Des études cliniques et avancées thérapeutiques importantes en cardiologie ont été présentées durant l’année 2014. Plusieurs nouveautés ont été publiées dans le domaine de l’infarctus aigu du myocarde et de la durée de la double antiagrégation plaquettaire après la mise en place d’un stent. Une nouvelle classe d’agents thérapeutiques offre un espoir prometteur dans le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée. Les défibrillateurs sous-cutanés ou IRM compatibles constituent une avancée technologique majeure. Enfin, la Société européenne de cardiologie a publié plusieurs nouvelles recommandations pour la prise en charge des patients avec une maladie cardiovasculaire. Cette revue sélective de la littérature résume les études importantes publiées dans les domaines de la cardiologie interventionnelle, la rythmologie, l’insuffisance cardiaque et l’imagerie cardiaque.
La publication de l’étude ATLANTIC1 constitue un des événements marquants de l’année 2014. ATLANTIC a évalué le bénéfice du prétraitement avec un agent antiplaquettaire inhibiteur du récepteur P2Y12, le ticagrélor, dans la prise en charge de l’infarctus aigu du myocarde (IM) avec élévation du segment ST (STEMI), en comparant de manière randomisée, chez 1862 patients, une administration préhospitalière (ambulance) vs hospitalière (salle de cathétérisme) d’une dose de charge de ticagrélor avant l’angioplastie primaire (AP). Les résultats de l’étude ne démontrent pas de différence significative entre le traitement préhospitalier et hospitalier de ticagrélor sur les paramètres de reperfusion de l’artère coronaire cible (proportion de patients sans normalisation du segment ST ≥70% et sans flux TIMI 3) avant l’AP et les événements cardiovasculaires majeurs (MACE) (décès, IM, AVC, revascularisation coronarienne urgente, thrombose de stent (TS)). Ces résultats doivent cependant être interprétés dans le contexte de patients avec un STEMI essentiellement à bas risque et bénéficiant d’une prise en charge rapide et efficace, avec des délais de reperfusion courts (temps médian d’ischémie myocardique : 159 minutes) et un délai médian de seulement 31 minutes entre l’administration préhospitalière et hospitalière du ticagrélor. Si on peut bien évidemment se réjouir d’une telle prise en charge des patients avec un STEMI en 2014, ces facteurs méthodologiques ne permettent vraisemblablement pas à l’étude ATLANTIC de démontrer d’amélioration ni de différence significatives des différents critères d’évaluation entre les deux stratégies de traitement. L’étude ATLANTIC, bien que globalement neutre, permet toutefois de tirer des conclusions importantes qui confirment les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) dans la prise en charge du STEMI, qui préconisent l’administration précoce d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 au moment du premier contact médical.2 L’étude montre la sécurité d’un traitement préhospitalier par le ticagrélor, avec des taux d’événements hémorragiques faibles et similaires dans les deux groupes de l’étude. ATLANTIC montre également que l’administration préhospitalière de ticagrélor est associée à une diminution significative des taux de TS à 24 heures et 30 jours en comparaison d’un traitement hospitalier, sous réserve du faible nombre d’événements. Cette réduction de la TS, source d’une morbidité et d’une mortalité importantes, est consistante avec l’analyse pharmacodynamique d’un sous-groupe de patients démontrant une action antiagrégante maximale du ticagrélor administré en préhospitalier survenant une heure après l’AP, moment qui correspond à un bénéfice à la limite du significatif sur le critère d’absence de résolution du segment ST ≥70%. Finalement, l’étude ATLANTIC suggère l’existence d’une forte interaction entre le ticagrélor et la morphine, comme en témoigne l’amélioration significative du critère d’absence de résolution du segment ST ≥70% observé seulement en cas d’administration préhospitalière de ticagrélor chez les patients ne recevant pas de morphine. Ces données, qui vont dans le sens des résultats de plusieurs études pharmacodynamiques publiées récemment, suggèrent un retard de l’absorption et de la biodisponibilité des agents antiplaquettaires administrés par voie orale dans le STEMI, potentiellement responsables d’un délai d’entrée en action du ticagrélor et renforcés par la coadministration de morphine. Cette hypothèse devra toutefois être confirmée par des études dédiées.
L’année 2014 aura aussi été marquée par la polémique suscitée par la publication des résultats contradictoires de plusieurs études randomisées comparant le bénéfice d’une anticoagulation (AC) par la bivalirudine, un inhibiteur direct de la thrombine, par rapport à l’héparine non fractionnée (HNF) durant l’AP. L’étude randomisée monocentrique HEAT-PPCI,3 qui a lancé le débat, a randomisé 1829 patients avec un STEMI entre une AC par bivalirudine vs HNF, avec une utilisation sélective d’inhibiteurs du récepteur GP IIb/IIIa, durant l’AP. Les résultats de l’étude montrent une supériorité de l’HNF avec une réduction significative de l’incidence du critère d’évaluation primaire (décès, IM, AVC, revascularisation urgente), sans augmentation significative du risque d’hémorragies majeures. Ce bénéfice est essentiellement porté par une réduction significative des taux d’IM et de TS. Les résultats de HEAT-PPCI sont en totale contradiction avec plusieurs grandes études randomisées récentes. Dans l’étude HORIZONS-AMI,4 une AC par bivalirudine durant l’AP était associée à une diminution significative des événements cliniques indésirables nets (NACE) (MACE et hémorragie majeure) à 30 jours par rapport à une AC par HNF associée à un inhibiteur du récepteur GP IIb/IIIa, en raison principalement d’une réduction significative des événements hémorragiques. Dans l’étude EUROMAX,5 l’initiation préhospitalière de bivalirudine avant l’AP était associée à une réduction significative de l’incidence des critères d’évaluations primaire (décès, hémorragie majeure) et secondaire (décès, IM, hémorragie majeure), ainsi que des hémorragies majeures à 30 jours, par rapport à une AC par héparine avec une utilisation sélective d’inhibiteurs du récepteur GP IIb/IIIa. Les deux études ont montré de manière similaire une augmentation significative et alarmante du taux de TS aiguë (<24 heures) dans le bras bivalirudine. L’étude multicentrique chinoise BRIGHT,6 présentée également cette année, a randomisé 2194 patients entre une AC par bivalirudine vs HNF en monothérapie ou associée à un inhibiteur du récepteur GP IIb/IIIa. Dans les groupes bivalirudine et HNF en monothérapie, les inhibiteurs du récepteur GP IIb/IIIa étaient aussi autorisés de manière sélective. Les résultats de l’étude montrent une supériorité de la bivalirudine, avec une réduction significative des NACE (décès, IM, revascularisation, AVC, hémorragies) à 30 jours, portée essentiellement par une réduction du taux d’hémorragies, comme en témoigne l’absence de bénéfice en termes de MACE entre les trois bras de l’étude. De manière intéressante, à la différence des autres études avec la bivalirudine, BRIGHT ne montre pas de différence des taux de TS entre les différentes stratégies. L’interprétation des résultats divergents de ces études est complexe, et une hétérogénéité de la méthodologie (étude mono vs multicentrique, dose initiale d’HNF, niveau d’anticoagulation mesuré, durée de la perfusion de bivalirudine, utilisation de routine ou sélective d’un inhibiteur du récepteur GP IIb/IIIa, taux d’approches vasculaires radiales) a été proposée pour expliquer les conclusions parfois contradictoires de ces essais cliniques, en particulier en ce qui concerne les taux d’hémorragie majeure. Finalement, une méta-analyse de seize études randomisées,7 incluant 33 958 patients, qui a comparé une AC par bivalirudine vs HNF lors d’une angioplastie coronarienne élective ou urgente, a montré que la bivalirudine augmente le risque d’IM et de ST mais diminue le risque d’hémorragies, avec une réduction qui dépend de l’administration concomitante d’inhibiteurs du récepteur GP IIb/IIIa, suggérant plus que jamais la nécessité d’une évaluation individualisée de la balance entre les risques ischémique et hémorragique à l’heure du choix du régime antithrombotique, en particulier d’AC, lors de l’AP.
L’indication et le timing optimal de la revascularisation des sténoses des artères coronaires non coupables découvertes lors de l’AP restent controversés. L’étude randomisée CvLPRIT,8 incluant 297 patients avec STEMI, a comparé une revascularisation de l’artère coronaire cible seule vs une revascularisation complète, incluant l’artère cible et ≥1 autre artère épicardique avec une sténose angiographiquement significative. La revascularisation complète était effectuée préférentiellement au moment de l’AP ou, dans tous les cas, au cours de la même hospitalisation. CvLPRIT montre qu’une revascularisation coronarienne complète au moment de l’AP est associée à une réduction de 55% du risque de MACE (décès, récidive d’IM, insuffisance cardiaque (IC), revascularisation coronarienne) à une année, par rapport à une revascularisation de l’artère cible seule. Ce bénéfice, bien que non significatif, concerne aussi tous les composants individuels du critère d’évaluation primaire avec des courbes de Kaplan-Meier se séparant très rapidement après l’AP, témoignant du bénéfice très précoce d’une revascularisation au cours du même séjour hospitalier et en défaveur d’une revascularisation dans les semaines suivant le STEMI, comme le suggèrent actuellement les dernières recommandations de l’ESC.2 Les résultats de l’étude CvLPRIT confirment ceux de l’étude PRAMI,9 publiée en 2013, qui avait montré une réduction de 65% du risque de décès d’origine cardiovasculaire (CV) et de récidive d’IM en cas d’angioplastie préventive de toutes les sténoses coronariennes >50% au moment de l’AP, par rapport à une AP de l’artère cible seule. Les résultats de ces études, en contradiction avec le résultat de plusieurs méta-analyses précédentes et les recommandations de l’ESC,2 qui préconisent de limiter l’AP à l’artère coronaire cible (à l’exception des patients avec choc cardiogène ou ischémie myocardique persistante après revascularisation de l’artère coronaire cible présumée), doivent être considérés avec prudence au vu du petit collectif de patients inclus, et devront être confirmés par les résultats de l’étude COMPLETE, qui prévoit d’inclure >4000 patients.
L’aspiration manuelle de routine du thrombus intracoronaire avant l’AP n’a pas démontré de bénéfice clinique en termes de réduction de la mortalité globale à court terme pour les patients avec STEMI10,11 et reste très discutée. L’étude TASTE11 avait randomisé 7244 patients avec un STEMI de manière à bénéficier d’une AP avec vs sans aspiration manuelle du thrombus intracoronaire. Les résultats de l’étude avaient montré que la thrombo-aspiration de routine n’était pas associée à une réduction significative de la mortalité globale, de la réhospitalisation pour IM et de la TS à 30 jours, par rapport à l’AP seule. Le suivi à long terme de l’étude, publié cette année,12 confirme que la thrombo-aspiration de routine ne permet pas de réduire la mortalité globale et le critère d’évaluation composite primaire (décès, réhospitalisation pour IM, TS) à une année. Les résultats de TASTE, la plus grande étude randomisée dans le domaine, contredisent ceux du suivi au long terme de l’étude randomisée monocentrique TAPAS,13 incluant 1071 patients, qui avait montré une réduction significative de la mortalité globale à une année pour les patients bénéficiant d’une thrombo-aspiration de routine. A la lueur de ces résultats et dans l’attente de ceux de l’étude TOTAL, qui prévoit d’inclure >10 000 patients, les dernières recommandations de l’ESC2 suggèrent une utilisation sélective, et non de routine, de la thrombo-aspiration manuelle afin d’améliorer le flux coronarien épicardique et prévenir la TS chez des patients sélectionnés.
La durée optimale de la double antiagrégation plaquettaire (DAP) après la mise en place d’un stent actif (DES) demeure controversée. Les recommandations cardiologiques ont préconisé durant de nombreuses années une DAP, associant aspirine et un inhibiteur du récepteur plaquettaire P2Y12 (clopidogrel, prasugrel ou ticagrélor), pour une durée minimale de douze mois après une angioplastie avec DES. Plusieurs études randomisées, parues au cours des dernières années, ont remis en question le dogme de la durée de DAP de douze mois. La tendance actuelle s’oriente vers une diminution de la durée de la DAP, principalement avec les DES de dernière génération qui ont démontré un meilleur profil en termes d’efficacité et de sécurité par rapport aux DES de première génération, en particulier en ce qui concerne le risque de TS tardive.
Plusieurs études importantes ont été présentées en 2014, avec des résultats parfois très contradictoires qui sèment la confusion sur la question de la durée optimale de DAP. L’étude la plus attendue, DAPT,14 a comparé l’efficacité et la sécurité d’une DAP prolongée de 30 mois par rapport à une durée standard de douze mois dans un collectif de patients à faibles risques thrombotique et hémorragique. Après une période de douze mois de DAP par aspirine et une thiénopyridine (clopidogrel ou prasugrel) après la mise en place d’un DES, les 9961 patients (sur 22 866 inclus) qui n’ont pas présenté de MACE, de TS ou d’événement hémorragique et compliants avec le traitement par thiénopyridine, ont été randomisés de manière à poursuivre la DAP durant dix-huit mois supplémentaires vs une monothérapie par aspirine seule, associée à un placebo. En contradiction avec la plupart des études antérieures dans le domaine, l’étude DAPT montre de manière surprenante que la prolongation de la durée de DAP à 30 mois est associée à une réduction significative des MACE (décès, IM, AVC), de la TS et de l’IM, par rapport à une durée de douze mois, au détriment d’une augmentation significative des événements hémorragiques modérés ou sévères. De manière intéressante, le suivi à trois mois des patients après l’arrêt du traitement randomisé suggère l’existence d’un effet rebond après l’arrêt de la DAP, caractérisé par une augmentation du risque d’IM et de TS qui est plus élevé lorsque la DAP est interrompue à douze mois plutôt qu’à 30 mois. Les données de l’étude DAPT suggérant le bénéfice d’une DAP au long cours doivent toutefois être contrebalancées à une augmentation du risque de mortalité globale en cas de prolongation de la DAP, encore incomplètement expliquée (mort par cancer, traumatisme, hémorragie ?), malgré un risque de mortalité CV similaire.
Deux autres études randomisées suggèrent au contraire un bénéfice au raccourcissement de la DAP. L’étude ISAR-SAFE,15 incluant 4005 patients, a comparé une durée de DAP (aspirine et clopidogrel) de six mois versus douze mois après l’implantation d’un DES, très majoritairement de la dernière génération. Les résultats de l’étude montrent qu’une réduction de la durée de DAP à six mois est non inférieure à une durée de douze mois, avec des taux de MACE (décès, IM, AVC, TS) similaires à quinze mois, et une tendance en faveur d’une diminution des événements hémorragiques (mineurs ou majeurs) en cas de DAP plus courte. L’étude ITALIC,16 incluant 1850 patients non résistants à l’aspirine, a comparé une DAP par aspirine et clopidogrel courte (six mois) par rapport à une DAP prolongée (24 mois) après l’implantation d’un DES de dernière génération chez des patients principalement à bas risque. Les résultats de l’étude montrent qu’une réduction de la durée de DAP à six mois est non inférieure à la durée 24 mois, avec des taux de MACE (décès, IM, AVC, revascularisation coronarienne) et de saignements similaires. Si ces deux études semblent en faveur d’un raccourcissement de la DAP à six mois, elles doivent être cependant interprétées avec prudence en raison de leur arrêt prématuré (lenteur du recrutement) et d’un taux de MACE observé nettement plus faible qu’attendu dans l’étude ISAR-SAFE.
Les résultats des études publiées en 2014 ont ainsi relancé le débat sur la durée optimale de la DAP après un DES. Le consensus actuel insiste sur l’importance d’une évaluation individualisée de la durée de DAP, tenant compte du risque ischémique/thrombotique (caractéristiques du patient, présentation clinique, type de stent) et du risque hémorragique, afin d’identifier les patients qui pourraient bénéficier d’un raccourcissement (faible risque thrombotique et/ou risque hémorragique élevé) ou d’une prolongation (risque thrombotique élevé et/ou faible risque hémorragique) de la DAP. Dans l’attente des résultats de prochaines études, il est préférable de suivre les dernières recommandations de l’ESC2 (tableau 1). Au-delà de la période recommandée de DAP, une monothérapie antiplaquettaire par aspirine seule reste recommandée à vie en prévention secondaire, dans l’attente des résultats de l’étude PEGASUS-TIMI 54,17 qui évalue l’efficacité et la sécurité d’une DAP associant aspirine et ticagrélor, par rapport à l’aspirine seule, pour la prévention secondaire des événements CV majeurs chez >20 000 patients avec un antécédent d’IM ou des facteurs de risque.
La triple thérapie antithrombotique (TTA) est une problématique de plus en plus fréquente dans la pratique clinique et concerne les patients avec une double indication à : 1) une anticoagulation orale (ACO), en particulier pour une fibrillation auriculaire (FA) et 2) une DAP, après la mise en place d’un stent ou un syndrome coronarien aigu (SCA). La durée optimale de la TTA après la mise en place d’un DES reste controversée. L’étude randomisée ISAR-TRIPLE,18 la plus importante dans le domaine présentée cette année, qui a inclus 614 patients avec une indication à une ACO, a comparé le bénéfice clinique d’une TTA associant un antagoniste de la vitamine K (AVK), l’aspirine et le clopidogrel pendant six semaines, par rapport à une durée de six mois, après l’implantation d’un DES. Les résultats d’ISAR-TRIPLE montrent que la durée de TTA de six semaines n’est pas supérieure à la durée prolongée de six mois, avec des taux de MACE (décès, IM, TS, AVC, saignement majeur) à neuf mois similaires, suggérant que le raccourcissement de la durée de TTA à six semaines, bien que n’augmentant pas l’incidence des événements ischémiques, ne permettrait pas de réduire l’incidence des événements hémorragiques majeurs.
Les dernières recommandations de consensus de l’ESC19 sur la prise en charge des patients avec une double indication à une ACO pour une FA non valvulaire et une DAP préconisent une évaluation individualisée du choix et de la durée du traitement antithrombotique (figure 1), tenant compte :
Les recommandations insistent sur la nécessité de réserver la TTA à des indications strictement nécessaires et de limiter sa durée à la période la plus courte possible afin de réduire le risque hémorragique potentiellement fatal, qui dépend à la fois de la durée et de l’intensité de l’ACO. Le choix de l’ACO comprend un AVK (INR cible : 2-2,5, temps d’ACO dans la fenêtre thérapeutique > 70%) ou un agent anticoagulant oral non AVK (NACO), à la dose la plus faible évaluée pour la prévention de l’AVC (figure 1). En ce qui concerne le traitement antiplaquettaire, les recommandations proposent d’associer l’aspirine et le clopidogrel, en monothérapie ou DAP. Les nouveaux agents antiplaquettaires, prasugrel et ticagrélor, ne doivent pas être utilisés, étant donné leur manque de bénéfice clinique et l’augmentation du risque hémorragique démontrés dans cette indication, en comparaison du clopidogrel. Les recommandations de l’ESC sont également valables pour la prise en charge des patients avec une autre indication à une ACO (valve mécanique prothétique, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, entre autres). Cependant, il est important de rappeler que les NACO sont formellement contre-indiqués pour les patients avec une valve prothétique mécanique ou une FA valvulaire, à la suite des résultats de l’étude RE-ALIGN,20 interrompue de manière prématurée, dans laquelle l’administration de dabigatran était associée à une augmentation du risque thromboembolique et d’hémorragie majeure, en comparaison d’un AVK.
La thérapie médicale reste le traitement de choix pour les patients avec une MCS.2 Les indications à une revascularisation coronarienne dans la MCS sont limitées aux patients avec des symptômes d’ischémie myocardique persistant malgré un traitement médical optimal et/ou en vue d’une amélioration du pronostic (tableau 4). En ce qui concerne les modalités de revascularisation, les nouvelles recommandations de l’ESC sur la revascularisation myocardique2 élargissent les indications à l’angioplastie coronarienne puisque les seules contre-indications formelles à la revascularisation percutanée restent actuellement la maladie coronarienne tritronculaire avec un score SYNTAX intermédiaire ou élevé (≥23) et l’atteinte du tronc commun avec un score SYNTAX élevé (>32),21 pour lesquelles une revascularisation chirurgicale est encore recommandée en première intention (tableau 5).
Le bénéfice de la revascularisation coronarienne percutanée pour les patients avec une MCS, en comparaison du traitement médical optimal seul, a été évalué dans de nombreuses études randomisées, avec des résultats parfois contradictoires. Une analyse critique de ces études montre que le bénéfice pronostique potentiel de la revascularisation coronarienne est directement corrélé à la présence et à l’étendue d’une ischémie myocardique. La mesure invasive de l’ischémie myocardique par FFR (Fractional Flow Reserve), établie sur la base de données robustes d’études avec des critères d’évaluation cliniques, constitue actuellement un outil indispensable en cardiologie interventionnelle pour l’évaluation fonctionnelle de la sévérité des sténoses coronariennes. L’utilisation de la FFR est actuellement recommandée pour l’identification des sténoses coronariennes hémodynamiquement significatives chez les patients avec une MCS, lorsqu’une documentation de l’ischémie myocardique par d’autres modalités n’est pas disponible,2 afin de sélectionner les patients avec une ischémie myocardique significative susceptibles de bénéficier le plus d’une revascularisation coronarienne. L’étude FAME-222 a comparé le bénéfice potentiel du traitement médical associé à une angioplastie coronarienne des lésions responsables d’une ischémie myocardique vs le traitement médical seul, chez 1220 patients avec une MCS et ≥1 sténose fonctionnellement significative (FFR ≤0,8). L’étude a dû être interrompue prématurément en raison d’une réduction nettement significative de 68% du risque de décès, IM ou revascularisation urgente à une année, dans le groupe de la revascularisation coronarienne guidée par FFR, portée principalement par une réduction de 87% du risque de revascularisation urgente. Le suivi à deux ans de l’étude23 publiée cette année confirme ces résultats, avec une diminution de 61% du risque de décès, IM ou revascularisation urgente et de 77% du risque de revascularisation urgente, en faveur de la stratégie thérapeutique invasive. De manière intéressante, les patients sans ischémie myocardique démontrée possèdent un pronostic favorable avec un traitement médical seul. Les résultats de FAME-2 suggèrent que l’angioplastie coronarienne est supérieure au traitement médical dans la prise en charge de la MCS, pour autant que la FFR soit utilisée pour documenter l’ischémie myocardique et guider la stratégie thérapeutique.
Comme à l’accoutumée, 2014 a vu paraître nombre de publications remarquables dans le domaine de l’IC, au premier rang desquelles on peut citer l’étude Paradigm-HF. En effet, ce travail ouvre la voie aux antagonistes du récepteur à l’angiotensine (AT) II associés aux inhibiteurs de la néprilysine (ARNi), que l’on peut considérer comme une nouvelle classe d’agents thérapeutiques pour l’IC à fraction d’éjection (FE) diminuée.24 La néprilysine, parfois aussi appelée endopeptidase neutre, est une métallopeptidase présente à la surface des cellules endothéliales de presque tous les organes au même titre que l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) et que l’enzyme de conversion de l’endothéline (ECE).25 Son activité biologique principale est d’hydrolyser les peptides natriurétiques comme le BNP (Brain natriuretic peptide), mais elle possède aussi de multiples autres substrats comme l’AT I et II, l’endothéline I et la bradykinine.26 Lors d’IC, l’effet visé par l’inhibition de la néprilysine est d’augmenter le taux de BNP et ainsi de potentialiser les activités salidiurétique, vasodilatatrice systémique et antiapoptotique/antifibrotique au niveau du myocarde qu’exerce ce médiateur.27 L’inhibition isolée de la néprilysine par des molécules comme le candoxatril ne produit toutefois qu’un effet hémodynamique relativement neutre lors d’IC, très probablement en raison de l’augmentation des concentrations d’agents vasoconstricteurs, comme l’AT II et l’endothéline-1, qui contrecarrent l’effet de l’augmentation de BNP.28 L’inhibition de la néprilysine n’a donc de sens que si une inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone (RAAS, inhibition double) s’y associe, à laquelle pourrait même se surajouter une inhibition du système de l’endothéline (inhibition triple).29 Dès la fin des années 1990, l’omapatrilat, une molécule capable d’inhiber à la fois l’ECA et la néprilysine, avait été testée jusqu’en phase III, avec d’excellents résultats hémodynamiques chez les patients avec hypertension artérielle et IC.30,31 Malheureusement, l’omapatrilat produisait aussi clairement plus d’angiœdèmes que l’énalapril, et plusieurs patients du bras actif ont dû être hospitalisés avec une obstruction sévère des voies respiratoires, heureusement sans décès.30 Cette augmentation de l’incidence des angiœdèmes est à mettre sur le compte d’une augmentation du taux de bradykinine consécutive à l’inhibition des deux enzymes principales de dégradation de cette molécule par l’omapatrilat.32 En dépit de l’amélioration hémodynamique qu’elle confère aux patients traités, l’omapatrilat n’aura finalement jamais été commercialisée.
Il en va tout autrement avec les ARNi, qui bloquent le RAAS directement au niveau du récepteur à l’AT II, sans inhiber l’ECA, et donc avec une moindre perturbation du métabolisme de la bradykinine. L’ARNi analysé dans l’étude Paradigm-HF est le LCZ696, qui combine une moitié de valsartan et une moitié d’AHU377, un promédicament rapidement transformé en LBQ657, avec une activité inhibitrice de la néprilysine.29 Testé sur 8442 patients avec une IC avec FE réduite (FEVG (fraction d’éjection ventriculaire gauche) <40%) contre une dose jugée équivalente d’énalapril sur un suivi médian de 27 mois, le LCZ696 a induit une diminution de 20% du critère primaire de jugement combiné associant la mortalité d’origine cardiovasculaire et les hospitalisations pour IC aiguë.24 Sur la mortalité globale et les hospitalisations considérées séparément, des diminutions très significatives de 16%, respectivement 21%, ont également été observées. Du point de vue sécuritaire, une incidence d’angiœdèmes légèrement plus élevée et statistiquement non significative a été observée dans le groupe LCZ696, sans aucune compromission respiratoire. On peut donc conclure que le LCZ696 offre un intérêt significatif par rapport à la prise en charge «traditionnelle» de l’IC à FE abaissée. Toutefois, certaines questions restent encore en suspens, comme la signification clinique de l’augmentation des taux de vasoconstricteurs puissants, comme l’AT II et surtout l’endothéline-1, chez les patients traités. De plus, il faut encore relever l’absence d’effet statistiquement significatif du LCZ696 chez les patients >75 ans ainsi que dans les classes NYHA III-IV, qui représentent typiquement des sujets avec les taux de BNP les plus élevés et donc avec un bénéfice potentiellement plus faible d’un accroissement supplémentaire de cette molécule.
En 2014, quelques progrès ont enfin été réalisés dans le traitement de l’IC à FE préservée (FEVG >45%), même si l’étude TOPCAT n’a pas permis de démontrer formellement la supériorité d’un traitement par antagoniste du récepteur aux minéralocorticoïdes en comparaison du placebo.33 Ce résultat a priori décevant mérite toutefois d’être nuancé. D’un point de vue théorique, l’activation du récepteur aux minéralocorticoïdes dans le cœur produit des effets délétères directement en rapport avec la perte de compliance du myocarde et avec la dysfonction diastolique, en particulier la fibrose et l’hypertrophie.34 De plus, l’antagonisation de ce récepteur par la spironolactone ou l’éplérénone produit une action extrêmement favorable et significative dans l’IC à FE abaissée, en diminuant de 30% la mortalité à trois ans chez les patients en stades NYHA III-IV et en diminuant de 37% la mortalité combinée aux hospitalisations pour décompensation aiguë à trois ans chez les patients en stade II.35,36 Dans l’IC à FE préservée, l’association combinée de mortalité, hospitalisation et mort subite avortée ne diminue que de 11% (statistiquement non significatif) sous spironolactone après six ans de suivi et seule une réduction significative mais marginale des hospitalisations a été notée (-17% à six ans).33 Des disparités très importantes ont toutefois été observées dans les sous-groupes préspécifiés. Ainsi, les patients inclus dans l’étude sur la base d’une hospitalisation pour IC dans les douze mois qui précédaient la randomisation n’ont perçu aucun bénéfice du traitement par spironolactone alors que les patients inclus sur la base d’une élévation du BNP >100 pg/ml ou du NT-proBNP (N-terminal pro-brain natriuretic peptide) >360 pg/ml ont vu diminuer leur critère d’évaluation combinée (mortalité, hospitalisation et mort subite avortée) de 35%. Il faut noter que la majorité des patients recrutés sur la base d’une hospitalisation montraient un profil de risque plus faible, avec un plus jeune âge, moins de comorbidités, et finalement très peu d’événements dans le suivi (environ 9% à six ans comparés à environ 30% dans le groupe inclus sur la base du BNP). Ces patients ont été recrutés principalement dans des centres d’étude localisés en dehors d’Europe occidentale et d’Amérique (situés en particulier en Russie et en Géorgie) et la fiabilité du diagnostic d’IC à FE préservée chez ces sujets a été mise en question.37 En conclusion, les résultats de l’étude TOPCAT ne permettent pas de recommander fermement l’usage de spironolactone dans l’IC à FE préservée, mais dans l’attente de nouvelles données, il semble approprié de tenter un tel traitement au moins chez les patients à faible risque d’insuffisance rénale et d’hyperkaliémie, qui présentent un taux élevé de BNP ou de NT-proBNP.
La réalisation d’une IRM cardiaque, chez les patients porteurs de stimulateurs ou de défibrillateurs automatiques implantables, a longtemps été considérée comme contre-indiquée en raison du risque d’interférence. Pour la sécurité des patients et afin de répondre à l’augmentation des besoins en examen par IRM, des stimulateurs IRM compatibles ont été développés, dont la première commercialisation a eu lieu en 2008. Plus récemment, des défibrillateurs IRM compatibles (ou IRM conditionnels) ont également été développés, dont la première implantation réalisée au CHUV a eu lieu cette année. Ce développement a initialement impliqué certaines modifications du boîtier (hardware) et de son mode de fonctionnement (software), mais également de la sonde. Pour l’heure, seules deux compagnies ont commercialisé, ou labellisé, des défibrillateurs IRM conditionnels. Il est toutefois annoncé que la plupart des fabricants auront à disposition ce type d’appareils dès l’année 2015. Outre la compatibilité du boîtier et des sondes, un protocole strict doit être suivi avant, pendant et après la réalisation de l’IRM. Il implique notamment une implantation datant de plus de six semaines, l’absence de sonde abandonnée et des critères de fonctionnement optimal du défibrillateur. La programmation est modifiée durant l’examen et les conditions techniques de réalisation de l’IRM dépendent du défibrillateur. Elles comprennent en général l’utilisation d’IRM 1.5 Tesla et peuvent parfois impliquer une zone d’exclusion thoracique. La réalisation d’IRM en présence de stimulateurs ou de défibrillateurs biventriculaires (thérapie de resynchronisation) reste, elle, en règle générale contre-indiquée.
Les défibrillateurs ont permis d’offrir une prévention de la mort subite à plus d’un million de patients ces 25 dernières années. L’utilisation de sondes intracardiaques implique toutefois certains risques comprenant la tamponnade, le pneumothorax, l’occlusion veineuse, la dislocation et les infections de sondes. La sonde représente également le «tendon d’Achille» du dispositif et des dysfonctions ont été rapportées chez >20% des patients à dix ans. Les patients actifs, jeunes, ou avec une longue espérance de vie, sont plus exposés à ce risque en raison des stress mécaniques exercés sur la sonde. Ces derniers devront également subir plusieurs changements de boîtier avec, à chaque fois, un risque d’infection allant jusqu’à 2-3%. L’extraction de sonde, rendue nécessaire par une infection (ou parfois en cas de dysfonction), implique également un risque de morbidité et de mortalité. Afin d’éviter les complications liées aux sondes endoveineuses et les risques liés à leur extraction, un dispositif entièrement sous-cutané a été développé ces dernières années (Model SQ-RX 1010, Cameron Health/Boston Scientific). Son utilisation a été approuvée en 2009 par l’Union européenne et en 2012 aux Etats-Unis. Le dispositif se compose d’un boîtier, plus volumineux que les boîtiers standards (69 ml pour 145 grammes), et d’une sonde de défibrillation sous-cutanée composée de deux électrodes d’écoute disposées de part et d’autre de la spire (coil) de défibrillation (figure 2). Le boîtier sous-cutané est disposé au cinquième espace intercostal entre les lignes axillaires médiane et antérieure. La sonde est tunnelisée jusqu’au processus xyphoïde, puis le long du bord gauche du sternum (figure 2). Le système détecte les changements de fréquence cardiaque en utilisant un vecteur électrocardiographique de «surface». Un algorithme permet de déterminer automatiquement quel vecteur permet la meilleure discrimination entre l’onde R et l’onde T (afin d’éviter un double comptage). L’appareil peut délivrer un choc biphasique jusqu’à 80 J. Les données des premières études de faisabilité38 ont été confirmées par des études multicentriques prospectives plus larges,39,40 montrant l’efficacité et la sécurité apparente du système. Plus de 2000 dispositifs ont ainsi été implantés ces deux dernières années. La première implantation en Suisse a été réalisée fin 2012 et, au CHUV, fin 2013. L’avantage consiste bien entendu à pouvoir s’affranchir des complications liées à la sonde endoveineuse. Les limitations du dispositif sont principalement l’absence de traitement par stimulation rapide (antitachycardia pacing) permettant d’interrompre certains épisodes de tachycardies ventriculaires monomorphes (sans devoir recourir à un choc électrique) et, également, l’absence de stimulation cardiaque en cas de bradycardie (excepté dans les secondes suivant le choc électrique). Les candidats potentiels à ce type de défibrillateurs pourraient à terme comprendre les patients sans nécessité de stimulation, implantés dans le cadre d’une prévention primaire. Toutefois, les données sur la performance du dispositif à long terme demeurent pour l’heure limitées. Actuellement, le défibrillateur sous-cutané représente une alternative intéressante pour les patients jeunes (avec espérance de vie >10-20 ans), à risque de bactériémie élevé (antécédent d’endocardite, infection de pacemaker, cathéter de dialyse au long cours) ou sans accès vasculaire (anomalie congénitale, occlusion veineuse). Les patients dont le risque d’arythmies ventriculaires est lié à des formes d’arythmies polymorphes sont également des candidats potentiels puisqu’ils ne bénéficient en général pas des traitements par stimulation rapide. Ce groupe comprend typiquement les patients, d’ailleurs souvent jeunes, atteints de channelopathies (type syndrome de Brugada ou QT long) ou de fibrillation ventriculaire idiopathique.
La cause d’AVC demeure inconnue dans 20-40% des cas. La FA en est une cause fréquente et son identification a un impact majeur sur le risque de récidive puisque l’ACO en diminue le risque de près de 70%. Toutefois, le caractère souvent paroxystique et asymptomatique de l’arythmie en limite la détection. Les recommandations sur les stratégies de dépistage de la FA après AVC sont restées longtemps limitées en l’absence de larges études. Un monitoring rythmique d’au moins 24 heures était en général recommandé. Deux études randomisées, publiées cette année, ont montré qu’un monitoring prolongé permettait d’identifier une proportion supplémentaire conséquente de patients avec FA.41,42 L’étude CRYSTAL-AF a inclus 441 patients de 40 ans ou plus avec AVC inexpliqué.41 Un monitoring de 24 heures ou plus était réalisé chez tous les patients. Une moitié d’entre eux étaient randomisés pour bénéficier d’un monitoring continu implantable (Reveal XT, Medtronic) pouvant enregistrer des données pour une durée allant jusqu’à trois ans. Ce dispositif est inséré en anesthésie locale sous la peau, au niveau pectoral gauche, lors d’une intervention de quelques minutes. Dans sa forme actuelle (Reveal Linq, Medtronic), il a un volume de 1,2 ml (un tiers d’une pile AAA). Après six mois de suivi, une FA (définie comme un épisode >30 s) était identifiée chez 8,9% des patients du groupe «monitoring intensif» vs 1,9% dans le groupe avec dépistage conventionnel. A douze mois, cette proportion était de 12,4% vs 2%, respectivement. Le nombre de moniteurs sous-cutanés à implanter pour détecter un patient supplémentaire avec FA était donc dix. L’étude EMBRACE a, quant à elle, inclus un collectif de 572 patients de 55 ans ou plus avec AVC cryptogénique. Le bras «actif» consistait à réaliser un monitoring ambulatoire non invasif supplémentaire continu de 30 jours comparé à un Holter standard de 24 heures (groupe contrôle). Une FA >30 s était identifiée chez 16,1% des patients après 30 jours de monitoring, comparé à 3,2% au terme du Holter de 24 heures. Huit screening de longue durée permettraient ainsi de détecter un patient supplémentaire. Si ces deux études démontrent qu’un monitoring plus prolongé doit être désormais considéré, la façon de le réaliser reste à définir. En effet, si l’utilisation d’enregistreurs d’événements portables de longue durée se révélera probablement coût-efficace, l’analyse coût-efficacité de moniteurs implantables reste à préciser (coût du dispositif utilisé dans CRYSTAL AF de l’ordre de CHF 4500.–). Toutefois, la principale question que soulèvent ces études concerne l’impact en termes d’outcome d’une stratégie de traitement basée sur l’identification de FA subclinique, en particulier chez certains sous-groupes de patients. Il est bien entendu que les évidences démontrent que la FA subclinique est un facteur de risque d’événements emboliques. Il convient toutefois de garder à l’esprit certaines considérations. Premièrement, le bénéfice de l’anticoagulation dans la FA subclinique demeure, sinon à démontrer, en tous les cas à quantifier, dans la mesure où les études randomisées ayant montré son efficacité n’ont été réalisées qu’avec des patients dont la charge en FA était suffisante pour qu’elle soit détectée sans monitoring prolongé. Le lien de cause à effet entre l’AVC et la FA peut également être remis en question dans certains cas. En effet, si celui-ci paraît clair chez un jeune patient sans facteur de risque, chez qui l’on documente des épisodes de FA asymptomatiques de plusieurs heures, le lien de causalité, et par conséquent le rapport risque-bénéfice d’une anticoagulation plutôt qu’une antiagrégation, sont certainement plus incertains chez un patient âgé avec multiples facteurs de risque d’athérosclérose, chez qui un épisode de quelques minutes est documenté sur une durée de plusieurs mois. A cet égard, l’étude ASSERT est intéressante sous plusieurs aspects.43,44 Cette étude a évalué la survenue de tachyarythmies atriales subcliniques d’une durée > 6 minutes documentées par stimulateurs ou défibrillateurs implantés. La survenue de telles arythmies augmentait le risque d’AVC ou d’embolies systémiques de 2,5 fois sur un suivi moyen de 2,5 ans. Toutefois, en analysant la relation temporelle entre la FA subclinique et les événements emboliques survenus durant le suivi, il s’est avéré que pour plus de 50% d’entre eux, l’épisode de FA subclinique survenait plus de 30 jours avant l’embolie, avec un délai médian de 339 jours. Le lien de causalité avec l’embolie était d’autant plus remis en question que, chez près d’un tiers des patients, la FA subclinique n’était détectée qu’après l’événement embolique malgré une médiane de 229 jours de monitoring sans arythmie. L’hypothèse qu’une FA subclinique détectée après un AVC cryptogénique en est la cause n’est donc pas toujours correcte. Bien que d’un point de vue pratique, une ACO soit indiquée dans la plupart des cas, il se peut que la FA subclinique soit parfois plutôt un marqueur de risque d’AVC, plutôt que la cause elle-même.
Alors que la fonction systolique du ventricule est globalement quantifiée par la FE, de nouveaux algorithmes d’analyse des images échocardiographiques (speckle tracking) permettent une quantification directe de la déformation du myocarde durant le cycle cardiaque. Le strain longitudinal (% de raccourcissement du muscle cardiaque en systole) est un paramètre global de la fonction systolique aisément mesurable et hautement corrélé à la FE.45 Outre sa meilleure reproductibilité,46 il a montré une sensibilité supérieure à la FE pour détecter des altérations discrètes de la fonction systolique au cours de traitements de chimiothérapie anticancéreuse47 ou chez les patients souffrant d’IC à FE normale.48 Une revue systématique de >5000 patients a montré que la valeur pronostique du strain longitudinal était supérieure à celle de la FE pour la prédiction des MACE.49
En utilisant les séquences IRM conventionnelles, l’imagerie dynamique du ventricule gauche nécessite des apnées répétées et peut durer jusqu’à dix minutes. Une nouvelle technique ultra-rapide de compression du processus d’acquisition des signaux (compressed sensing) permet une accélération considérable de l’acquisition. Cette nouvelle séquence a été évaluée dans notre service et les données nécessaires à la mesure des volumes et de la FE ont pu être acquises en une seule apnée de quinze secondes environ. Les résultats obtenus ont montré une concordance élevée avec la méthode de référence.50
Des études multicentriques mondiales ont démontré la sécurité des pacemakers IRM compatibles. Le Centre d’IRM cardiaque du CHUV est impliqué dans le testing de certains de ces appareils, qui permettent une imagerie cardiaque d’excellente qualité en IRM51 (figure 3). Une étude internationale avec le premier défibrillateur implantable compatible a été finalisée avec succès et l’appareil est actuellement sur le marché.
Après la publication de l’étude multicentrique MR-IMPACT II, qui démontrait une supériorité de l’IRM cardiaque sur la scintigraphie myocardique pour la détection de la maladie coronarienne chez la femme,52 la sous-étude CE-MARC confirme la meilleure performance diagnostique de l’IRM, tant chez la femme que chez l’homme.53 L’IRM de perfusion pourrait devenir la méthode de choix de la détection non invasive de la maladie coronarienne chez la femme au vu de sa haute performance diagnostique et de l’absence d’exposition aux radiations. Parallèlement, le Registre européen d’IRM cardiaque démontrait un excellent pronostic chez 2603 patients sans ischémie à l’IRM cardiaque de stress, avec un taux de complications majeures de 0,93% à un an.54 Cette performance diagnostique était associée à une réduction des coûts de 51% par rapport à une stratégie d’emblée invasive.54
La cicatrice myocardique représente un substrat anatomique pour le développement de tachycardies ventriculaires (TV) par réentrée. L’imagerie par rehaussement tardif après injection de gadolinium détecte les foyers de fibrose intramyocardique avec une haute résolution spatiale, typiquement sous-endocardiques dans la cardiopathie ischémique, et médio-muraux ou sous-épicardiques dans les cardiopathies non ischémiques. Une étude invasive sur 44 patients subissant une thermoablation de TV a déterminé que les sites critiques de réentrée électrique se localisaient quasi exclusivement au niveau des zones de bordure des cicatrices ou au niveau de cicatrices quasi transmurales (transmuralité >75%) détectées en IRM.55 La cartographie des cicatrices par IRM est donc utile pour cibler les lésions arythmogènes à traiter et pour planifier la voie d’abord (ablation sous-endocardique vs sous-épicardique) en fonction de la distribution de lésions.56
Alors que le rehaussement tardif après injection de gadolinium ne détecte que les zones de cicatrice macroscopique de remplacement, de nouvelles techniques basées sur la mesure du temps de relaxation T1 du myocarde (T1-mapping) avant et après injection de gadolinium permettent le calcul du volume extracellulaire myocardique (% du volume myocardique total). Ce volume augmente lors d’accumulation de fibrose ou d’infiltration myocardique (par exemple, lors d’amyloïdose), ce qui permet la quantification non invasive du degré de fibrose/infiltration. Plusieurs études cliniques utilisant cette technique ont été publiées cette année, indiquant notamment une corrélation entre le volume extracellulaire myocardique et les mesures invasives de rigidité myocardique,57 ou le degré de sévérité de la dysfonction diastolique chez les patients avec une IC à FE préservée.58 Ce paramètre est prédictif du risque de développer une récidive de FA après thermoablation,59 et présente une valeur pronostique défavorable en termes de MACE dans l’IC à FE normale60 et chez les patients diabétiques.61
Il existe une association entre la sévérité d’une sténose aortique (SA) et le degré de calcification de la valve, et sa quantification à l’aide du score d’Agatston en CT cardiaque (>2065 U chez l’homme et >1274 U chez la femme) a été proposée comme un nouveau paramètre diagnostique de la SA sévère.62 Ce paramètre a en effet montré une valeur pronostique additionnelle en termes de mortalité, indépendante de l’évaluation clinique et échographique.63 Bien que le diagnostic de la SA se base en premier lieu sur l’échocardiographie, le CT cardiaque peut s’avérer utile chez les patients difficiles à examiner ou en cas de discordance entre la surface valvulaire calculée et les gradients transvalvulaires (SA à faible flux et faible gradient).
> La durée de la double antiagrégation plaquettaire après la mise en place d’un stent actif repose sur une évaluation individualisée, considérant le risque ischémique/thrombotique (caractéristiques du patient, présentation clinique, type de stent) et le risque hémorragique, afin d’identifier les patients qui pourraient bénéficier d’un raccourcissement (faible risque thrombotique et/ou risque hémorragique élevé) ou d’une prolongation (risque thrombotique élevé et/ou faible risque hémorragique) de la double thérapie antiplaquettaire
> Une évaluation individuelle du choix et de la durée du traitement antithrombotique pour les patients avec une double indication, à une anticoagulation orale et à une double antiagrégation plaquettaire, est indispensable et doit tenir compte du risque thromboembolique (score CHA2DS2-VASc), du risque hémorragique (score HAS-BLED) et de la présentation clinique initiale (maladie coronarienne stable ou syndrome coronarien aigu)
> Malgré les résultats globalement négatifs de l’étude TOPCAT, il est raisonnable de proposer un traitement par la spironolactone aux patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée et des taux élevés de BNP (Brain natriuretic peptide) ou de NT-proBNP (N-terminal pro-brain natriuretic peptide)
> Une nouvelle génération de défibrillateurs automatiques implantables, entièrement sous-cutanés, a été développée afin d’éviter les complications liées aux sondes endoveineuses. Ce type de dispositif constitue une alternative intéressante pour des patients sélectionnés (âge jeune, risque de bactériémie élevé, absence d’accès vasculaires) et sans nécessité de stimulation
> Une nouvelle génération de pacemakers et une première génération de défibrillateurs automatiques implantables compatibles avec l’imagerie par IRM ont démontré leur sécurité d’emploi et sont maintenant disponibles sur le marché
Important clinical trials and therapeutic advances in the field of cardiology have been presented in 2014. New evidences on the management of acute myocardial infarction and the duration of dual antiplatelet therapy after coronary stent implantation have been published. A new class of therapeutic agents seems to offer promising perspectives for patients with heart failure and reduced ejection fraction. The new generation of subcutaneous or MRI-compatible implantable defibrillators is a major technological breakthrough. Finally, the European Society of Cardiology published new recommendations for the management of patients with cardiovascular diseases. This selective review of the literature summarizes the most important studies in the field of interventional cardiology, rhythmology, heart failure and cardiac imaging.