La rhinite allergique souffre d’un manque de thérapie efficace, notamment pour les formes les plus sévères, et les cas de polypose, malgré des traitements satisfaisants pour les manifestations bénignes à modérées. Une meilleure connaissance de ses mécanismes, même si encore incomplète, de ses phénotypes et endotypes, une meilleure appréciation de sa sévérité, à l’aide de scores spécifiques, et de ses facteurs de risque pavent le chemin de nouvelles thérapies impatiemment attendues.
La rhinite allergique est un peu la mal-aimée des affections allergologiques. Son traitement est souvent frustrant par son insuffisance. Une connaissance optimale des bases physiopathologiques devrait permettre d’élaborer de meilleures stratégies dans le futur. Dans l’attente d’anticorps monoclonaux, notamment anti-interleukine-5 (anti-IL-5), nous faisons ici le point des nouveautés du domaine.
Les manifestations cliniques de la rhinite allergique sont en principe faciles à reconnaître : rhinorrhée, prurit, éternuements et congestion nasale.1 Elles peuvent être aggravées d’une complication classique, la rhinosinusite bactérienne, cause fréquente de céphalées et, en cas de chronicité infectieuse ou non, d’un écoulement pharyngé postérieur. La polypose lui est rarement associée lorsque la rhinite est purement médiée par les IgE (immunoglobines E). En revanche, lors d’hyperéosinophilie sanguine, d’un asthme et d’une intolérance à l’acide acétylsalicylique (AAS) comme lors d’une triade de Widal, la polypose est particulièrement résistante au traitement et associée à une expression sévère à la fois de la rhinite et de l’asthme surtout. Les causes des rhinites allergiques sont multiples, allant des allergènes respiratoires polliniques pour les formes saisonnières/intermittentes aux acariens, squames d’animaux et moisissures pour les formes plus chroniques perannuelles/ persistantes. Les rhinites non allergiques sont le produit d’une inflammation des voies respiratoires supérieures, et en tant que telles aussi des facteurs de risque d’asthme, comme l’ont démontré plusieurs études au cours de ces dernières années.2 Elles recouvrent de nombreuses étiologies incluant des formes non allergiques primaires, caractérisées autrefois comme vasomotrices, des rhinites avec ou sans polypose, le plus souvent non allergiques, dans le contexte de la triade de Widal avec éosinophilie, asthme et intolérance à l’AAS, et enfin des rhinites non allergiques avec éosinophilie muqueuse (NARES) pour les plus fréquentes. D’autres, secondaires, sont le plus souvent le fruit d’intolérances médicamenteuses (abus de vasoconstricteurs, exposition à des irritants sinon à des agents infectieux ou hormonaux).
L’incidence de la rhinite est telle qu’elle atteint le niveau d’une épidémie mondiale puisqu’elle touche environ 500 millions de patients dans le monde, dont 25% de la population en Europe et 30% de la population aux Etats-Unis.1 Les travaux à la fois de l’EAACI (European Association of Allergy and Clinical Immmunology) et de l’AAAAI (American Academy of Allergy, Asthma and Immunology) ont conduit, au cours de ces dernières années, à mieux structurer l’évaluation de la rhinite à des fins à la fois cliniques et expérimentales (protocoles d’étude clinique) et permettent ainsi d’objectiver chacune des manifestations de la rhinite (et la conjonctivite souvent associée dans les formes allergiques) en un score défini (tableau 1). Les réflexions de ces groupes d’experts sont régulièrement revues sous forme des recommandations ARIA (Allergic Rhinitis and it Impacts on Asthma) publiées en collaboration avec l’OMS.1,3 Ces recommandations tendent à classifier à la fois le diagnostic de la rhinite et son traitement sur le mode de ce qui s’est fait au cours des vingt dernières années dans l’asthme (dans les recommandations GINA) (figure 1).4 Dans ce contexte, l’ancienne classification de la rhinite allergique en rhinite allergique saisonnière, opposée à la rhinite perannuelle, tend à être remplacée par la notion de rhinite intermittente opposée à la rhinite persistante, plus logique dans la perspective d’évaluation de la qualité de vie.1 En particulier, les recommandations ARIA soulignent le rapport étroit entre la rhinite allergique ou non allergique comme facteur de risque d’asthme.1,2,5
L’étude des mécanismes de l’inflammation des voies respiratoires montre que l’épithélium est un site pro-inflammatoire clé6 (voir figure 1, de l’article de G. Buss dans ce numéro, p. 20). Il est effectivement capable de réagir, via les toll-like receptors (TLR) et autres pathogen associated molecular patterns (PAMP) non seulement aux allergènes, mais aussi aux virus et aux bactéries et de sécréter un certain nombre de facteurs pro-inflammatoires, dont des cytokines telles que l’IL-25, l’IL-32 et l’IL-33 ou le TSLP (thymic stromal lymphopoietin).7,8 Ces premiers éléments de la cascade allergique auront un rôle-clé sur l’induction des polypes, et dans l’activation des cellules dendritiques et la présentation de l’allergène à la cellule T, tout d’abord naïve et qui, dans un second temps, maturera en cellule TH2 productrice notamment d’IL-4, d’IL-5 et d’IL-13 (sans être exhaustif).9 C’est ce milieu pro-allergisant particulier qui favorisera la production d’IgE spécifiques par les cellules B, et le maintien à long terme de mastocytes prêts à réagir à une nouvelle exposition à l’allergène. Il est possible que certains pathogènes comme les staphylocoques, via leurs entérotoxines, puissent induire de manière polyclonale certaines cellules T à stimuler les cellules B et contribuer ainsi à la production d’IgE par un biais environnemental.10 Les staphylocoques, via leurs entérotoxines, sont également capables de stimuler l’épithélium respiratoire et les macrophages, producteurs d’IL-8, un important facteur chémotactique pour les neutrophiles.11
Une analyse détaillée des présentations cliniques de la rhinite et de leur pathogénie a permis récemment d’approcher la rhinite chronique comme on le fait de l’asthme, c’est-à-dire en définissant un certain nombre de phénotypes et d’endotypes, résumés dans la figure 2.8 On peut espérer qu’une telle analyse, basée à la fois sur la pathogénie et la présentation clinique, permettra une approche thérapeutique de la rhinite plus efficace qu’elle ne l’est actuellement. Il est intéressant de noter que la présentation clinique de la rhinite et son étiologie ne sont pas stables, et qu’au cours de ces dernières années, elles ont notablement changé.12 On voit en particulier un glissement des formes bénignes vers des formes modérées à sévères, jusqu’à 67% de formes modérées à sévères, et 42,5% de formes persistantes.13 On observe également une augmentation de la fréquence des formes mixtes à la fois allergiques et non allergiques. Enfin, certains endotypes (rhinites allergiques sévères, rhinites non allergiques, rhinites professionnelles, syndrome de Widal en particulier) sont particulièrement résistants aux traitement usuels (environ 20% des rhinites, Severe Chronic Upper Airway Diseases, SCUAD), sans que les causes de cette résistance et leurs facteurs de risque ne soient clairement identifiés.14 Au plan thérapeutique, 45% et 51% des patients présentant une rhinite modérée à sévère se disent améliorés (bien contrôlés), mais mal contrôlés dans 18% et 12% des cas respectivement. 43% utilisaient deux médicaments ou plus, associant essentiellement les stéroïdes intranasaux et les antihistaminiques oraux.13 Globalement, la rhinite, et en particulier les formes sévères (SCUAD), apparaît donc encore insuffisamment contrôlée par les moyens thérapeutiques disponibles.
La question est effectivement importante car la rhinite allergique perturbe considérablement la qualité de vie, par son impact sur les performances professionnelles et scolaires, sur le sommeil, sur la productivité, sur la charge économique et également par le risque qui lui est lié d’induction d’asthme.2,15 La rhinite, qu’elle soit allergique ou non allergique, est un facteur de risque d’asthme, parfois simplement d’hyperactivité bronchique, et s’y associe dans 15 à 40% des cas.16 Le risque d’asthme (et la baisse de la qualité de vie) est d’autant plus important que l’allergie des voies respiratoires supérieures est de plus longue durée ou plus sévère.17 Enfin, l’asthme associé à la rhinite allergique conduit à une moindre qualité de vie que l’asthme seul.16 Il est plus sévère que l’asthme sans rhinite allergique, et grève de manière significative les coûts de la santé par l’augmentation de la fréquence des exacerbations asthmatiques et des hospitalisations en urgence.18
Telle que proposé par les recommandations ARIA,1 le traitement de la rhinite allergique dépend de la nature de la rhinite et de sa sévérité. Les diverses étapes du traitement incluent, si possible l’éviction de l’allergène, le plus souvent une approche pharmacothérapeutique, l’immunothérapie spécifique et l’éducation du patient. Les diverses propositions thérapeutiques sont résumées dans la figure 1 et le tableau 2. En principe, l’éviction des allergènes et des irritants est appropriée à travers toutes les classes de rhinite. L’approche thérapeutique favorisera les antihistaminiques pour les formes modérées à sévères, et par palier, selon la gravité de la rhinite, en passant des formes modérées à sévères aux formes sévères, on aura progressivement recours aux stéroïdes topiques (figure 1). Les inhibiteurs des leucotriènes oraux ont une indication dans les rhinites hyperéosinophiliques telles que le syndrome de Widal. Les inhibiteurs des leucotriènes ont cela d’intéressant qu’ils ont été démontrés efficaces dans l’asthme et que cette efficacité s’étend également à la rhinite associée, du fait de leur action systémique.19 Dans les formes plus chroniques non allergiques, les inhibiteurs du récepteur muscarinique de l’acétylcholine, comme l’ipratropium, ont également leur place pour limiter la rhinorrhée (Rhinovent).20 Ce n’est que dans des situations très sévères que les corticostéroïdes oraux peuvent être prescrits, en particulier dans certains cas de polypose. Une nouvelle préparation est sur le marché depuis le début de l’année, le MP29-02 (Dymista, MEDA Pharma). Il associe la fluticasone à l’azélastine et, de manière remarquable, les diverses études publiées montrent que le MP29-02 parvient à améliorer significativement le score total de rhinite et de conjonctivite de manière quasi synergique, et apparaît supérieur à la fluticasone seule et à l’azélastine seule.21,22 Cette forme combinée a été étudiée dans les allergies saisonnières pour l’instant et améliore de manière significative autant la congestion nasale, le prurit que la rhinorrhée et les éternuements. Il est intéressant de noter que cette association améliore également les symptômes de conjonctivite allergique, soit par l’effet des antihistaminiques via le canal lacrymal ou par une voie systémique.
La rhinite allergique et non allergique est encore insuffisamment contrôlée par les traitements usuels, malgré les associations existant sur le marché. Du fait du risque associé, les patients présentant une rhinite allergique (surtout les formes persistantes) doivent être évalués pour un asthme. A l’inverse, chez les patients asthmatiques, il faut rechercher la présence possible d’une rhinite saisonnière ou perannuelle. Une stratégie combinée visant à la fois un traitement topique nasal et un traitement topique pulmonaire devrait, dans de tels cas, être idéalement suivie pour aboutir à une maîtrise thérapeutique des voies respiratoires supérieures ou inférieures aussi efficace et sûre que possible.
Allergic rhinitis is still in need of efficient therapies, in particular for its most severe manifestations, including polyposis, and despite rather satisfying treatments for the benign to moderate presentations. A better understanding of its mechanisms, although still incomplete, of its phenotypes and endotypes, a better evaluation of its severity with adequate scoring systems, and of its risk factors pave the way to innovative but eagerly awaited therapies.