L’ époux d’une de vos patientes, âgée de 78 ans, vous appelle inquiet : son épouse présente depuis plusieurs mois des troubles de la mémoire en aggravation et elle nécessite de plus en plus de guidance dans les tâches ménagères, surtout pour la cuisine, alors qu’elle était une excellente cuisinière.
Vous effectuez au cabinet les tests de dépistage pour les troubles cognitifs. Le MMSE (Mini mental state examination) est à 22/30, le test de l’horloge à 5/10. Vous suspectez une démence.
Poursuivez-vous les investigations ? Annoncez-vous d’emblée la possibilité d’une démence ? Si vous décidez de discuter de la suspicion diagnostique, comment vous préparez-vous ?
La Suisse compte chaque année plus de 25 000 nouveaux malades de démence, il y en avait 110 000 en 2012, dont 40% résidaient en EMS et 60% vivaient chez eux. Un tiers seulement des malades est au courant de son diagnostic, pour un tiers la démence n’est même jamais évoquée et pour un dernier tiers elle est seulement suspectée.1
Le praticien dispose d’outils simples pour dépister la présence d’une démence. Le MMSE a une sensibilité de 85,1% et une spécificité de 85,5% en milieu communautaire.2 L’évaluation des AVQI (activités de la vie quotidienne instrumentales), l’anamnèse auprès des proches ciblée sur le fonctionnement antérieur (à l’aide d’outils structurés, par exemple : IQcode) et le caractère de l’évolution renforcent la précision du diagnostic.
Pourtant, les médecins de premier recours manquent de confiance quant à leur capacité de poser un diagnostic correct. La stigmatisation liée à la démence, ainsi que la crainte d’un impact négatif sur la personne influencent la transmission du diagnostic.3 L’ utilisation d’un langage simplifié, pour en adoucir l’impact, et le peu de temps utilisé pour l’expliquer se reflètent dans la difficulté des patients et de leurs proches à retenir l’information donnée. Ceci est mis en exergue par une étude qui a démontré que 73% des patients souffrant d’une démence et 16% des accompagnants (carers) sont incapables de reporter le diagnostic peu après avoir reçu l’information.4
Comment s’améliorer alors que les patients, les familles et l’Association Alzheimer militent pour un accès le plus précoce possible au diagnostic ? A relever qu’une immense majorité (92%) des patients souhaitent connaître la cause de leurs symptômes et que 69% désirent un diagnostic précis.5 L’ angoisse peut même diminuer chez le patient et les proches après l’annonce de diagnostic.6 Le tableau 1 liste les raisons fréquemment évoquées pour justifier la transmission ou non du diagnostic et le tableau 2 cite les effets positifs ou négatifs de cette transmission aux personnes atteintes de démence. Ces éléments permettent de comprendre les facteurs qui freinent et/ou favorisent l’annonce d’un diagnostic de démence, ainsi que la façon actuellement recommandée pour l’affronter.
Il n’existe pas de «guidelines» basées sur l’EBM (evidence based medicine) concernant l’annonce du diagnostic de démence. Néanmoins, le droit actuel mettant l’accent sur le droit à l’autodétermination des patients, ceci doit encourager les médecins de premier recours à poser des diagnostics précoces qui permettent la discussion avec le patient, les proches et les soignants. Lors de la restitution du diagnostic, il faut aborder entre autres la planification du futur et les mesures pouvant favoriser le pronostic.
‣ Les patients ont le droit de connaître leur diagnostic
‣ La majorité des patients atteints de démence souhaitent connaître leur diagnostic
‣ La transmission d’un diagnostic de démence demande du temps de la part du médecin qui l’annonce
‣ Un accompagnement de longue durée des patients et de leurs proches est nécessaire