Les mutilations génitales féminines (MGF) se trouvent principalement en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est (figure 1). Dans certains pays comme l’Egypte, la proportion de femmes excisées dépasse les 95%.1 Plus de 100 millions de femmes seraient concernées par cette pratique.2
Les différents types vont de l’excision du prépuce du clitoris (type I) à l’excision des petites lèvres et la suture des grandes (type III ou infibulation) (figure 2).3 Les MGF ne sont donc pas forcément des sutures complètes des lèvres mais peuvent être des lésions plus modérées des organes génitaux et nécessitent donc un examen approfondi pour les exclure. En Suisse, 6000 à 7000 femmes seraient potentiellement concernées. Des recommandations ont été introduites en 2005 concernant leur prise en charge.
Vérifier l’application des recommandations de 2005 concernant les MGF dans la prise en charge des patientes avec MGF.
Cinq pédiatres et deux gynécologues pratiquant aussi bien en milieu hospitalier qu’en cabinet ont été interrogés suivant une grille d’entretien. Ils ont rempli une grille d’évaluation, séparée en quatre axes : les connaissances, le dépistage, la prise en charge et le rôle du médecin. Nous avons ensuite comparé les réponses obtenues avec les recommandations suisses de 2005 en synthétisant, axe par axe, les réponses obtenues et en les confrontant aux recommandations.
Notre démarche a permis de mettre en évidence un décalage entre les recommandations et la prise en charge dans les cabinets :3
la prévalence et les fondements des MGF semblent méconnus. Dans la plupart de nos entretiens, les MGF sont attribuées à la religion musulmane, ce qui est erroné. Aucun texte sacré ne prescrit les MGF, elles existaient avant l’Islam et les répartitions géographiques ne correspondent pas.4 Nous supposons que cette méconnaissance rend moins attentif aux autres raisons qui motivent ces pratiques qui nécessitent souvent d’être confrontées à un argumentaire.
Les connaissances des MGF des médecins semblent dépendre de leur intérêt personnel et non de leur formation.
Dans les consultations, seuls les médecins qui ont été confrontés à des cas de MGF dans leur pratique professionnelle ou lors d’un voyage effectuent des dépistages et de la prévention. La relative basse fréquence des MGF en Suisse ne pousse pas les médecins à aborder le sujet ni à s’y intéresser. Ceci est à relativiser au vu d’une certaine sous-estimation du nombre de cas de MGF par les médecins. Néanmoins, les pédiatres estiment leur rôle important dans la prévention.
Les résultats démontrent des lacunes au niveau des connaissances. La prévalence, les raisons, les types de MGF, les bases légales et la prise en charge sont souvent mal connus et ceci empêche un dépistage et une prise en charge optimaux. Nous pensons qu’une implication plus systématique dans le dépistage et la prévention auprès des patients migrants des pays à fort taux de prévalence serait bénéfique.
Avec la variation des prises en charge que nous avons observée, nous pouvons supposer que les guidelines sont peu connues des praticiens et que les prises en charge les plus adaptées se retrouvent chez ceux qui ont une expérience ou un intérêt pour les MGF. Les ressources pouvant être mises en place afin de pallier ce problème sont, d’après nous, les trois suivantes :
une meilleure intégration au cursus universitaire : jusqu’en 2002 aucune université de Suisse ne proposait de cours à ce sujet.
Des colloques, séminaires et revues proposés en formation continue, proportionnellement à la prévalence des MGF, visant une utilisation systématique du savoir chez les médecins.
Promotion de l’existence de recommandations suisses éditées en 2005 auprès de la population soignante.
Ces points sont proposés afin que les intervenants comprennent mieux les contextes social et culturel dans lesquels survient la pratique de l’excision. Ceci afin que le dépistage des fillettes à risques et la prise en charge des femmes concernées se fassent dans les meilleures conditions.