Le Genevois Jacques de Haller aura bu le calice jusqu’à la lie. Après avoir échoué en octobre comme candidat au Conseil national, il a été éjecté hier de la présidence de la Fédération des médecins suisses (FMH). Les 200 délégués réunis à Bienne lui ont refusé un troisième mandat de quatre ans et ont porté à la présidence le Bernois Jürg Schlup.
Ce n’est pas tant la non-réélection du Genevois qui surprend que la façon brutale dont il a été sanctionné. Jacques de Haller a été écarté du comité central au premier tour ! Il n’a donc pas pu se présenter à la présidence.
Pourquoi ce ras-le-bol ? François Héritier, vice-président de l’Association des médecins de famille, estime que plusieurs facteurs ont joué : «D’abord sa personnalité. Centralisateur, il fait tout passer par lui, délègue peu et se met constamment en avant. Ensuite, il y a eu sa candidature au Conseil national sous l’étiquette socialiste. Cela a posé un problème, car le corps médical se situe politiquement plutôt au centre droit. Enfin, il y a eu la goutte qui a fait déborder le vase : son retournement de veste sur le Managed Care. Cela a très mal passé auprès des médecins de famille.»
Pierre-Alain Schneider, président de l’Association des médecins de Genève, se montre moins sévère. «Nous soutenions Jacques de Haller, mais nous avons constaté qu’il y avait une forte opposition contre lui. C’est une surprise qu’il n’ait pas passé le premier tour. Cela dit, la fédération a trouvé une solution consensuelle et elle n’est pas divisée comme le prétendaient les médias. Le successeur, Jürg Schlup, nous satisfait. C’est un Alémanique qui parle très bien le français.»
Comment réagit Jacques de Haller à cette claque ? Va-t-il quitter amer la présidence? Pas du tout. L’homme se montre étonnamment serein et relativise le désaveu. «Je ne crois pas qu’on puisse parler d’une claque. Les gens, pour plusieurs raisons différentes, voulaient un changement. Il est donc normal qu’ils ne m’aient pas porté au comité. Partant de là, c’était une bonne idée de mettre M. Schlup, un médecin généraliste, à la présidence. Quant à moi, je reste en fonction jusqu’à la fin de l’année. C’est un signe fort de continuité. Je ne pars donc pas du tout amer.»
N’a-t-il pas commis une erreur majeure en politisant indirectement la FMH de par sa candidature socialiste au National ? «Je n’ai aucun regret. Cette candidature, pendant la campagne, a ouvert des portes pour la FMH. Le corps médical n’est pas encore conscient de cette réalité : il se veut libéral alors qu’il fonctionne dans un cadre qui ne l’est pas.»
L’autre grande surprise du jour, c’est bien sûr l’élection de Jürg Schlup. Ce dernier n’a jamais été présenté comme l’adversaire déclaré de Jacques de Haller avant l’élection. Le chirurgien zurichois Urs Stoffel tenait ce rôle. Il s’est finalement retiré au quatrième tour pour laisser le champ libre au Bernois. Ce dernier recueille pour l’instant une pluie d’éloges : pondéré, très actif, pratiquement bilingue et soucieux de déléguer. (…)
Tribune de Genève du 8 juin 2012