L’ostéogenèse imparfaite (OI) est une maladie rare d’origine génétique. Les efforts déployés autour des maladies rares, ces dernières années, permettent aujourd’hui de proposer une prise en charge adaptée et reconnue des patients. Les avancées dans les connaissances en génétique de l’OI permettent un diagnostic précis du type d’OI avec son propre mécanisme moléculaire, un conseil génétique adéquat avec planning familial et diagnostic prénatal, ainsi qu’une orientation thérapeutique vers le médicament le plus approprié. Une prise en charge spécifique de rééducation des patients OI est nécessaire et efficace. Pour une meilleure information, une consultation multidisciplinaire est proposée au CHUV pour les patients souffrant d’OI ainsi qu’un site internet romand : www.infomaladiesrares.ch.
L’ostéogenèse imparfaite (OI) est une maladie rare d’origine génétique. Avec une incidence de 1/15 000, elle affecte préférentiellement le squelette, occasionnant un risque de fracture augmenté, des douleurs osseuses, une perte de fonction et un handicap. Des avancées récentes dans le diagnostic et le traitement permettent aujourd’hui aux patients d’être mieux pris en charge. Mais comme pour toutes ces maladies rares, l’accès à l’information et aux réseaux de soins reconnus et compétents fait défaut. La Suisse, comme l’Europe et les Etats-Unis, a engagé des démarches pour référencer, reconnaître et soutenir les recherches fondamentale, clinique et thérapeutique autour de ces maladies rares. En ce moment même, le Portail romand des maladies rares et Orphanet se regroupent pour promouvoir une meilleure visibilité des soignants compétents dans la prise en charge de l’OI. Dans cet article, nous vous proposons de faire le tour des avancées récentes dans les domaines de la génétique et de la thérapeutique de l’OI, et de présenter le travail de notre groupe lausannois de prise en charge multidisciplinaire des patients souffrant d’OI.
L’OI est une maladie hétérogène. Le diagnostic est essentiellement clinique, lorsqu’une fragilité osseuse est évidente dès l’enfance, avec atteinte variable des tissus conjonctifs extrasquelettiques (fragilité capillaire, hyperlaxité articulaire, sclérotiques bleutées ou grisâtres, perte progressive de l’audition, atteinte valvulaire cardiaque, etc.).1,2 La grande majorité des patients avec OI, indépendamment de la sévérité du phénotype (types I à IV de la classification de Sillence),3,4 ont une mutation autosomique dominante dans un des deux gènes codant pour le collagène de type I, principal collagène de la matrice osseuse. Ces dix dernières années, de rares formes autosomiques récessives (environ 6 à 8% de tous les cas d’OI) ont été mises en évidence5 avec treize gènes différents identifiés à ce jour, responsables principalement de modifications post-translationnelles du procollagène et de la maturation des fibres collagènes, ainsi que de l’homéostasie de la formation et de la minéralisation osseuses (tableau 1). Il s’agit de formes modérées à sévères, cliniquement indistinctes des OI type III ou IV, causées par des mutations dans le collagène type I.5 Une forme d’OI particulière, l’OI type V, est due à des mutations dominantes dans IFITM5; cette forme d’OI présente des caractéristiques cliniques et radiologiques distinctes avec cal osseux hyperplasique et calcification des membranes interosseuses. Récemment, une forme d’OI liée au chromosome X a été rapportée : des mutations récessives dans plastin 3 (PLS3) causent, chez les mâles hétérozygotes, une forme d’OI légère (type I selon la classification de Sillence) et une ostéoporose précoce chez la femme hétérozygote.6
Bien que le diagnostic d’OI repose sur des critères essentiellement cliniques, seul le diagnostic génétique permet un conseil génétique précis, particulièrement pour les patients sans histoire familiale.2 Le diagnostic moléculaire de l’OI est disponible en Suisse depuis 2012, dans le laboratoire du Centre des maladies moléculaires du CHUV à Lausanne. Tous les gènes connus de l’OI (tableau 1) sont étudiés par séquençage à haut débit sur l’ADN génomique extrait du sang dans une seule analyse. Lors de mutations autosomiques dominantes (COL1A1, COL1A2 et IFITM5), le risque de récurrence est de 50% à chaque grossesse lorsqu’un des parents est atteint. Dans les formes récessives (tableau 1) le risque de récurrence est de 25% pour les parents d’un enfant atteint. Le conseil génétique précis est la base incontournable d’une planification familiale adéquate, du diagnostic prénatal ou préimplantatoire éventuel si souhaité par les couples, ainsi que des mesures médicales à mettre en place pour l’accouchement.2 Finalement, la «dissection génétique» des gènes impliqués dans l’OI, qui est loin d’être terminée, a élargi énormément nos connaissances dans la biologie du squelette et de la minéralisation osseuse et a mis en évidence des molécules ou des voies de signalisation cibles pour de nouvelles thérapies médicamenteuses, comme en témoignent les premières études sur les traitements de l’OI guidées par le génotype.7
Dans l’OI, la formation osseuse est insuffisante et le lien étroit entre ostéoblastes et ostéoclastes engendre une augmentation secondaire de la résorption osseuse1,8 résultant en un risque fracturaire augmenté déjà depuis l’enfance qu’il faut prévenir et traiter. Plusieurs traitements sont disponibles pour diminuer ce risque fracturaire, agissant soit en diminuant l’activité ostéoclastique, soit en stimulant l’activité ostéoblastique. Les plus utilisés sont les bisphosphonates (BP : Arédia, Actonel, Fosamax, Bonviva, Aclasta) puis le dénosumab (anticorps monoclonal anti-RANK ligand ; Prolia). Plus récemment, on a commencé à utiliser les stimulateurs de la formation osseuse, comme le tériparatide (Forsteo). D’autres molécules arrivent bientôt comme l’anticathepsine K, qui est un antirésorbeur, ou l’anticorps antisclérostine. Ce dernier, grâce à son potentiel à découpler le remodelage osseux en diminuant la résorption et en stimulant la formation osseuse, est un candidat idéal pour le traitement de l’OI. Les BP sont utilisés depuis plusieurs décennies. Le pamidronate est le plus utilisé chez l’enfant et de nombreuses études ont démontré son effet positif sur la densité minérale osseuse (DMO) ; récemment, deux études ont montré la réduction des fractures chez les jeunes enfants, tout en préservant la croissance linéaire.9,10 Chez l’adulte, les études montrent une amélioration des valeurs de DMO mais le nombre de cas et la puissance des études n’ont pas permis de mettre en évidence une réduction du nombre de fractures. Rappelons que, dans tous les cas, un taux adéquat de 25(OH)D3 est nécessaire pour la bonne réponse aux BP.11,12 Deux études ont observé l’effet du Forsteo (tériparatide) chez les patients avec OI. Un effet bénéfique sur la DMO et les marqueurs du remodelage osseux a été retrouvé mais aucune différence sur le risque fracturaire.13,14 Pour les nouveaux traitements comme le Prolia, l’anticathepsine K et l’anticorps antisclérostine, nous ne disposons pas de suffisamment de données pour nous prononcer sur leur bénéfice à diminuer le risque fracturaire ; néanmoins les études chez la souris sont très prometteuses.15
D’un point de vue assécurologique, l’évaluation de la fragilité osseuse par densitométrie osseuse est remboursée chez tous les patients souffrant d’OI, enfants ou adultes. Chez les enfants, les traitements par BP sont remboursés par l’assurance invalidité comme prestation médicale pour l’infirmité congénitale. La voie parentérale est préférée en raison d’une mauvaise absorption connue chez l’enfant des BP oraux et d’une amélioration de la compliance avec les formes IV. Chez l’adulte, les indications de la Liste des spécialités pour les traitements de l’ostéoporose s’appliquent pour les patients OI.
Choisir la molécule adaptée à sa mutation génétique, n’est-ce pas la médecine de demain ? Si le patient souffre d’une OI où la voie de la formation osseuse est principalement responsable de la fragilité osseuse, nous lui proposerons un traitement qui la stimule. Des études récentes ont montré que chez les patients avec OI récessive causée par des mutations dans SERPINF1 (OI type VI), qui répondent mal aux BP, le dénosumab réduit la fréquence des fractures, augmente la DMO et améliore la mobilité ; le manque de SERPINF1 cause une activation excessive de la résorption osseuse via RANKL, ce qui explique l’effet spécifique des anticorps anti-RANKL dans cette forme d’OI.16 Ceci est un exemple concret, qui ne restera pas le seul, d’indication thérapeutique spécifiquement guidée par le génotype dans l’OI.
Un patient souffrant d’OI a régulièrement besoin d’une prise en charge physiothérapeutique. Les patients bénéficent surtout de rééducation après une fracture mais rarement d’une prise en charge globale abordant aussi la prévention, primordiale face aux déformations du rachis ou secondaire aux fractures, à l’hyperélasticité du tissu conjonctif souvent retrouvée, aux complications respiratoires (secondaires à la déformation du rachis et à l’atteinte intrinsèque du parenchyme pulmonaire). Cette population vulnérable devient alors kinésiophobe et déconditionnée. Il est judicieux de leur redonner confiance en les stimulant à pratiquer une activité physique régulière et adaptée. Une enquête réalisée en Suisse17 a montré que bien que la majorité des patients comprenne l’utilité d’une prise en charge spécifique en rééducation, rares sont ceux qui en bénéficient ou qui y adhèrent durablement, notamment à partir de l’âge adulte, auquel survient pourtant la majorité des complications. Ce problème est maintenant bien connu internationalement et des études d’évaluation et d’intervention thérapeutiques sont en cours.
Dépister les patients qui ont besoin de suivre un programme de physiothérapie, proposer une prise en charge adaptée à leur maladie et à leurs déficiences par des thérapeutes expertisés améliorent l’adhérence à la prise en charge et la qualité de vie des patients OI. En effet, le physiothérapeute expert émet des recommandations en fonction du bilan qu’il effectue et les transmet au patient et à son physiothérapeute soignant proche de son domicile. Ceci augmente ainsi la qualité de la prise en charge et la satisfaction de tous.
Depuis trois ans, nous offrons au CHUV, pour les patients OI de Romandie, une prise en charge multidisciplinaire, qui a été développée dans le cadre du mandat de Médecine hautement spécialisée pour les troubles congénitaux de l’ostéogenèse (MHS 8514) attribué au CHUV en 2011.
L’équipe multidisciplinaire regroupe une généticienne (Dr Sheila Unger), une pédiatre spécialisée dans les maladies osseuses (Pr Luisa Bonafé), un chirurgien orthopédique (Dr Aline Bregou), un médecin spécialisé dans les maladies osseuses de l’adulte (Dr Bérengère Aubry-Rozier), un dentiste spécialisé dans la dentinogenèse imparfaite (Dr Carlos Madrid) et trois physiothérapeutes spécialisés dans la prise en charge des patients atteints de maladie du collagène (Mia Freymond Morisod et Anjali Vaswani pour les adultes et Patrick Schneider pour les enfants). Chaque patient OI bénéficie d’une prise en charge adaptée à ses besoins et des conseils sont donnés aux soignants externes au CHUV. Une réunion annuelle de mises au point clinique et scientifique est proposée à tous pour échanger et se rencontrer. A cette occasion, des études cliniques peuvent être proposées. Pour plus de renseignements, les patients ou les soignants peuvent s’adresser au Portail romand des maladies rares (www.infomaladiesrares.ch) ou directement au secrétariat du Centre des maladies osseuses ou du Centre des maladies moléculaires du CHUV.
Les efforts déployés autour des maladies rares, ces dernières années, permettent aujourd’hui de proposer une prise en charge adaptée aux patients. Les avancées dans les domaines de la connaissance génétique et thérapeutique de l’OI nous donnent la possibilité d’offrir des traitements efficaces de plus en plus guidés par le génotype de manière personnalisée. Mais pour cela, l’accès aux informations et aux groupes soignants spécialisés doit être amélioré. De nombreuses initiatives sont en cours à l’échelon international, suisse et romand (www.infomaladiesrares.ch).
> L’information pour les patients et leurs soignants et l’accès aux groupes experts dans la prise en charge des maladies rares est une préoccupation internationale, suisse et locale
> Les avancées dans les connaissances en génétique de l’ostéogenèse imparfaite (OI) permettent un diagnostic précis du type d’OI avec son propre mécanisme moléculaire, un conseil génétique adéquat avec planning familial et diagnostic prénatal, ainsi qu’une orientation thérapeutique vers le médicament le plus approprié
> Les avancées dans les connaissances thérapeutiques médicamenteuses permettent de proposer un traitement plus adapté pour diminuer la fragilité osseuse des patients avec OI
> Une prise en charge spécifique de rééducation des patients OI est nécessaire et efficace
> Une consultation multidisciplinaire est proposée au CHUV pour les patients souffrant d’OI
Osteogenesis imperfecta (OI) is a rare genetic disease. Today we are able to propose an adapted and efficient management to the patients with this rare disorder (and their families) thanks to a strong collaboration of clinicians and researchers. Recent knowledge regarding the genetics of OI permits an accurate diagnosis of the specific type of OI and its own molecular mechanism, a genetic counseling for family planning and prenatal diagnosis, and in addition more targeted therapeutic options. A specific support with re-education for patients with OI is necessary and efficient. To optimize patient care, a multidisciplinary consultation is proposed at the CHUV, moreover a web site is available for patients, families and therapists : www.infomaladiesrares.ch