De nouveaux et solides espoirs thérapeutiques semblent désormais bien en vue dans la prise en charge des personnes souffrant de mucoviscidose. Ils résultent d’une étude qui vient d’être publiée dans The New England of Medicine1 – publication associée à un éditorial intitulé «Another beginning for cystic fibrosis therapy», signé du Pr Pamela B. Davis (Case Western Reserve University).
On sait que cette affection est la conséquence de mutations du gène CFTR entraînant une altération de la protéine désignée par le même sigle (CFTR pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Cette protéine est un canal ionique dont la fonction est de réguler le transport du chlore à travers les membranes cellulaires. Son dysfonctionnement provoque une augmentation de la viscosité du mucus et son accumulation progressive, chronique, dans les voies respiratoires et digestives. La forme clinique la plus fréquente de la maladie associe troubles respiratoires, digestifs et de la croissance. Mais de nombreux progrès thérapeutiques et préventifs ont, ces dernières décennies, permis d’augmenter de manière spectaculaire l’espérance de vie des jeunes malades. En France, par exemple, l’espérance de vie à la naissance est ainsi passée de sept ans en 1965 à 47 ans en 2005.
Après des premiers essais cliniques de petite taille, la revue nord-américaine publie aujourd’hui un travail international de grande ampleur mené auprès de 1108 personnes souffrant de cette affection (homozygotes pour la mutation ΔF508 de la CFRT), âgées de 12 ans et plus : deux phases 3 randomisées en double aveugle contre placebo. Il s’agissait d’évaluer (durant vingt-quatre semaines) l’efficacité du lumacaftor (VX-809, Vertex Pharmaceuticals) associé à l’ivacaftor (VX-770, Vertex Pharmaceuticals). L’essai a été mené entre avril 2013 et avril 2014. Soit, en pratique : 600 mg de lumacaftor une fois par jour associé à 250 mg d’ivacaftor deux fois par jour.
Le lumacaftor est généralement présenté comme un «correcteur» expérimental du gène muté de la protéine CFRT. Il a déjà démontré son efficacité lorsque son action est potentialisée avec l’ivacaftor. Dans leur dernière publication, les auteurs détaillent les améliorations significatives qu’ils ont observées (dès le quinzième jour) dans le groupe lumacaftor-ivacaftor : réduction des épisodes infectieux et améliorations objectives portant sur la fonction respiratoire et le gain de poids. Le Pr Stuart Elborn (Queen’s University Belfast), qui a dirigé la partie européenne de l’essai, a dit son enthousiasme à la BBC, tout en précisant qu’en l’état actuel des données, ces résultats ne pouvaient concerner l’ensemble des variants génétiques de la mucoviscidose. Pour le Pr Susanna McColley (Northwestern University), ces résultats sont tout bonnement «révolutionnaires». Plusieurs questions sont désormais soulevées quant aux modalités thérapeutiques – et des évaluations cliniques complémentaires sont bien évidemment encore nécessaires avant que cette nouvelle approche thérapeutique puisse commencer à être proposée en routine aux patients répondants.
Pour autant, il semble bien, en marge de la thérapie génique, que ce sont là des résultats hautement prometteurs. Ils apparaissent marquer une nouvelle ère dans le traitement de cette maladie génétique dont la fréquence soulève d’importantes questions pratiques. Ce sont aussi des résultats qui témoignent d’une percée dans le champ de la «pharmacopée génétique». Et ce, un quart de siècle après l’isolement du gène (c’était dans Science, en 1989). Une découverte qui devait, aussi, conduire au développement du diagnostic préimplantatoire des embryons conçus in vitro et porteurs de cette mutation.
On sait que l’efficacité des traitements antibiotiques dans les infections à Clostridium difficile récidivantes est assez faible et qu’elle diminue lors de chaque nouvelle réinfection. Cette situation explique le développement des démarches thérapeutiques «alternatives», parmi lesquelles des interventions originales sur la micro-écologie intestinale. Des études prospectives cherchent notamment à démontrer l’efficacité de la transplantation de selles par sonde naso-duodénale dans le traitement des infections récidivantes. Cette approche a déjà fourni des résultats prometteurs. Toutefois, la transplantation de selles nécessite encore des investigations complémentaires pour être optimisée et, surtout, codifiée. En toute hypothèse, ces approches soulignent, de manière convergente, l’importance thérapeutique qu’il convient ici d’accorder à cette micro-écologie intestinale.
C’est dans ce contexte que s’inscrit une étude qui vient d’être publiée dans le JAMA 2 et qui montre que l’administration orale de spores provenant d’une souche de Clostridium difficile non toxique est de nature à réduire le risque de récidives chez des patients ayant eu un premier épisode infectieux. On parle ici de «bactériothérapie».
Cette étude internationale a été dirigée par le Pr Dale Gerding (Stritch School of Medicine, Loyola University Chicago, Maywood, Illinois). Il s’agissait d’une étude de phase 2, menée contre placebo dans quarante-quatre centres aux Etats-Unis, en Europe et au Canada. Les auteurs ont comparé l’administration de ces spores chez 173 personnes ayant eu un premier épisode d’infection à Clostridium difficile traité et guéri. Trois bras avaient été constitués selon le dosage et la durée de traitement. A six semaines du traitement, il y a eu 11% de récidives dans le groupe Clostridium difficile non toxique versus 30% dans le groupe placebo. Avec la dose la plus efficace (107 spores/jour pendant sept jours), le taux de récurrence est tombé à moins de 5%. Or, dans cette population, il est de l’ordre de 25 à 30%.
… des résultats qui témoignent d’une percée dans le champ de la «pharmacopée génétique» …
La colonisation digestive par la bactérie non toxique est en outre corrélée à la protection obtenue. L’hypothèse la plus vraisemblable est que la souche non pathogène emprunte les mêmes voies métaboliques ou d’adhérence et gagne la compétition sur les bactéries pathogènes résidentes et/ou sur celles nouvellement ingérées. Excellente tolérance.
Cette approche originale n’est en rien exclusive des autres pistes explorées contre cette infection. Les auteurs soulignent que les vaccins antitoxines injectables, en cours de développement, «pourraient offrir une protection plus durable». Toutefois, comme la réponse anticorps vaccinale met longtemps avant d’atteindre un taux suffisant (notamment chez les personnes âgées), la «bactériothérapie» pourrait être une solution transitoire en attendant que les vaccins aient acquis leur efficacité. Les spores non toxigéniques apparaissent comme une nouvelle arme, aux côtés d’autres possibilités thérapeutiques, comme les anticorps monoclonaux antitoxine et la transplantation fécale. La rapidité des effets obtenus et sa tolérance constituent des arguments pour son usage contre les transmissions dans les collectivités à haut risque de contamination, hôpitaux et maisons de retraite.
Le Pr Dale Gerding estime quant à lui qu’il pourrait y avoir une application de cette approche en prévention primaire chez les personnes âgées vulnérables, traitées par antibiotiques et vivant en institution. On observera que toutes ces approches coïncident avec l’intérêt croissant pour une relecture de la physiologie digestive – intérêt dont le succès d’un ouvrage allemand destiné au grand public 3 constitue un éloquent symptôme.