Les stages dans des pays en développement pour les étudiants en médecine suisses (et en soins infirmiers) se sont popularisés au cours de ces dernières décennies. En Suisse romande, quatre formats de stage se sont mis en place depuis 1980, dont l’un, le plus récent, regroupant étudiants en médecine et en soins infirmiers lausannois. Ces stages suscitent enthousiasme et engagement sans réserve de la part des participants. Une revue sélective de la littérature met en évidence les nombreux points positifs des stages à l’étranger pour les développements professionnel et personnel des étudiants, mais souligne aussi l’apport que ces stages représente pour les structures d’accueil, pourvu que les institutions impliquées agissent en partenariat et que les stages fassent l’objet d’une bonne préparation de part et d’autre pour éviter des écueils, notamment d’ordre éthique.
Par le passé, la formation du médecin et du personnel soignant était principalement centrée sur le contexte sanitaire et les réalités de santé publique locorégionales.1,2 Pourtant, dès 1997, l’«Institute of Medicine of the National Academies», le think-tank de la médecine américaine, a appelé à une plus grande sensibilisation des médecins en formation en ce qui concerne l’impact de la mondialisation sur la santé des individus et des populations.3 Mondialisation implique en particulier mobilité accrue et son cortège de maladies possibles, habitudes de vie modifiées par une publicité omniprésente et un accès généralisé à l’information. En 2003, la Fédération mondiale pour l’éducation médicale plaidait aussi pour des professionnels de santé sachant penser globalement et agir localement.4–6 Message repris en 2010 par «The Lancet Commission», un large comité d’experts internationaux, de praticiens et de pédagogues qui définissait le «profil idéal» d’un professionnel de santé exerçant au XXIe siècle, ainsi que les moyens, en termes de formation et de responsabilités institutionnelles, pour le réaliser. Le texte Health professionals for a new century : Transforming education to strengthen health systems in an interdependent world recommande notamment des programmes d’échanges internationaux permettant aux étudiants d’acquérir des connaissances et des compétences dans un environnement de santé globale et une perspective interprofessionnelle ; les institutions de formation, pour leur part, se doivent d’être partie prenante de tels réseaux.7
Notre article présente, à titre d’exemples, quatre programmes de stages dans des pays en développement pour des étudiants suisses romands, deux organisés par la Faculté de médecine de Genève et deux par celle de Lausanne, dont une en collaboration avec la Haute école de santé (HEdS) La Source. Cet article est aussi l’occasion de quelques réflexions sur ces expériences et propose une revue sélective de la littérature traitant des «stages à l’étranger».a
Les quatre programmes proposant à des étudiants de Suisse romande d’effectuer des stages dans des pays en développement sont : a) le plus ancien, émanant de la Faculté de médecine de Genève ; b) le plus récent, associant étudiants en médecine et étudiants en soins infirmiers lausannois ; c) un stage essentiellement géré par des étudiants lausannois en collaboration avec une ONG et d) un programme genevois développé au cours des vingt dernières années sous l’impulsion des étudiants.
Dans le cadre d’un accord de coopération entre les Facultés de médecine de Genève et de Yaoundé,8 les étudiants de la Faculté de médecine de Genève ont, depuis 1980, la possibilité d’effectuer sur une base volontaire un stage en médecine tropicale et santé communautaire au Cameroun. Le stage de deux mois s’effectue lors de l’année d’études à choix, la sixième et dernière année du curriculum de médecine humaine. Jusqu’à aujourd’hui, près de 300 étudiants et étudiantes ont opté pour ce stage.9 Le premier mois de stage s’effectue dans un hôpital public, très souvent en gynécologie ou en pédiatrie, le deuxième mois se déroule dans un centre de santé en milieu rural, au cours duquel les étudiants participent aux activités de médecine préventive et curative et aux divers programmes de santé communautaire. Le stage est précédé d’un cours préparatoire de santé et médecine internationale/tropicale d’un mois à Genève, sanctionné par un examen.10
Le projet de coopération Genève-Yaoudé comprend trois autres volets liés aux stages des étudiants genevois : a) des enseignants de Genève donnent des cours à Yaoundé, tant en sciences fondamentales que cliniques, pour des étudiants ou des médecins selon la discipline abordée ; b) des bourses de formation postgrade, financées par la Confédération suisse et le canton de Genève, sont attribuées à des médecins camerounais sélectionnés pour venir à Genève se spécialiser dans une discipline médicale fondamentale, clinique ou en santé publique. Sur la centaine de médecins ainsi formés jusqu’à présent, plus de 95% sont retournés au Cameroun exercer leur activité professionnelle de spécialiste, souvent en maintenant des liens de collaboration avec Genève et c) poursuite et développement de liens de collaboration Genève-Yaoundé, parmi lesquels on peut noter par exemple l’établissement de cabinets dentaires dans deux hôpitaux de district, l’initiation d’un programme structuré de dépistage et traitement du cancer du col de l’utérus, la caractérisation de méningites survenant chez les enfants, ou encore des cours de formation en médecine de premiers secours (encadré 1).
Encadré 1.
Les étudiants rédigent au terme de leur stage un rapport circonstancié. En voici, à titre d’illustration, quelques extraits :
S, C, J et P écrivent : à l’Hôpital central, nous avons eu l’occasion de faire une quinzaine d’accouchements chacun, supervisés par les sages-femmes expérimentées. La prise en charge d’une future mère comprenait l’accueil, l’examen gynécologique avec suivi de la progression du travail, l’accouchement en tant que tel et les premiers soins pour l’enfant, la délivrance du placenta, l’information quant à l’allaitement et le suivi en post-partum immédiat. Nous avons également été amenés à prendre en charge des patients à la consultation d’urgence de gynécologie-obstétrique (infections, menaces d’accouchement prématuré, grossesse extra-utérine, complications d’avortements illégaux…). Et S, C, J et P poursuivent : durant le deuxième mois, logés dans un centre de santé communautaire en brousse, nous avons pris part aux consultations quotidiennes de l’agent de santé primaire responsable du centre. Les consultations comprenaient entre autres des suivis de grossesse et la prise en charge de pathologies diverses : paludisme compliqué, méningite, rougeole, suspicion de sida, petite chirurgie… Par le contact direct que nous avons eu avec le personnel du centre de santé et la population, nous avons réalisé que, même avec des moyens techniques limités, l’efficacité d’un système médical dépend avant tout du niveau de formation et d’engagement du personnel médical qui est la clef de voûte de l’édifice.
Une autre stagiaire, A, termine son rapport de stage consacré à la médecine communautaire par ces mots : Pour peu que l’on s’aventure un peu plus loin que la stricte activité médicale dans la communauté, un monde étrange et surprenant nous happe. Les préoccupations, le mode de vie, les croyances des habitants, autant de découvertes qui permettent par effet miroir de prendre conscience de ses propres conceptions du monde. En cela réside la puissance du stage à l’étranger : plus qu’un pays, c’est soi-même que l’on parcourt…
Ce programme pilote, initié en 2014 grâce à un soutien financier ad hoc du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture du canton de Vaud, se déroule au «Nursing & Medical College, Father Muller Institute» à Mangalore, ainsi qu’au «PSG Nursing & Medical College» à Coimbatore, tous deux situés dans le sud de l’Inde.11 Préalablement à la venue des premiers stagiaires lausannois, une visite sur le terrain avait permis de mieux définir les implications respectives des infirmières et des médecins dans la santé communautaire indienne et de déterminer le cadre dans lequel allait se dérouler le programme ; celui-ci a pris comme modèle le «Community-Based Participatory Research (CBPR)» développé localement.12
Pendant un mois, huit étudiants lausannois répartis en deux groupes interprofessionnels ont étudié deux problèmes de santé publique majeurs dans le sud de l’Inde, le diabète et la tuberculose, selon une approche qualitative par questionnaires semi-structurés établis en partenariat avec les institutions indiennes. Le premier groupe étudiait la problématique du diabète de type 1 chez des enfants entre 5 et 18 ans (une maladie à haute prévalence au sud de l’Inde),13 sous l’angle des différences de perception de cette affection parmi les enfants diabétiques, leurs parents, les professionnels de la santé en milieux rural et urbain dans la région de Coimbatore. Le second groupe, actif également en milieux rural et urbain dans la région de Mangalore, étudiait les mêmes éléments de perception concernant la tuberculose de l’adulte (elle aussi à haute prévalence dans le sud de l’Inde),14 en y ajoutant les facteurs de discrimination et de stigmatisation liés à cette maladie. Dans les deux cas, la collecte des données s’est déroulée auprès d’une vingtaine de personnes concernées et d’une dizaine de professionnels de santé impliqués. Les résultats, discutés et élaborés avec les partenaires lausannois et indiens, ont été présentés localement et dans le cadre d’un poster lors du Congrès d’immersion communautaire de la Faculté de biologie et médecine de Lausanne.15 Le bilan de cette première immersion communautaire interprofessionnelle montre qu’elle a été très bien perçue par tous les participants et intervenants. A noter tout particulièrement aussi l’excellente dynamique qui s’est établie entre étudiants en médecine et étudiants en soins infirmiers qui ont pu constater et apprécier leurs spécificités, mais aussi leurs complémentarités. Au vu de ce bilan positif, de nouveaux programmes de ce type sont d’ores et déjà à l’étude pour d’autres pays d’Asie (encadré 2).
Encadré 2.
Groupe d’étudiantes ayant participé au programme en 2014
Ce programme a été tout à fait novateur dans notre parcours de formation à plusieurs égards.
Tout d’abord, nous avons été impressionnées par la qualité des soins de santé communautaire existants capables de prendre en charge un grand nombre de patients et une multitude de pathologies.
L’expérience du groupe interprofessionnel que nous étions a été une bonne surprise : les connaissances cliniques et les compétences en soins des étudiantes en soins infirmiers ainsi que leurs capacités de communiquer avec les patients en charge ont complété de manière pertinente les connaissances théoriques des étudiantes en médecine. Se former ensemble à travers de tels projets nous a permis de mieux nous préparer pour travailler ensemble dans une approche médico-infirmière une fois diplômées.
Enfin, vivre pendant quatre semaines dans une toute autre culture, observer la pauvreté extrême, mener un projet de recherche qualitative exploratoire en collaboration avec les professionnels de la santé locaux a été une vraie expérience de vie et l’occasion de se rendre compte que nous sommes des privilégiées.
Des étudiants et étudiantes de la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne ont créé, en 2009, l’association M.E.T.I.S (Mouvement des EtudiantEs Travaillant contre les Inégalités d’accès à la Santé, http://metislausanne.com), dont l’objectif principal est de sensibiliser les étudiants en médecine et soins infirmiers aux problématiques de santé de populations particulièrement vulnérables et de leur venir en aide.16 M.E.T.I.S propose dans ce cadre un stage en Tanzanie dans un Centre de santé en milieu rural pour participer au projet CALWHA17 ayant pour but d’améliorer la santé, l’adhésion thérapeutique ainsi que les connaissances sur le VIH des enfants atteints du VIH/sida. CALWHA est opérationnel dans deux centres de santé au nord de la Tanzanie, à Ukerewe et Shirati. En Tanzanie, les patients atteints du VIH/sida peuvent se rendre régulièrement dans un dispensaire afin de recevoir leurs médicaments pour un mois. A cette occasion, ils sont également vus par un médecin et des examens de laboratoire sont effectués si nécessaire. A Shirati, ainsi qu’à Ukerewe, la plupart des enfants et adolescents séropositifs ou malades ne se rendent toutefois au dispensaire que trois à quatre fois par année, avec comme corollaire une prise de médicament plus aléatoire et un suivi médical moindre. Le projet CALWHA a pout but de changer cet état de fait. L’approche choisie est de consacrer au dispensaire une journée par mois spécifiquement réservée aux jeunes (Children Day) pendant laquelle traitements, consultations et messages de prévention sont offerts, la journée se concluant par la distribution de nourriture pour les jeunes et leurs familles.
M.E.T.I.S organise chaque été un stage de trois à quatre semaines pour une dizaine d’étudiants. Dans un premier temps, les étudiants ont mis en place le projet sur les deux sites. A présent, ils participent, par le biais de rencontres, discussions et questionnaires de satisfaction, à l’évaluation de l’efficacité du projet en termes d’adhésion thérapeutique, de motivation et besoins des patients et de leurs familles, ainsi que ceux des personnels de santé du dispensaire. Les étudiants ont aussi la possibilité d’assister aux consultations.
Il convient d’insister ici sur un point tout particulièrement : la nature profondément originale du projet M.E.T.I.S, puisque celui-ci a été initié et est géré par les seuls étudiants, et ce avec beaucoup d’enthousiasme et un engagement sans faille (encadré 3).
Encadré 3.
Groupe d’étudiants ayant participé au programme en 2013
Partir en Tanzanie a été pour nous une expérience extrêmement enrichissante. Se retrouver entassés dans un dispensaire de 20 mètres carrés avec une trentaine de personnes séropositives et penser au risque de transmission tuberculeuse, voir un enfant de 8 ans inconscient après un accident de la route et se rendre compte que l’équipe médicale n’a aucun outil pour évaluer la situation ou au contraire voir à quel point l’équipe médicale est investie et se soucie assez des patients perdus de vue pour faire 4 heures de jeep afin de les retrouver sont des expériences que l’on ne peut que faire à l’étranger. Les systèmes de santé sont tous différents, la manière de pratiquer la médecine l’est aussi sans parler des moyens, du matériel à disposition. Tout cela, avant de partir, on le sait déjà, mais on ne l’a pas vécu. Se rendre dans un pays en voie de développement nous permet de nous rendre compte de ces différences, nous invite à nous poser des questions sur notre propre culture et notre système de santé.
Il y a une vingtaine d’années, dans le cadre d’une importante réforme des études de médecine humaine,18 l’enseignement de la dimension communautaire de l’activité médicale a été repensé de fond en comble.19 Parmi les innovations proposées, un stage obligatoire d’immersion en communauté de quatre semaines, à la fin de la troisième année Bachelor, était organisé pour l’ensemble des étudiants de la volée, différant en cela des autres stages de ce type qui restaient, eux, optionnels. Les étudiants, par petits groupes de deux à quatre participants (avec l’aide d’un moniteur-répondant), choisissaient un problème de santé pour l’analyser dans sa complexité biopsychosociale, initialement dans le contexte genevois uniquement.20 A l’initiative d’étudiants plus aventureux, le programme s’est ensuite rapidement ouvert sur l’étranger, en particulier des pays en développement.21 Actuellement, plus des trois quarts des étudiants d’une volée (soit plus d’une centaine) effectuent chaque année leur stage d’immersion en communauté à l’étranger. Le stage comporte une préparation à Genève, notamment la recherche d’une institution d’accueil et l’esquisse d’un projet avec objectifs de formation qui est soumis à un comité facultaire ad hoc pour validation.22 Le stage se déroule sur six semaines dans la structure d’accueil. Outre l’activité proprement dite au sein de l’institution, des objectifs additionnels sont poursuivis, telles la découverte de la politique et du système du pays visité, l’approche d’autres contextes culturels et les implications qui peuvent en découler, en particulier la prise de conscience de l’impact délétère de la pauvreté et du manque de ressources sur l’état de santé des populations.22 De plus, des groupes d’étudiants ont été eux-mêmes à l’origine de projets dans la communauté d’accueil, par exemple la mobilisation de ressources ayant permis de financer une salle d’accouchement (Mali), la réalisation d’une campagne de dépistage du diabète dans un district (Bénin), le développement d’un système de collecte de données informatisées d’une casa materna (Nicaragua), ou une recherche sur la prévalence des infections nosocomiales dans un hôpital de campagne (Arménie), pour n’en citer que quelques-uns. Un élément important et structurant qui conclut obligatoirement le stage d’immersion en communauté, que ce soit à Genève ou à l’étranger, est la rédaction d’un rapport circonstancié ainsi que sa présentation orale devant les pairs de la volée (et les moniteurs intéressés) lors de séances publiques facultaires (encadré 4).
Encadré 4.
Groupe d’étudiants ayant réalisé leur stage à Cuba en 2013
Il va sans dire que nous avons beaucoup appris au cours de ces six semaines d’immersion, dans des domaines variés. En ce qui concerne le système de soins cubain, nous avons été frappés par son aspect gratuit et facile d’accès, avec comme revers de la médaille un manque de matériel, un manque de médicaments, bas salaire des médecins, pratique d’une médecine du tiers monde à certains égards…). Nous avons pu nous interroger sur les aspects positifs et négatifs de ce système en comparaison du système de santé suisse… Autant dire qu’il y a matière à réflexion ! Nous avons été particulièrement étonnés par l’excellente formation des médecins, l’importance du rôle du médecin de famille, le poids mis sur la prévention, le bon niveau d’instruction de la population ainsi que le rôle que joue la famille dans ce système de santé. Nos connaissances d’espagnol nous ont permis d’entrer directement en contact avec la population et de connaître l’opinion de nombreux Cubains en ce qui concerne la vie en général ainsi qu’en ce qui concerne le système de santé.
Groupe d’étudiants ayant réalisé leur stage en Guyane en 2013
Ce stage nous a beaucoup plu car nous avons été très bien intégrés dans les équipes médicales… Nous avons beaucoup apprécié la politique de l’hôpital d’adaptation à la culture locale. Ainsi, une bonne partie du personnel parle la langue locale, le Nenge-Tongo, parlé par les populations descendantes des esclaves noirs-marrons. Nous avons dû nous-mêmes apprendre les bases de cette langue, et comprendre certains aspects de la culture des patients. C’était très enrichissant. Nous avons participé à des séances de groupe d’éducation thérapeutique. C’était très valorisant comme expérience, mais un véritable défi ! Comment expliquer à des patients qui ne parlent pas forcément le français ni l’anglais, qui ne sont pas toujours lettrés, ce qu’est la drépanocytose, comment fonctionne le traitement et comment gérer les crises. Autre défi, les patients atteints de drépanocytose doivent boire beaucoup pour s’épargner des crises, difficile lorsqu’il n’y a pas d’eau courante, que le puits est loin et que l’eau n’est pas forcément potable.
La difficulté majeure pour l’Hôpital de Saint Laurent, c’est le suivi des patients. Beaucoup de patients habitent à 4 heures, voire plusieurs jours de pirogue. Dans ce contexte, le suivi devient compliqué, et les patients n’ont que peu d’intérêt à se rendre à l’hôpital pour un suivi, lorsqu’ils ne se sentent pas malades. Pour nous, ce n’était pas toujours facile de voir des patients qui présentent des complications graves de maladies chroniques qui auraient dû être prévenues…
Nous avons été très heureux de vivre cette expérience, et tenons à vous remercier pour l’organisation de ce stage. C’était une riche expérience que nous espérons pouvoir renouveler dans le futur !
A en croire la littérature, les bénéfices que retirent les étudiants en médecine (et les étudiants en soins infirmiers) de stages dans un pays en développement sont multiples et variés. De nombreux travaux rapportent ainsi une plus-value de tels stages en matière de connaissances en médecine communautaire et tropicale,23 en compétences interculturelles,24 et aussi en compétences cliniques ;25 la prise de conscience de l’importance des déterminants sociaux en matière de santé est aussi au premier plan.26 L’effet positif des stages sur le développement personnel des étudiants est aussi souligné : confiance en soi, prise de décision, indépendance, utilisation mesurée des ressources matérielles et attention donnée aux mesures de promotion de la santé, par la prévention notamment. Des travaux signalent également un bénéfice pour l’institution-hôte qui gagne une meilleure visibilité et plus de prestige aux yeux des patients, ainsi qu’un renforcement de la motivation du personnel soignant pour se tenir à jour.27,28 Certains auteurs établissent une liste de points à respecter qui permettent de «garantir» qu’un stage d’étudiants d’un pays développé dans un pays en développement sera enrichissant pour les uns et pour les autres : partenariat équilibré entre les institutions, structures souples, programmes d’activités flexibles permettant des adaptations en cours de stage et, bien sûr, l’engagement sans faille de la part du stagiaire, ainsi que la volonté affirmée des institutions partenaires de ne pas se limiter aux «outcomes» tangibles pour juger la qualité du stage. Le processus interactif que celui-ci génère a tout autant d’importance.29 La préparation en amont de ces stages tant par les institutions formatrices des pays développés que l’encadrement local dans les pays d’accueil constitue une condition centrale de leurs succès.
Il existe aussi des voix critiques. Sont notamment évoqués les risques de maladies et d’accidents pour le stagiaire,30 la possible décompensation psychique de celui-ci devant des situations dramatiques.25 Du point de vue de l’institution-hôte, il est fait mention que la présence de stagiaires peut grever les ressources locales, tant humaines que matérielles.31 Par ailleurs, prend-on suffisamment en compte les enjeux éthiques sous-jacents aux stages ?32 A qui ces derniers profitent-ils vraiment ?33 Pourraient-ils même représenter une forme de néocolonialisme déguisé en santé ?31 Une enquête récente auprès d’institutions-hôtes de 22 pays en développement reconnaît la validité de certaines de ces critiques, mais fait état avant tout des nombreux points positifs des stages pour les deux parties,34 pour autant que chacune y soit bien préparée.35
Sur la base de ce que nous avons relaté, on peut dire que les expériences genevoises et lausannoises sont en ligne avec les recommandations de «best practice» émises par le «Working Group on Ethics Guidelines for Global Health Training»36 en ce qui concerne le sujet des «International Health Electives».
L’enthousiasme des étudiants pour ces stages et le sérieux dans leur engagement au cours des années sont tels que la Faculté de biologie et médecine de Lausanne considère de les multiplier, en collaboration avec la HEdS La Source alors que la Faculté de médecine de Genève a mis en place une filière mention spécifique «Santé internationale et médecine humanitaire».37,38
Les auteurs tiennent à remercier tout particulièrement le professeur Alain Perrelet pour sa relecture critique du manuscrit, ses nombreux commentaires pertinents et son soutien rédactionnel.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
International Health Electives performed in developing countries by students of medical and nursing schools from industrialized nations have recently become a highly valued element in curricula of medical and nursing schools. We report here four examples of such electives developed over the years at the Faculties of medicine of Geneva and Lausanne, one involving both medical and nursing school students. These electives foster enthusiasm and commitment among students and host institutions abroad. A selective review of the literature highlights the many positive aspects of such electives for the professional and personal development of students. It also emphasizes what the host institutions can gain from these electives provided the latter are organized in a balanced partnership and that the students receive a careful preparation to avoid possible pitfalls.