en charge de la santé : il répondra à quatre motions d’Ada Marra, socialiste comme lui, et à cinq questions sur l’affaire EGK. Cette caisse vient d’annoncer une hausse massive de ses primes en milieu d’exercice, suscitant un tollé parmi les assurés.
De Stéphane Rossini (PS/VS), président de la Commission sécurité sociale et santé publique du National, au conseiller d’Etat vaudois Pierre-Yves Maillard, en passant par Jean-François Steiert (PS/FR) et Ada Marra, le diagnostic de la gauche est unanime: même rafistolé, le système est pourri. N’est-ce pas l’occasion rêvée de faire du battage autour de l’initiative pour la caisse publique, paraphée par 120 000 citoyens et déposée ce printemps ? C’est ici que les camarades sont tactiquement empruntés face à leur ministre, qui manifeste un trou de mémoire sur son soutien à cet enjeu depuis son élection. (…)
«Mon rôle a changé. Désormais, je représente l’avis du Conseil fédéral», nous répondait l’intéressé en décembre. Certes, mais au point de faire le mort sur un sujet aussi symbolique que celui-ci ? Yves Seydoux ne comprend pas les contorsions autour de la collégialité : «Si Alain Berset est minorisé au gouvernement et que cela entraîne un conflit intérieur majeur pour lui, les gens comprendraient qu’il se récuse. Je verrais bien Doris Leuthard défendre ce dossier.»
«J’ai de la compréhension pour Alain Berset, qui vient d’arriver au Conseil fédéral, dit Ada Marra. En l’état, son devoir est de dire que le système actuel qui protège les caisses et non les assurés ne fonctionne pas, et de proposer des réformes pour éviter le pire en attendant la caisse unique.» La surveillance renforcée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) vient d’être approuvée par le Conseil fédéral et doit l’être cette année par le Parlement. La socialiste vaudoise veut d’autres changements, comme la consultation des cantons en cas de modification de primes, ou la mutualisation des réserves par canton ou groupes de cantons.
Cette dernière proposition constitue en fait un embryon de caisse publique. Pas surprenant que Pierre-Yves Maillard l’appuie : «Il existe déjà d’ailleurs au plan national le fonds d’insolvabilité de l’institution commune LAMal, dit-il. Mais il n’est doté que de 70 millions de francs, un montant ridicule par rapport aux risques. Avec des moyens plus importants, il aurait pu être utilisé pour régler l’affaire EGK plus proprement.» Le conseiller d’Etat salue aussi la surveillance renforcée tout en souhaitant que l’OFSP montre «plus de détermination qu’il n’en a manifestée avec les moyens dont il dispose déjà».
C’est aussi l’avis de Jean-François Steiert. Un OFSP moins timoré aurait pu, dans le cadre actuel, prévenir la pétaudière EGK, estime le vice-président de la Fédération suisse des patients. «Il y aura d’autres cas de ce genre, ils feront vaciller encore plus les convictions à droite», prédit-il. Christine Egerszegi (PLR/AG) et l’ancien président des radicaux Franz Steinegger se sont déjà prononcés en faveur de la caisse unique. Il serait contre-productif pour Alain Berset de sortir du bois maintenant, pense Steiert : «Il faut abattre ses atouts au bon moment.» Ce lundi, le conseiller fédéral devrait toutefois aller plus loin dans le sens de la réforme que son prédécesseur Didier Burkhalter. (…)
Le Matin du 4 mars 2012