Le canton de Genève met gratuitement à disposition de sa population un dossier médical électronique partagé et sécurisé, accessible en ligne par les patients et par les professionnels de santé auxquels le patient a donné des droits d’accès. Le projet pilote, pionnier en Suisse, lancé en 2009 sous la forme d’un partenariat public-privé avec la Poste suisse, se déploie largement depuis 2013 et compte déjà plus de 4600 patients et 380 médecins inscrits. Ces chiffres augmentent régulièrement au fur et à mesure que des prestataires de soins (médecins, cliniques privées, laboratoires) rejoignent la communauté. Des éléments complémentaires à valeur ajoutée, comme les plans de soins et de médication partagés augmentent l’attrait de cet outil.
Le projet «MonDossierMedical.ch», initialement nommé «e-toile», est né à Genève dans un contexte de coûts de la santé élevés en comparaison nationale et de développement des technologies de l’information. Il est issu d’une réflexion visant à :
Ce projet a démarré en 1998.1 En 2000, la fondation Iris-Genève a été créée pour permettre la mise en réseau de tous les partenaires sanitaires. Cette fondation est aujourd’hui chargée de surveiller le réseau et de promouvoir son utilisation. Ce projet pionnier nécessitait une base légale, alors inexistante en Suisse. En 2008, la LRCIM (Loi sur le réseau communautaire d’informatique médicale) est créée à Genève (www.geneve.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_K3_07.html). Celle-ci précise notamment les conditions d’accès, de sortie du réseau et les contraintes de confidentialité des données.
Pour réaliser le partage d’informations médicales selon la volonté du patient, tout en garantissant un stockage de données décentralisé, un concept d’architecture technique complexe et de règles d’accès a été élaboré. Ce dossier médical électronique est maintenant mis en œuvre sur l’ensemble du canton sous le nom «MonDossierMedical.ch». Le projet est mené par la Direction générale de la santé de l’Etat de Genève (figure 1).
L’Etat de Genève met à disposition un accès gratuit au dossier médical en ligne. Les patients peuvent dès à présent accéder de manière facilitée aux documents médicaux provenant principalement des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), des soins à domicile, des pharmacies et des laboratoires connectés. C’est le patient qui donne ensuite les droits à son médecin traitant, à son pharmacien ou à ses spécialistes pour l’accès en lecture aux documents. Le déploiement de «MonDossierMedical.ch» est en cours auprès d’autres partenaires sanitaires tels que les cliniques privées.
Genève est pionnier dans cette démarche en Suisse qui permet aux médecins et aux autres intervenants d’accéder, avec l’autorisation du patient, aux informations essentielles pour sa prise en charge.2 La conduite de ce type de projet nécessite dès le départ la levée de plusieurs obstacles, techniques ou «métier».
D’un point de vue technique, après une phase pilote, le système a été stabilisé pour permettre un déploiement plus large, avec des temps d’accès aux documents médicaux améliorés.
Il a également été nécessaire de simplifier le processus de connexion de tous les utilisateurs en remplaçant les kits de connexion avec carte à puce et boîtier par des technologies plus modernes. Il est actuellement possible de se connecter à «MonDossierMedical.ch» avec un nom d’utilisateur, un mot de passe et un code à usage unique reçu par SMS. Ainsi, les dossiers peuvent être consultés depuis n’importe quel ordinateur sans aucune installation spécifique et ce de manière sécurisée. A noter par ailleurs, que les échanges de données sont cryptés et qu’un niveau maximal de sécurité est garanti. La sécurité est testée régulièrement via des audits.
«MonDossierMedical.ch» permet la création d’un dossier médical qui appartient avant tout au patient. C’est lui qui décide de mettre à disposition ses documents médicaux aux prestataires de soins. Il a également la possibilité de masquer certains de ces documents qu’il juge confidentiels et ne souhaite pas partager. Dans ce contexte, le patient est responsabilisé et c’est lui qui décide de donner les accès. C’est lui qui a à disposition l’ensemble de ses données, ce qui renforce la possibilité pour lui de décider des choix qu’il aura à faire pour sa santé.
Par exemple, cela veut dire que le médecin n’a pas forcément accès à l’ensemble des rapports d’analyses mais à ceux pour lesquels le patient donne accès. A noter que c’est aussi le cas aujourd’hui, le médecin n’a pas forcément accès à l’ensemble des rapports du patient. «MonDossier Medical.ch» est un instrument de partage, cela ne remplace pas pour autant la relation patient-médecin.
D’un point de vue «métier», il s’agit maintenant d’inscrire davantage l’utilisation de «MonDossierMedical.ch» dans le réseau de soins genevois. Pour cela, nous travaillons prioritairement sur la prise en charge des patients complexes. Les enjeux premiers de ces projets sont de définir les processus «métier» de prises en charge des patients par les différents prestataires de soins afin de renforcer l’efficience de la prise en charge.
La mise à disposition de fonctionnalités adaptées permettant le partage d’informations au sein des équipes interdisciplinaires (médecins, infirmières, physiothérapeutes, etc.) est essentielle.
Concrètement, dans «MonDossierMedical.ch», nous sommes en cours de développement de nouveaux modules tels que les plans de soins et de médication partagés.
Pour le plan de soins, celui-ci permet de partager des objectifs de soins pour un patient complexe qui sont définis au sein de colloques interdisciplinaires (médecin, infirmière, etc.) et ensuite de suivre dans le temps l’atteinte des objectifs via un tableau de bord partagé (objectifs pour le poids, la tension, les chutes, etc.).
Chaque professionnel pourra rester dans son système d’information pour renseigner les données du plan de soins qui seront transmises à «MonDossierMedical.ch», sans ressaisie. Les systèmes d’information sont rendus interopérables.
Il s’agira également de cibler les groupes de population plus finement (âge, pathologies, intérêts) et d’offrir des services pertinents qui les intéressent particulièrement pour développer les connexions. Par exemple, les besoins en termes de services mis à disposition sur la plateforme ne sont pas les mêmes pour les jeunes parents et les jeunes enfants que pour le suivi des patients complexes. Notamment, pour les jeunes enfants, l’intégration de fonctionnalités de suivi de la vaccination est un élément important. L’utilisation régulière en sera aussi renforcée.
L’inscription des patients et des professionnels à «Mon DossierMedical.ch» n’est plus une anecdote. L’utilisation est maintenant concrète et les inscriptions sont régulières avec environ 300 nouveaux patients par mois – soit un total de plus de 4600 dossiers actifs – et plus de 380 médecins connectés.
Avec l’Imad (Institution genevoise de maintien à domicile) et l’Association PRISM (Promotion des réseaux intégrés des soins aux malades), nous travaillons sur la prise en charge des patients complexes.3
Nous collaborons également avec différentes structures telles que les associations, communes, etc. pour promouvoir l’utilisation de «MonDossierMedical.ch» et multiplier les points d’inscription. Des séances publiques seront organisées dans le courant de l’année, permettant de présenter «MonDossierMedical.ch» et d’inscrire les citoyens intéressés. Toutes les informations sont disponibles sur notre site internet (www.mondossiermedical.ch).
Des actions ciblées sont également menées dans divers lieux des HUG : à l’Hôpital des Trois-Chêne, l’inscription à «MonDossierMedical.ch» est proposée lors d’une hospitalisation en gériatrie ; aux urgences, les inscriptions permettent d’utiliser efficacement le temps d’attente ; prochainement, les patients admis en électif se verront également proposer systématiquement l’inscription.
Le réseau de partenaires impliqués s’étendant (figure 2), nous souhaitons maintenant que l’utilisation de «MonDos sierMedical.ch» soit inscrite dans les projets prioritaires des partenaires sanitaires (institutions, cliniques privées, médecins traitants, etc.).
Pour 2015, les perspectives sont l’amélioration de la prise en charge des patients complexes dans le cadre du réseau de soins avec la mise en place d’un plan de médication partagé, la possibilité d’alimentation du dossier par le patient lui-même et la phase pilote du projet plan de soins partagé réalisé en partenariat avec PRISM (www.prism-ge.ch) et Imad (www.imad-ge.ch).
Il s’agit aussi de développer les points d’inscription dans le canton.
Le plan de médication partagé vise à disposer d’une vue aussi complète que possible du traitement médicamenteux pris par le patient (figure 3). Cette vue permet ainsi au médecin prescripteur d’avoir une vision d’ensemble et d’éviter aussi bien les prescriptions à double que les éventuels effets indésirables dus à l’absence d’information sur ce que prend réellement le patient.4 Des outils de détection d’effets adverses en lien avec les autres médicaments ou certaines informations relatives au patient (poids, âge, grossesse, allergies, etc.) seront également mis en place progressivement. La figure 3 montre l’interface du plan de médication partagé pour un professionnel de santé (ici le Dr J. AMG qui complète le plan de traitement de Mme Caroline). On peut voir que deux médicaments ont été prescrits par le Dr Nadrault, et que le troisième a été prescrit par le Dr AMG.
Le plan de médication partagé (entre les professionnels de santé, qui peuvent l’amender) permet également de facilement produire et imprimer une carte de traitement (figure 4), sorte de «menu» pour le patient lui indiquant ce qu’il doit prendre, à quelle dose, à quelle heure et avec une indication du pourquoi. Une image du comprimé pourra même être ajoutée pour les personnes ayant de la peine à reconnaître les différents médicaments. La figure 4 montre la carte de traitement correspondant à la liste de médicaments de la figure 3.
Cet outil essentiel dans la continuité des soins n’est actuellement disponible que dans «MonDossierMedical.ch». Il existe cependant de nombreux autres systèmes de prescription (aux HUG, chez un certain nombre de médecins privés, dans les cliniques) et les pharmacies disposent de leur propre gestion de la remise de médicaments. Une tâche prioritaire en 2015 est donc de permettre à ces différents logiciels de communiquer leurs informations afin d’avoir un plan de médication partagé aussi complet que possible, tout en évitant bien sûr qu’il soit nécessaire de saisir une information à deux endroits. Cela permettra entre autres au pharmacien de réimprimer la carte de traitement pour le patient avec les informations à jour, qui peuvent être différentes par exemple lorsqu’il y a eu remplacement d’un médicament par un générique.
Dans les réseaux de soins du canton de Vaud, un projet pilote basé sur la même plateforme que Genève et centré sur l’utilisation du plan de médication est en cours de développement. Un autre projet, permettant à l’Hôpital fribourgeois de connaître les médicaments délivrés par les pharmacies du canton, est en cours de déploiement. Les différents projets sont suivis par «eHealth Suisse», organe de coordination «Confédération-cantons». Le secteur e-health de la Direction générale de la santé de l’Etat de Genève participe activement aux séances de coordination intercantonales, permettant ainsi de partager les expériences acquises. Un groupe utilisateurs entre les cantons de Genève, Vaud et Tessin qui emploient la même plateforme est mis en place pour le partage des expériences.
Par ailleurs, l’implémentation de «MonDossierMedical.ch» est basée sur les standards internationaux actuels (IHE – Integrating the Healthcare Enterprise), standards repris au niveau national par l’organe de coordination «eHealth Suisse». Il en ira de même pour la communication du plan de médication partagé entre les différents logiciels : nous travaillons étroitement avec les organes de standardisation internationaux (IHE Pharmacy), l’IPAG (Groupe de travail interprofessionnel pour le dossier électronique du patient) et «eHealth Suisse» pour définir le format d’échange au niveau national à partir des standards internationaux. Ce format d’échange pourra être repris par tous les intervenants dans le domaine afin de minimiser les problèmes de compatibilité entre les différentes réalisations.
Ce qui aujourd’hui est un projet novateur sera dans les pratiques habituelles demain.
Vous êtes-vous déjà inscrit ?
> «MonDossierMedical.ch» est une démarche pionnière en Suisse qui permet au citoyen de créer un dossier médical et de mettre à disposition des professionnels de santé les données médicales nécessaires pour sa prise en charge
> C’est le patient qui gère son dossier et choisit à quel professionnel il souhaite donner les accès
> Un plan de médication partagé accessible par différents prestataires de soins diminue les erreurs de médication
> Pour les médecins et les patients qui veulent s’inscrire les informations sont disponibles dans la rubrique «Comment rejoindre “MonDossierMedical.ch” ?»
Le canton de Genève met gratuitement à disposition de sa population un dossier médical électronique partagé et sécurisé, accessible en ligne par les patients et par les professionnels de santé auxquels le patient a donné des droits d’accès. Le projet pilote, pionnier en Suisse, lancé en 2009 sous la forme d’un partenariat public-privé avec la Poste suisse, se déploie largement depuis 2013 et compte déjà plus de 4600 patients et 380 médecins inscrits. Ces chiffres augmentent régulièrement au fur et à mesure que des prestataires de soins (médecins, cliniques privées, laboratoires) rejoignent la communauté. Des éléments complémentaires à valeur ajoutée, comme les plans de soins et de médication partagés augmentent l’attrait de cet outil.