Le déclin des fonctions cognitives lié à l’âge conduit très souvent à la maladie d’Alzheimer (MA), qui affecte actuellement plus de 20 millions de personnes dans le monde entier. Avec le vieillissement de la population, ce nombre va encore nettement augmenter à l’avenir. Il existe des médicaments pour ralentir la progression de la maladie, comme les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (AChE) et la mémantine, qui permettent de retarder de plusieurs mois et même de plusieurs années l’admission des malades dans un EMS, contribuant ainsi à une réduction des coûts de la santé.
La MA est une affection neurologique caractérisée cliniquement par une perte progressive de la mémoire, une baisse des fonctions cognitives (attention, concentration, capacité de raisonner, sens de l’orientation) et un comportement altéré et souvent inapproprié. Il existe quelques plantes pour atténuer la perte des fonctions cognitives et qui peuvent ainsi contribuer à ralentir la progression de la MA. Mais, il faut aussi avoir des activités physiques et intellectuelles et garder une vie sociale active.
Ginkgo biloba L. (Ginkgoaceae), une plante de la médecine traditionnelle chinoise, a la réputation de contribuer au maintien des fonctions cognitives. Elle ne contient pas d’inhibiteurs de l’AChE, mais des terpènes particuliers, appelés ginkgolides, et de nombreux flavonoïdes aux propriétés antioxydantes. Depuis peu, des articles négatifs à l’égard du ginkgo sont publiés, affirmant que la plante ne peut pas prévenir la MA, ni améliorer les fonctions cognitives. Il y a une controverse, mais les publications positives sont plus nombreuses. Une publication, parue en juin 2012 dans Journal of Psychiatric Research, arrive à la conclusion que l’administration quotidienne de 240 mg d’extrait de ginkgo à des patients atteints de démence sénile est dépourvue d’effets secondaires et résulte en une amélioration des fonctions cognitives, de la psychopathologie et de la qualité de vie des patients et du personnel soignant.
La prudence s’impose chez les patients qui prennent des anticoagulants oraux car, dans de rares cas, il a été observé que des préparations à base de ginkgo pouvaient potentialiser l’effet de ces médicaments et engendrer des hémorragies.
Au cours des dernières années, plusieurs publications indiquent que la consommation régulière de thé vert ou Camellia sinensis (L.) Kuntze (Teaceae) peut prévenir la démence sénile, voire la traiter. Des études in vitro ont montré que le thé vert contient des inhibiteurs de l’AChE et de la bêta-sécrétase (une autre cible pharmacologique dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer). De plus, le constituant principal du thé vert, l’épigallocatéchine gallate est un bon neuroprotecteur. Deux études cliniques montrent effectivement que la consommation de thé vert (minimum deux tasses par jour) améliore les fonctions cognitives et la mémoire chez les personnes âgées.
En avril 2014, de nombreux articles relatifs au café comme moyen de lutte contre la maladie d’Alzheimer ont été publiés dans la presse nationale et internationale (voir par exemple : http://sante.lefigaro.fr/actualite/ 2014/04/18/22248-cafe-pour-lutter-contre-maladie-dalzheimer). Ces articles sont basés sur une publication qui vient de paraître dans la revue américaine Neurobiology of Aging. Plusieurs études d’observation des populations ont déjà suggéré que la consommation de caféine pouvait réduire le déclin des fonctions cognitives, ainsi que le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Ce sont des chercheurs de l’INSERM de Lille et de l’Université de Bonn qui sont à l’origine de cette publication devenue très médiatique. Ces chercheurs ont utilisé des souris transgéniques qui développent avec l’âge une neurodégénérescence liée à la protéine tau. Cette protéine est essentielle à la stabilisation des cellules, notamment les neurones du cerveau. L’agrégation anormale de cette protéine est en partie à l’origine de la MA. Les souris traitées par la caféine présentaient moins de modifications de la protéine tau, moins de pertes de mémoire et une diminution de la neuro-inflammation, par rapport à des souris de contrôle qui n’avaient pas reçu la caféine. Le mécanisme d’action de la caféine n’est pas encore entièrement élucidé. Les résultats de cette étude in vivo sur des animaux de laboratoire sont très intéressants, mais devront encore être vérifiés chez l’homme. En attendant, les auteurs de l’étude proposent de consommer 400 mg de caféine par jour, ce qui correspond à environ quatre tasses de café ou six expressos !
Le curcuma, épice bien connue de couleur jaune, est parfois utilisé pour falsifier le safran. Il s’agit de Curcuma longa L. (Zingiberaceae), une plante médicinale d’origine asiatique apparentée au gingembre. Le rhizome séché et pulvérisé entre dans la composition du curry. Suite à l’observation qu’en Inde, où l’on consomme quotidiennement de grandes quantités de curry, la prévalence de la MA est nettement plus faible que dans les autres pays, de nombreuses études ont été entreprises pour évaluer le potentiel du curcuma dans la prévention et le traitement de la MA. Des études in vitro et in vivo ont montré que la curcumine, pigment phénolique jaune et substance principale du curcuma, montrait des actions inhibitrices de l’AChE et de la bêta-sécrétase. De plus, cette molécule réduit la formation des plaques bêta-amyloïdes, impliquées dans le développement de la MA, dans le cerveau d’animaux de laboratoire. Une étude pilote a été réalisée au Japon, en 2012, auprès de patients âgés de 79 à 84 ans et gravement atteints par la MA. Ces patients ont reçu quotidiennement 764 mg de poudre de curcuma (sous forme de gélules), correspondant à 100 mg de curcumine, pendant douze mois. Après trois mois déjà, les médecins ont observé une amélioration des symptômes comportementaux et psychologiques (moins d’agitation et d’anxiété, diminution des hallucinations et de l’état dépressif). Après douze mois, ils ont constaté une amélioration des fonctions cognitives et certains patients arrivaient à nouveau à reconnaître les membres de leur famille. Il faut remarquer qu’il ne s’agissait pas d’une étude clinique en double aveugle versus placebo et que le nombre de patients était très petit, mais c’est une piste importante à explorer et à exploiter (www.richardbeliveau.org/fr/chroniques-prevention/438-du-curcuma-contre-la-maladie-dalzheimer.html).
Le romarin ou Rosmarinus officinale L. (Lamiaceae) est une plante aromatique bien connue pour ses propriétés stomachiques et spasmolytiques lors de divers troubles de la digestion, et aussi lors de certains problèmes hépatiques. Des travaux récents suggèrent que le romarin peut aussi atténuer les problèmes de concentration et prévenir les maladies neurodégénératives en agissant sur différentes cibles pharmacologiques. Il est intéressant de citer que dans la Grèce antique, on en frottait le front des enfants pour «les rendre plus intelligents». Visiblement, William Shakespeare (1564-1616) savait déjà que le romarin était bon pour la mémoire. Dans Hamlet (Acte 4, Scène V), Ophélia dit : There’s rosemary, that’s for remem-brance… ! Les parties aériennes du romarin contiennent une douzaine de composés aromatiques inhibiteurs de l’AChE. Une étude japonaise a montré que l’extrait de romarin et l’acide carnosique qu’il contient favorisent la production du facteur de croissance nerveuse (NG – Nerve Growth Factor). Une autre étude démontre l’effet protecteur de l’acide rosmarinique sur les cellules cérébrales d’animaux de laboratoire exposées aux effets toxiques de la bêta-amyloïde. Une étude clinique indique que l’acide rosmarinique exerce une action calmante tout en renforçant la mémoire à court et à long termes. Au vu de ces études, il a été suggéré qu’une grande consommation de romarin sous forme d’épice ou de tisane peut contribuer au maintien des fonctions cognitives. Un article publié en février 2012, dans la revue Therapeutic Advances in Psychopharmacology, montre que l’inhalation d’huile essentielle de romarin favorise les fonctions cognitives et notamment la mémoire. Vingt volontaires en bonne santé ont été placés dans des cabines dans lesquelles l’huile essentielle a été diffusée à diverses concentrations. Après l’exposition, des tests neuropsychologiques ont été réalisés, ainsi que des prises de sang. La substance principale de l’huile essentielle de romarin, le 1,8-cinéole, a été retrouvée en quantités appréciables dans le plasma. Une corrélation a été constatée entre la concentration plasmatique de 1,8-cinéole et les performances cognitives : plus la concentration était élevée, meilleures étaient les réponses à la série des tests de mémoire, d’intelligence et d’apprentissage
Au cours des dernières années, les résultats de diverses études suggèrent que la con-sommation accrue d’acides gras oméga 3 (DHA : acide docosahexaénoïque et EPA : acide eicosapentaénoïque), sous forme de compléments alimentaires et/ou d’aliments riches en oméga 3 comme les poissons gras (saumon, thon, hareng, maquereau) et de certaines huiles alimentaires, peut retarder l’apparition de la MA ou retarder sa progression. La prise simultanée de vitamine D3 et d’acides gras oméga 3 semble être une nouvelle piste pour le traitement de la MA. Une nouvelle étude, publiée en ligne le 22 janvier 2014 dans la revue américaine Neurology, apporte des éléments très intéressants (www.sciencedaily.com/releases/2014/01/140122170541.htm). Elle a porté sur 1111 femmes âgées en moyenne de 70 ans pendant huit ans. Régulièrement, le taux d’oméga 3 dans les globules rouges a été mesuré. Au début et à la fin de l’étude, une IRM du cerveau de chaque femme a été réalisée pour mesurer son volume. Il est apparu clairement que les femmes ayant un taux élevé en oméga 3 avaient un volume cérébral plus grand que celles qui n’avaient pas ou peu consommé d’acides oméga 3. En particulier, une augmentation du volume de l’hippocampe de l’ordre de 2,7%. Or, cette partie du cerveau joue un rôle important dans la mémoire !
D’autres plantes peuvent encore être citées comme la myrtille, l’aronie à fruits noirs, le goji et les plantes à fortes teneurs en vitamine C. En effet, la vitamine C, combinée à des doses élevées de vitamine E, peut contribuer au maintien des fonctions cognitives. Une alimentation saine, riche en fruits et en épices, permet sans aucun doute de rester jeune plus longtemps… Et pour maîtriser le stress et éviter le burnout, la nature nous a fourni l’orpin rose ou Rhodiola rosea L. (Crassulaceae) !