La Loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH) est entrée en vigueur le 1er janvier 2014.1 Elle change le paysage de la recherche en Suisse. Parfois de manière mineure comme pour les essais cliniques de médicaments ; parfois de manière majeure comme pour les recherches dans des disciplines autres que la médecine. Entre deux, on peut situer la recherche rétrospective utilisant des données ou avec du matériel biologique. Dans ce domaine, le chercheur bénéficie d’assouplissements pour certains aspects (par exemple, disparition de la Commission pour la levée du secret professionnel et de ses autorisations générales ou particulières)2 et doit s’adapter à des règles plus strictes pour d’autres aspects (par exemple, soumission systématique à une commission s’agissant des cantons qui n’avaient pas institué cette exigence).3 Les projets rétrospectifs étant très fréquents, le chercheur doit impérativement se familiariser avec les règles du nouveau système.
Le présent article a pour but de récapituler ces règles, dans une optique essentiellement pratique. Le bien-fondé des nouvelles dispositions légales n’est pas discuté, sauf brièvement dans la conclusion.
Par recherche rétrospective, nous entendons toute recherche qui se base sur du matériel déjà disponible.4 Typiquement, ce matériel consiste soit en du matériel biologique au sens de l’art. 3 let. e LRH («substances du corps provenant de personnes vivantes»),5 soit en des données personnelles liées à la santé au sens de l’art. 3 let. f LRH («informations concernant une personne déterminée ou déterminable qui ont un lien avec son état de santé ou sa maladie, données génétiques comprises») (ci-après les deux ensemble : matériel au sens large). Ce matériel a été le plus souvent réuni lors d’un traitement thérapeutique, mais aussi parfois lors de projets de recherche antérieurs. A ce stade toutefois, aucune intervention sur la personne n’est planifiée pour l’avenir (a contrario d’une recherche dite interventionnelle) ; aucune acquisition de matériel nouveau (au sens large) n’est planifiée (a contrario d’une recherche dite prospective).
La nouvelle loi et ses trois ordonnances dont le texte définitif a été rendu public fin septembre 20136 créent différentes catégories de consentement et de procédure d’autorisation du projet. Dès lors, le premier chapitre ci-après examine quels types de consentement sont requis pour quels types de recherche rétrospective.7 Le deuxième chapitre commente les différents types de procédure que doit emprunter la Commission d’éthique chargée de se prononcer sur un projet de recherche rétrospectif. Le tableau 1 fournit un résumé des exigences. Le troisième chapitre évoque divers allègements consentis en faveur de ce type de projets. Enfin, la conclusion revient brièvement sur les bénéfices et les risques de la nouvelle règlementation.
On distingue quatre niveaux de consentement, décrits ici en partant du plus exigeant et en descendant jusqu’à l’absence de consentement.
Le consentement doit être éclairé et spécifique si du matériel biologique non codé est réutilisé dans un projet de recherche rétrospectif (art. 32 al. 1 LRH). Il en va de même si des données génétiques liées à la santé, de nouveau non codées, sont réutilisées (même article de la LRH). Dans les deux cas, le matériel et les données ont déjà été acquis et ils sont déjà à disposition d’une personne. Celle-ci ou un chercheur tiers prévoit cependant de les utiliser dans un but de recherche qui n’avait pas été annoncé à la personne concernée (principalement le patient), au moment du prélèvement ou de la collecte.
Le consentement de la personne doit porter sur un projet spécifique de recherche qui lui a été décrit. Un consentement général n’est pas suffisant, du moment que les données ne sont pas codées ; par conséquent, le consentement aura le plus souvent lieu un certain temps après la collecte du matériel, soit après que le protocole de recherche ait été rédigé par le chercheur et approuvé par la Commission d’éthique. Pour que le consentement soit informé, le sujet doit recevoir des informations étendues qui sont énumérées à l’art 28 de l’Ordonnance relative à la recherche sur l’être humain à l’exception des essais cliniques (ORH). Celles-ci portent notamment sur «la nature, le but, la durée et le déroulement du projet de recherche» (art. 28 al. 1 let. a ORH). Le sujet doit être informé de ce qu’il advient, en cas de révocation, de son matériel biologique ou de ses données génétiques si ceux-ci ont été déjà utilisés (art. 28 al. 1 let. c ORH). Il a le droit d’être informé des résultats du projet si ceux-ci concernent sa santé (art. 28 al. 1 let. e ORH). Il est avisé des sources de financement pour le projet (art. 28 al. 1 let. g ORH). Son consentement est en principe donné par écrit (art. 28 al. 3, avec les exceptions de l’al. 4 par renvoi à l’art. 9 ORH).
Si la personne concernée n’est pas un adulte capable de discernement, le consentement doit être fourni par son représentant légal. Toutefois, un adolescent (dès quatorze ans ; art. 3 let. k LRH) capable de discernement peut normalement consentir seul, du moment que la réutilisation dans le projet de recherche n’entraîne que des risques et contraintes minimes – ce qui devrait être le cas. S’il s’agit d’un enfant (moins de quatorze ans ; art. 3 let. j LRH), l’accord des parents est requis ; à notre avis, un parent devrait pouvoir représenter l’autre (art. 304 al. 2 du Code civil dans le cas d’une autorité parentale conjointe). Si le matériel ou les données sont ceux d’un adulte, privé de la capacité de discernement, les personnes pouvant consentir à sa place sont son représentant légal (à supposer qu’un représentant ait été désigné), ou ses proches.8
Les règles sont ici les mêmes que les données génétiques ou le matériel biologique aient été réunis par le chercheur qui entend conduire le projet, ou par une autre équipe de recherche. La réutilisation par un même centre ou une même personne des données ou du matériel de ses propres patients ne bénéficie plus d’un régime de faveur.
En revanche, la réutilisation par un chercheur de ses propres données continue à présenter des avantages pratiques. En effet, le processus d’obtention du consentement (contact des personnes, présentation de l’information, signature de la feuille de consentement) doit être mené par les personnes qui ont déjà eu des contacts médicaux avec le patient. Le médecin ou l’équipe soignante du patient ne peuvent pas transmettre son identité à un chercheur tiers sans violer le secret médical. Autrement dit, il y a déjà violation du secret médical si le soignant communique à un tiers le nom et l’adresse du patient, afin que ce tiers contacte le patient pour lui exposer le projet de recherche. Si l’application de cette règle peut poser des problèmes d’interprétation au sein d’un hôpital où le périmètre de confidentialité prête à débat, il n’en demeure pas moins qu’un chercheur sans rapport (médical) préexistant avec le patient ne peut le contacter aux fins d’obtenir son consentement.
Le consentement de la personne doit être éclairé, mais peut être général, si du matériel biologique codé est réutilisé (art. 32 al. 2 LRH). Il en va de même si des données génétiques, dûment codées, sont réutilisées. Le consentement éclairé général est également suffisant pour des projets réutilisant des données non génétiques (liées à la santé) cette fois-ci non codées (art. 33. al. 1 LRH).
Pour qu’il y ait codage suffisant à teneur de la LRH (cf. art. 3 let. h LRH et art 26 ORH), l’identification de l’individu concerné doit être impossible ou requérir des efforts disproportionnés ;9 les noms, date de naissance et autres numéros identificateurs (par exemple, numéro AVS) doivent avoir été supprimés. Le chercheur participant au projet ne doit pas avoir accès au code permettant de réétablir l’identité de l’individu en cause (les exceptions admissibles sont énumérées à l’art. 27 ORH).
Puisque le consentement est ici général, l’individu concerné ne donne pas son accord à un projet précis, mais à une multitude de projets potentiels. Il n’est pas nécessaire de l’aviser du type de projet entrant en ligne de compte. Il est donc possible de recueillir ce consentement dès la collecte du matériel, même si aucun projet concret de recherche n’est connu à ce stade. Les éléments d’information à fournir sont énumérés à l’art. 29 ORH en lien avec l’art. 32 al. 2 LRH (matériel biologique codé ; données génétiques codées), respectivement à l’art. 31 ORH en lien avec l’art. 33 al. 1 LRH (données non génétiques et non codées). Ces éléments sont nettement moins nombreux qu’à l’art. 28 ORH (quatre ici contre huit pour le consentement spécifique).
Les remarques ci-dessus sur les personnes pouvant consentir (représentants légaux et parents) sont aussi applicables. Il en va de même des observations sur la personne habilitée à contacter le patient sans violer le secret médical.
Un consentement explicite n’est pas nécessaire lorsque des chercheurs entendent réutiliser des données non génétiques (liées à la santé) qui ont été codées (Art. 33 al. 2 LRH). Il leur suffit de s’assurer que la personne, autant que possible au moment où elle a fourni les données, a été informée de la possibilité d’une réutilisation à des fins de recherche, et que, généralement à ce moment aussi, elle n’y a pas objecté (droit de veto ou opt-out). Autrement dit, si le dossier du patient ou d’autres pièces attestent que le patient a reçu une information, mais qu’aucune opposition n’est enregistrée, les données peuvent être utilisées pour de multiples projets sans devoir recontacter la personne. Ainsi, dans le meilleur des cas, le chercheur peut lancer son projet rétrospectif sans aucune démarche préalable à mener auprès du patient. Si toutefois l’information sur une possible réutilisation n’a pas été fournie au moment de la collecte, le processus est à entreprendre au moment où la réutilisation pour un ou plusieurs projets de recherche est concrètement envisagée.
L’information doit porter sur quatre éléments tels qu’énumérés à l’art. 32 ORH ; la personne est informée de la réutilisation (pour des projets non décrits), de son droit d’opposition, des mesures de protection de ses données, en particulier s’agissant de la protection du code et, enfin, de la possibilité que les données codées soient transmises à des chercheurs tiers.
Le point délicat consiste évidemment à prouver que le patient a été informé et a eu l’opportunité de s’opposer. Actuellement, les hôpitaux, principaux collecteurs de matériel (au sens large) réutilisé à des fins de recherche, sont rarement organisés pour respecter systématiquement cette procédure en deux temps (information, suivi de l’exercice ou non du droit d’opposition). Pourtant, il serait simple d’intégrer cette information au processus d’accueil, enregistrement et facturation des patients. La remise d’un formulaire sur une page à peine (avec une case à cocher en cas de refus) suffirait.
Les remarques concernant le codage, les personnes habilitées à consentir et les personnes habilitées à contacter le patient sont aussi valables ici.
La loi aménage une exception au principe du consentement (au sens large) à l’art. 34 LRH lorsque les règles ci-dessus ne peuvent être respectées. Il est alors licite de mener une recherche réutilisant du matériel biologique et des données (génétiques ou non) pour autant que le chercheur (plus précisément, la direction du projet) démontre à la Commission d’éthique compétente que les conditions suivantes sont remplies.
Tout d’abord, le chercheur doit démontrer qu’il est impossible, disproportionné ou déraisonnable de rechercher le consentement (au sens large) de la personne (art. 34 let. a LRH ; voir actuellement aussi l’art. 10 al. 3 let. f OALSP). Les cas de figure principalement envisagés sont lorsque le nombre de personnes à contacter est très élevé, lorsque ces personnes sont probablement déjà décédées, lorsqu’elles ont probablement déménagé et que leur nouveau domicile est difficile à localiser (dans le respect du secret professionnel). Plus rarement, l’exception de l’art. 34 LRH peut trouver application lorsque les personnes concernées souffriraient psychologiquement si elles devaient être recontactées à des fins de recherche ; on pense par exemple au cas où les parents seraient recontactés pour que le matériel biologique prélevé sur leur enfant avant son tragique décès soit réutilisé.
Deuxième exigence pour passer outre l’exigence du consentement (ici au sens large) : la personne ne doit jamais avoir refusé cette réutilisation (art. 34 let. b LRH). Ainsi, il n’est jamais licite de mener un projet de recherche sur le matériel d’une personne qui a refusé son consentement général, son consentement spécifique ou qui a manifesté son opposition. La LRH n’évoque cependant que le refus attesté par un document. Le chercheur n’a donc pas besoin de faire des suppositions en fonction d’informations qu’il détiendrait ou pourrait retrouver au sujet de la personne (par exemple, les personnes de telle religion ou de telle ethnie sont généralement défavorables à ce type de recherche).
Troisième exigence (art. 34 let. c LRH), le chercheur doit démontrer que «l’intérêt de la science (à mener le projet de recherche) prime celui de la personne concernée à décider de la réutilisation de son matériel biologique ou de ses données». Le critère est apparenté à celui prévu (actuellement et jusqu’à la fin de l’année 2013) par l’art. 321bis du Code pénal à son alinéa 3 let. c («les intérêts de la recherche priment l’intérêt au maintien du secret»; voir aussi les art. 10 et 11 OALSP). Une pesée des intérêts des chercheurs et des individus concernés doit être effectuée, en évaluant tant les bénéfices attendus de la recherche que les risques encourus par les patients.
Un projet de recherche peut être mené sans le consentement (au sens large) de la personne si le chercheur utilise du matériel biologique déjà disponible et déjà rendu complètement anonyme (par opposition à simplement codé) (art. 2 al. 2 let. b LRH). Il en va de même si des données génétiques (donc liées à la santé) ont été rendues anonymes (art. 32 al. 3 LRH).
Le matériel est anonyme s’il est impossible ou excessivement difficile pour quiconque de retrouver l’identité de la personne en cause ; il n’y a pas de clé permettant de décoder (art. 3 let. i LRH ; aussi art. 25 ORH) ; des données initialement codées peuvent être rendues anonymes en supprimant définitivement le code ou la clé de décodage. Le cas le plus classique consiste en des anciennes collections de matériel biologique réunies par des hôpitaux ou des cliniques avant que les lois fédérales ou cantonales ne restreignent ces pratiques.
Sous l’égide de la LRH, la situation est plus compliquée lorsque le matériel biologique ou les données génétiques doivent encore être rendus anonymes. En effet, à teneur de l’art. 32 al. 3 LRH, au plus tôt dès que l’anonymisation est envisagée et au plus tard avant qu’elle soit entreprise, la personne concernée doit être informée et doit avoir la possibilité de manifester son opposition (droit de veto). L’information qui doit lui être communiquée est énumérée à l’art. 30 ORH ; l’élément le plus intéressant à cet égard est sans doute l’information sur les conséquences que peut avoir l’anonymisation projetée s’agissant de résultats (futurs) concernant sa santé (art. 30 let. c ORH). La personne doit être consciente qu’il sera impossible de lui transmettre d’éventuels résultats de la recherche susceptibles d’affecter sa santé – même si l’hypothèse demeure pour l’instant plus théorique que pratique. La personne doit aussi être avertie que son matériel (ici au sens large) pourra être transmis à des chercheurs tiers (art. 30 let. d ORH), puisqu’une fois complètement anonymisé, le matériel est hors du champ de la LRH.
Les remarques précédentes sur la personne amenée à exercer son droit de veto et sur la personne habilitée à la contacter demeurent applicables.
A supposer que du matériel biologique a été anonymisé en violation de l’art. 32 al. 3 LRH, le chercheur tiers qui y accède peut en principe l’utiliser à sa guise. Cependant, il enfreint vraisemblablement des normes éthiques et disciplinaires s’il sait que ce matériel a été anonymisé en violation de la loi. La LRH ne qualifie cependant pas d’illicite une telle réutilisation.
Un projet de recherche peut être mené sans consentement de la personne si le chercheur utilise des données non génétiques (liées à la santé) qui ont soit été collectées de manière anonyme, soit qui ont été rendues anonymes (art. 2 al. 2 let. c LRH).
Par exemple, un hôpital demande à ce que ses patients remplissent un sondage anonyme sur leur santé et la qualité des soins reçus. Ces données peuvent être utilisées par l’hôpital, ses chercheurs ou même des chercheurs tiers, sans que les patients en soient informés ou n’aient la possibilité de s’y opposer. La Loi fédérale sur la protection des données (LPD) n’offre pas davantage de protection car les données obtenues sont d’emblée anonymes. Le patient n’est toutefois pas complètement démuni puisqu’il a toujours la possibilité légale – et généralement la possibilité pratique – de ne pas répondre aux questions.
La situation est légèrement différente lorsque les données (non génétiques) sont au départ personnelles (identifiées ou identifiantes), mais qu’elles sont rendues anonymes dans une deuxième étape. L’anonymisation des données peut être menée sans restriction à teneur de la LRH, puisque l’art. 32 al. 3 LRH est ici inapplicable (contrairement à l’hypothèse du matériel biologique ou des données génétiques). En revanche, la LPD s’applique à la collecte et au traitement de données (au départ) personnelles. La personne dont les données sont traitées dispose de différents droits, dont celui d’être informée du ou des but(s) de la collecte. Si l’entité qui les collecte sait qu’elles vont être anonymisées, elle doit l’en informer.
Le chercheur qui veut entreprendre un projet de recherche rétrospectif doit obtenir au préalable la décision favorable de la Commission d’éthique compétente (pour une définition du projet de recherche, voir l’art. 33 ORH).10 La LRH et ses ordonnances prévoient une procédure d’autorisation plus ou moins stricte selon le niveau de risque du projet. Le présent chapitre décrit les différentes possibilités en allant des exigences les plus contraignantes au moins contraignantes.
La recherche rétrospective n’est en principe jamais soumise à la Commission d’éthique en plenum (au moins sept membres appartenant à différentes disciplines, dont la médecine, la statistique, l’éthique, et le droit ; art. 1 al. 1 ORH). En effet, la Commission applique la procédure ordinaire notamment lorsqu’un projet de recherche est attribué à la catégorie de risque B (art. 7 et art. 6 al. 1 let. b ORH a contrario). Or un projet est considéré de classe B s’il implique la collecte prospective du matériel (au sens large) et que celle-ci entraîne des risques et/ou des contraintes qui sont plus minimes (art. 7 al. 2 ORH). Ce seuil porte sur l’étape de collecte du matériel auprès de la personne, et non pas les autres aspects de la recherche, ni la réutilisation du matériel. La recherche rétrospective portant par définition sur du matériel déjà disponible, elle n’est donc jamais soumise à la procédure ordinaire.
La Commission d’éthique suit en principe une procédure simplifiée lorsqu’il s’agit de se prononcer sur un projet de recherche rétrospectif pour lequel les chercheurs entendent passer outre le consentement (au sens large) de la personne concernée (art. 34 LRH en conjonction avec l’art. 6 al. 1 let. c de l’Ordonnance d’organisation concernant la LRH (Org LRH)). La Commission n’est alors composée que de trois membres, avec autant que possible une répartition équilibrée en fonction des spécialités (médicales, juridiques, éthiques notamment) (art. 6 al. 2 Org LRH). Exceptionnellement, la procédure ordinaire s’applique si le projet de recherche «soulève des questions spécifiques d’ordre éthique, scientifique ou juridique» (art. 6 al. 1 let. c LRH in fine). Etonnamment, l’ordonnance ne précise pas ces notions pourtant ambiguës, dès lors que la dispense du consentement laisse par elle-même augurer «des questions spécifiques d’ordre éthique [… et] juridique». Une procédure ordinaire est également suivie si les trois membres ne sont pas unanimes sur la décision à rendre ou si l’un des trois membres demande l’application de la procédure ordinaire (art. 6 al. 4 Org LRH).11
L’annexe 2 ORH à son point 5 contient la liste des documents et informations que le chercheur doit remettre à la Commission d’éthique. En font notamment partie le «plan d’action et description des buts de recherche». L’art. 37 ORH précise ce que la Commission doit vérifier. Essentiellement, la Commission doit s’assurer que les conditions de l’art. 34 LRH sont remplies ; ainsi, elle doit se prononcer sur «l’intérêt prépondérant du but envisagé par le projet de recherche sur celui de la personne concernée» (art. 37 al. c ORH). Dans cette mesure, elle doit examiner la qualité du projet sous-jacent. Un projet scientifiquement peu convaincant ne pourra pas se voir attribuer une importance prépondérante. La Commission se penche aussi sur le cercle des personnes habilitées à transmettre ou à accéder au matériel (au sens large) (art. 37 al. d et e ORH). L’autorisation, si elle est accordée, doit mentionner les buts de réutilisation admis par la Commission (art. 39 let. a ORH) et les personnes habilitées à transmettre et à accéder au matériel (au sens large) (art. 39 let. c et d ORH).
Pour tous les projets de recherche rétrospective où le consentement (au sens large) de la personne a été obtenu, le président de la Commission d’éthique compétente décide seul (art. 7 al. 1 LRH). Il ou elle peut décider l’application d’une procédure simplifiée (à trois membres) ou ordinaire (art. 7 al. 2 LRH). Aucun critère n’est posé dans la réglementation pour guider son choix. Bien sûr, le règlement interne de la Commission peut fixer des règles en la matière.
Cette procédure très simplifiée est également applicable en cas de projets multicentriques portant sur des recherches rétrospectives lorsque la Commission directrice s’est déjà prononcée (art. 17 ORH, par renvoi de l’art. 35 let. c ORH ; application de l’art. 7 al. 1 al. 1 let. c Org LRH malgré le recours à l’expression «essais cliniques» à cet alinéa).12 Dans ce cas, les autres Commissions sont consultées, mais leurs présidents respectifs se prononcent en principe seuls.
Le domaine de vérification de la Commission (dans sa composition ultra-réduite) est décrit à l’art. 34 ORH. La Commission doit notamment vérifier que le matériel (au sens large) présenté comme codé l’a été correctement («l’exactitude et la sécurité du codage» ; art. 34 al. 1 let. c ORH). Elle n’a – apparemment – pas à vérifier la pertinence ou la qualité scientifique du projet, ni le respect des règles sur l’intégrité scientifique (comparer avec l’art. 15 ORH), même si la documentation qui lui est fournie (annexe 2, point 4 ORH) inclut une «description de la problématique scientifique». Le président doit essentiellement vérifier que les informations énumérées dans l’ORH ont été fournies et que le matériel est dûment protégé. La lettre f de l’art. 34 al. 1 ORH ouvre la porte à une vérification plus étendue si «cela est nécessaire pour évaluer la protection des personnes concernées», mais cette disposition est trop générale pour réellement inciter à un examen plus approfondi du contenu du projet. A l’inverse, lorsque le président de cette Commission ou le président d’une autre Commission ont déjà eu l’occasion de vérifier, lors d’un précédent projet de recherche, si les conditions légales sont remplies, la procédure peut être encore matériellement simplifiée (art. 34 al. 2 ORH) ; en effet, plusieurs projets de recherche distincts peuvent tout à fait utiliser le même matériel ; dans ce cas, la vérification du consentement et du codage a lieu lors du premier projet soumis à la Commission.
Les projets de recherche rétrospective ne nécessitent pas la conclusion d’une police d’assurance ou d’une autre forme de couverture des dommages (art. 20 LRH). De surcroît, les chercheurs n’assument pas de responsabilité à teneur de la LRH pour les dommages subis en relation avec le projet de recherche (art. 19 LRH). C’est le régime général de responsabilité du Code des obligations qui s’applique à eux (notamment l’art. 41 sur la responsabilité délictuelle, l’art. 97 sur la responsabilité contractuelle, les lois sur les responsabilités des collectivités publiques cantonales, éventuellement le Code civil sur la protection de la personnalité et la Loi fédérale sur la protection des données). Les risques sont jugés faibles, puisqu’ils ne peuvent résulter que de la divulgation (par inadvertance) d’informations permettant l’identification de la personne concernée. Le dommage ou le tort moral sera normalement limité – en tout cas comparé au décès ou aux graves lésions corporelles causées au sujet par un produit thérapeutique ou une intervention chirurgicale.
Les projets de recherche rétrospective n’ont jamais à être soumis à Swissmedic, ni à l’OFSP. A priori, ils ne devraient pas non plus être soumis à l’autorité cantonale, même si certains cantons devront encore adapter leur propre législation pour supprimer une exigence parfois introduite dans leurs droits.
Ces projets n’ont pas à être enregistrés dans des bases de données lorsqu’ils sont démarrés (art. 56 LRH et art. 64 OClin a contrario). A leur tour, les résultats de ces recherches n’ont pas à être reportés dans des bases de données. La transparence dans la recherche rétrospective est aujourd’hui et restera avec la nouvelle loi très limitée (cf. art. 55 al. 2 LRH et art. 10 al. 2 let. e Org LRH). En revanche, les règles de l’Académie suisse des sciences sur l’intégrité dans la recherche scientifique demeurent applicables aux chercheurs (art. 3 de l’Ordonnance sur les essais cliniques dans le cadre de la recherche sur l’être humain (OClin) et annexe 1 point 1, par renvoi de l’art. 2 ORH). L’obligation de publier les résultats de ces recherches est donc maintenue (point 3.3 des Principes de base). Comme déjà signalé, le respect de ces obligations n’est toutefois pas contrôlé par la Commission.
Par rapport à la pratique jusqu’à présent suivie par de nombreuses Commissions (notamment celles de Genève), la LRH offre de nets allègements. Le consentement général (pour des projets de recherche non déterminés à l’avance) est admis largement. Pour les données à bas risque (non génétiques et codées), un système de veto remplace le consentement explicite, avec les abus que cela peut impliquer (omission de l’étape d’information). Il peut être passé outre le consentement (au sens large) sur la simple autorisation d’une commission composée de trois membres. La pertinence scientifique du projet de recherche pourrait ne plus être examinée du tout du moment que la personne a consenti. Hormis la Commission d’éthique (au plus trois de ses membres), aucune autorité publique ne vérifie le projet de recherche.
En définitive, le jugement qu’il convient de porter sur ces changements dépend de l’importance que chacun accorde à la recherche médicale, respectivement à la sphère privée, ainsi que de la confiance que chacun accorde aux chercheurs pour élaborer de bons projets, respectivement aux membres des commissions d’éthique, surtout leurs présidents, pour contrôler le respect d’exigences légales (réduites).
La confiance du législateur ne résulte pas seulement d’une volonté politique délibérée. La Constitution elle-même limite la marge de manœuvre du législateur. En effet, l’art. 118b Cst n’accorde la compétence de légiférer à la Confédération que «dans la mesure où la protection de la dignité humaine et de la personnalité l’exige». La disposition impose expressément de tenir compte de la «liberté de la recherche [… et] de l’importance de la recherche pour la santé et la société». En d’autres termes, lorsqu’une recherche ne menace pas ou que faiblement la dignité et la personnalité humaine, la Confédération est censée ne pas ou peu légiférer. La recherche rétrospective n’impliquant que des atteintes estimées (comparativement) faibles, elle exclut toute intervention étatique incisive.