Selon l’OMS, la prévalence annuelle de la grippe est de 5-10%, avec une morbidité et une mortalité non négligeables, surtout dans les populations à risque. Les conséquences socio-économiques, liées à l’absentéisme, sont également significatives. Les inhibiteurs de la neuraminidase, comme l’oseltamivir, sont les seules thérapies spécifiques disponibles, qui complètent l’effet préventif de la vaccination. Depuis des années, l’efficacité de ces molécules est discutée sur un fond de querelle entre industrie et scientifiques : une méta-analyse de la collaboration Cochrane récemment publiée a permis de conclure à une efficacité probablement cliniquement significative, au prix d’effets secondaires fréquents (Rev Med Suisse 2014;10:572-3). Cependant, l’équilibre efficacité/effets secondaires n’est pas facile à évaluer sur cette base. Afin de répondre à cette question, les auteurs de cette méta-analyse ont repris toutes les données des études conduites par le fabricant de l’oseltamivir (publiées et non publiées), et ont analysé les données individuelles des 4328 patients inclus (patient-level meta-analysis), l’issue d’intérêt primaire analysée étant le délai d’amélioration des symptômes. Cette analyse démontre une diminution du temps médian de résolution de 25 heures (IC 95% : 16-32). Elle met également en évidence une diminution des complications respiratoires nécessitant une antibiothérapie (risque relatif 0,56) et des hospitalisations (RR 0,37). Ces améliorations sont dues à un effet antiviral, comme le montre la différence d’amplitude des résultats chez les patients avec infection grippale prouvée par rapport à la population totale. Enfin, l’augmentation des effets secondaires digestifs est significative (nausées RR 1,6 – vomissements RR 2,43).
Commentaire : que retenir de cette méta-analyse, qui représente probablement le meilleur niveau d’analyse des données disponibles ? D’abord, l’oseltamivir a un effet antiviral significatif, et cet effet se traduit par une amélioration plus rapide des symptômes chez les patients avec grippe confirmée. Ensuite, ces effets positifs sont contrebalancés par des effets secondaires, certes bénins, mais gênants. La balance entre ces effets dépend évidemment de ce que l’on considère comme objectif thérapeutique : dans cette optique, après confirmation virologique de la grippe, la diminution de la durée des symptômes grippaux – qui peuvent être très désagréables – peut se justifier pour le confort du patient, ou pour favoriser son retour à la vie active plus rapide. Restent les effets du traitement au-delà du confort… Si cette méta-analyse suggère une diminution des complications et des hospitalisations, les intervalles de confiance sont larges, et ces issues n’ont pas toujours été évaluées de manière optimale dans les études incluses. Il serait intéressant de disposer dans le futur de données plus solides (études randomisées et contrôlées…) évaluant en première intention l’effet sur la mortalité du traitement d’oseltamivir chez des patients présentant une infection grippale sévère. Ces données pourraient définitivement convaincre de la réelle utilité de ce traitement qui reste controversé, bien que très largement prescrit !