Les talalgies inférieures (situées à la face plantaire du calcanéum) sont le problè-me clinique le plus fréquent tou-chant le pied – une personne sur dix en souf-frira au cours de sa vie –, et motivent un nombre important de consultations en médecine de premier recours.
Quand un patient se plaint de talalgies in-férieures, il s’agit le plus souvent d’une aponévrosite (ou fasciite) plantaire, qui est une pathologie de surcharge micro-traumatique de l’insertion calcanéenne de l’aponévrose plantaire ; le diagnostic différentiel se fait prin-cipalement avec des douleurs neurogènes (sciatalgies de topographie S1, polyneuropathies), plus rarement la manifestation péri-phérique d’une spondylarthrite ou une fracture de stress du calcanéum.
Les patients décrivent des douleurs -d’apparition progressive sous le talon ; les symptômes sont intenses le matin au lever, et s’aggravent à la marche ou lors des stations debout prolongées. A l’examen, on met en évidence des douleurs en pressant la région d’insertion de l’aponévrose plantaire sur le bord inféro-médial du calcanéum.
Les facteurs favorisants principaux sont la surcharge pondérale, la marche et/ou la station debout prolongée, et l’âge (> 40 ans). On retrouve comme facteur favorisant associé chez plus de 80% des patients un raccourcissement de la chaîne musculaire postérieure de la jambe (muscles gastrocnémiens courts) : ceci provoque un stress mécanique excessif au niveau de l’insertion calcanéenne de l’aponévrose plantaire (et du tendon d’Achille).
Le diagnostic clinique peut être confirmé par une échographie (épaississement et aspect hypoéchogène de l’insertion de l’aponévrose plantaire) (figure 1). Une radiographie n’est en général pas nécessaire, mais elle montrera souvent un «éperon calcanéen» : contrairement à l’idée répandue, l’éperon calcanéen n’est pas responsable des douleurs, mais témoigne indirectement du surmenage chronique de la région de l’insertion de l’aponévrose plantaire. L’éperon calcanéen est déjà présent avant le déclenchement de l’aponévrosite plantaire, et persiste après la guérison.
Le traitement (résumé dans la figure 2) consiste dans un premier temps à agir sur les facteurs favorisant le déclenchement de l’aponévrosite plantaire : diminution de la marche ou de la station debout prolongée. Chez un sportif, il faut modifier l’entraînement en proposant des alternatives : vélo, natation.
La prescription de talonnettes amortissantes permet une diminution du stress mécanique dans la zone d’insertion de l’apo-névrose plantaire. En cas de troubles statiques du pied (pied plat principalement), des orthèses plantaires adaptées – avec une couche amortissante sous le talon – peuvent être envisagées.
Un aspect primordial du traitement est l’enseignement au patient d’exercices journaliers de stretching des muscles gastrocnémiens et d’étirements de l’aponévrose plantaire.
Les AINS soulagent de façon inconstante et transitoire les douleurs. Les ondes de choc extracorporelles sont fréquemment prescrites, mais les résultats sont variables. Les infiltrations (stéroïdes) sont habituellement efficaces à condition qu’une diminution durable de la surcharge mécanique soit associée. Récemment, la possibilité d’infiltrations de plasma riche en plaquettes (PRP) est apparue, mais il y a peu d’études disponibles (et cette modalité est à la charge du patient). Elle est surtout proposée chez les patients sportifs.
L’évolution des aponévrosites plantaires est habituellement lentement favorable : plus de 90-95% des patients sont soit guéris, soit peu symptomatiques à un an (sans qu’une modalité thérapeutique soit clairement supérieure à une autre). Il s’agit donc d’être très patient. En cas d’échec, un traitement chirurgical peut se discuter, mais pas avant un an de persistance des symptômes.
▸ L’aponévrosite (ou fasciite) plantaire est la pathologie la plus fréquente à l’origine de -talalgies
▸ L’aponévrosite plantaire est causée par des facteurs de stress mécanique qu’il faut rechercher pour adapter le traitement à la situation de chaque patient
▸ Il n’y a pas un seul traitement supporté par des évidences scientifiques élevées, mais plusieurs options thérapeutiques soutenues par des évidences «moyennes», qui doivent être adaptées à chaque patient
▸ L’éperon calcanéen n’est pas responsable des douleurs en cas d’aponévrosite plantaire
▸ L’évolution des aponévrosites plantaires est habituellement lentement favorable (> 90-95% à un an)