En 2008, l’Association suisse contre l’ostéoporose publiait un livre blanc sur l’état de l’ostéoporose en Suisse.1 Ce texte faisait le point sur l’épidémiologie, les moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles en Suisse, et identifiait toute une série de domaines nécessitant des améliorations, d’où «un appel à action» dans le titre de ce document. En 2011, un éditorial accompagnait les articles figurant dans le numéro consacré à l’ostéoporose de la Revue Médicale Suisse.2 Il résumait certes les progrès accomplis, mais mentionnait combien de lacunes il restait malheureusement encore à combler pour maîtriser, même pas réduire, les conséquences de l’ostéoporose-épidémie silencieuse, qui est en relation avec la prolongation de l’espérance de vie et avec les modifications de notre style de vie.
En 2013, quel est le point de la situation ? A l’âge de 50 ans, le risque d’une femme en Suisse de subir une fracture est de 51%, donc cela concerne une femme sur deux.3 Pour les hommes, le risque de fracture après 50 ans touche un homme sur cinq. Du point de vue diagnostique, une nouvelle indication au remboursement de l’ostéodensitométrie a été reconnue en 2012, à savoir les sujets porteurs du VIH, indication qui s’ajoute à celles de l’ordonnance de 2003, qui sont : ostéoporose manifeste et fracture, traitement par glucocorticoïdes, maladies digestives avec malabsorption, ostéogenèse imparfaite et hyperparathyroïdie primitive.
Cependant, nous attendons toujours le remboursement de l’évaluation des fractures vertébrales par ostéodensitométrie (vertebral fracture assessment, VFA), technique moins irradiante et de coût moindre qu’une radiographie conventionnelle, et dont le résultat constitue un apport majeur dans l’appréciation du risque fracturaire. En effet, «qui s’est fracturé, se fracturera». Il faut donc identifier les patients porteurs de ce genre de fracture.
Les recommandations de l’Association suisse contre l’ostéoporose (ASCO) de 2010 résument une attitude simple et consensuelle pour la prise en charge de patients avec ostéoporose4 et proposent des seuils d’intervention thérapeutique basés sur le risque fracturaire évalué par l’algorithme FRAX, calibré aux conditions suisses d’incidence de fracture et de longévité. Les seuils d’intervention sont très avantageux dans une analyse coût-bénéfice,5 et s’ajoutent aux indications reconnues que sont une fracture prévalente de vertèbre ou de hanche, et un T-score inférieur à -2,5 écarts-types. Le traitement des patients avec ostéoporose permet même de réduire les coûts occasionnés par la maladie (cost-saving) au-delà de 75 ans. Si des arguments en faveur d’un dépistage systématique de la population ne sont pas encore entièrement réunis, nous disposons d’un signe d’appel évident, aisé, sans coût additionnel, représenté par une fracture à basse énergie. Le système des filières de prise en charge médicale des patients avec fracture (fracture liaison service)6 se répand dans nombre d’hôpitaux en Suisse. Diverses études ont montré que les frais occasionnés par ces structures étaient de très loin inférieurs aux bénéfices obtenus par la réduction du nombre de fractures. Ces faits purement économiques, qui semblent s’éloigner de notre pratique médicale à vocation primairement altruiste, s’ajoutent donc à l’amélioration de la qualité de vie, que confère de pouvoir rester sans fracture. Si très peu de chutes occasionnent des fractures (2-3%), la majorité des fractures, tout au moins les fractures périphériques, surviennent sur une chute. Parmi les nombreuses mesures préventives des chutes, la vitamine D est un élément de base. Une commission mandatée par l’Office fédéral de la santé publique a publié un rapport sur la vitamine D,7 approuvé par la Commission fédérale de l’alimentation, et dont une forme condensée a été publiée.8
Dans le domaine de la prise en charge des patients avec ostéoporose, un certain nombre de progrès a été accompli ces toutes dernières années. Un contrôle de qualité national des appareils d’ostéodensitométrie a été introduit sous l’égide de l’ASCO. Un tel contrôle de qualité, qui est jusqu’à présent gratuit grâce au soutien de l’ASCO, est indispensable pour une prestation crédible et fiable.
Pour promouvoir les connaissances dans le domaine des maladies métaboliques osseuses, un curriculum suisse d’enseignement en ligne en est à sa deuxième année d’existence. Entre octobre et juin, ce curriculum offre 37 leçons hebdomadaires en français et en allemand, accessibles en ligne, accompagnées de cinq demi-journées de stages pratiques, et sanctionnées d’un examen final. Il est ouvert à toutes les disciplines médicales. La prochaine session commencera en octobre 2013.9 Finalement, la formation en Suisse romande, dans le domaine de l’ostéoporose, est aussi apportée par les réunions de janvier et d’août, respectivement «l’ostéoporose au quotidien» et la «Bone Academy», qui se déroulent régulièrement à Morges et à Chavannes de Bogis, de manière complémentaire, et qui rencontrent un vif succès.
Le présent numéro de la Revue Médicale Suisse aborde les différents aspects résumés ci-dessus en présentant des articles sur les ostéoporoses secondaires (VIH, chirurgie bariatrique, diabète), l’ostéoporose chez l’homme, l’investigation de patients chuteurs, et les recommandations de l’ASCO.