La chirurgie par voie ouverte est le «gold standard» pour les résections hépatiques. La chirurgie hépatique laparoscopique gagne de l’importance grâce à de meilleurs résultats à court terme, mais est rendue difficile par les limitations techniques. La chirurgie robot-assistée a été développée afin de rendre possible des procédures minimalement invasives plus complexes. Dans notre institution, seize résections hépatiques robot-assistées ont été réalisées depuis 2010 avec d’excellents résultats périopératoires, notamment des durées de séjour diminuées. La littérature confirme les résultats prometteurs et la faisabilité de la chirurgie hépatique robot-assistée. Des études systématiques sont encore nécessaires afin de préciser les avantages, les indications et le rôle de la chirurgie robot-assistée pour les résections hépatiques.
Depuis la première description d’une résection hépatique élective à Berlin par le Pr Langenbuch, en 1881, de nombreuses innovations ont influencé ce domaine complexe de la chirurgie et contribué de manière significative à son progrès.1 Il convient de citer tout particulièrement la compréhension toujours plus précise de l’anatomie du foie ou encore les avancées techniques dans le domaine de l’anesthésie mais aussi de la chirurgie,2–5 comme par exemple le développement de l’ultrason intraopératoire,6,7 l’amélioration de l’imagerie périopératoire, les dispositifs d’agrafage vasculaire 8 et ceux à visée hémostatique utilisant diverses sources d’énergie.9–11
Du fait de la faisabilité et de la standardisation croissantes de la chirurgie hépatique, celle-ci n’est pas restée indifférente au développement de la chirurgie minimalement invasive durant les deux dernières décennies et le nombre de publications concernant des interventions hépatiques laparoscopiques est en augmentation. Les procédures minimalement invasives présentent – en comparaison avec la chirurgie ouverte – l’avantage d’un traumatisme opératoire réduit, ce qui se traduit concrètement en des douleurs opératoires diminuées, moins d’iléus postopératoires, des durées d’hospitalisation plus courtes, des complications postopératoires moins importantes et des résultats esthétiques meilleurs.12—14 Dans tous les cas, la chirurgie laparoscopique conventionnelle est techniquement limitée jusqu’ici et présente de sérieuses restrictions, comme par exemple une manipulation plus compliquée des instruments non articulés et une vision suboptimale.15 En raison de ces limitations techniques, la chirurgie laparoscopique conventionnelle ne s’est largement imposée que dans le cadre d’opérations relativement simples telles que la cholécystectomie ou les cures herniaires, et les interventions plus exigeantes, comme la résection hépatique, sont uniquement l’apanage de quelques chirurgiens experts.
La chirurgie robot-assistée s’est développée dans les années 80 afin de pallier les limitations de la laparoscopie conventionnelle.16 Actuellement, le dispositif le plus couramment utilisé pour la chirurgie robot-assistée des tissus mous (surtout aux niveaux abdominal et thoracique) est le système chirurgical da Vinci (Intuitive Surgical Inc, Sunnyvale, Californie, Etats-Unis), dont la quatrième génération (da Vinci Xi, figure 1) est disponible depuis le début de l’année 2014.17 Tous les modèles du système da Vinci sont basés sur une configuration similaire avec :
Ces éléments techniques fondamentaux rendent la chirurgie minimalement invasive plus aisée par rapport à la laparoscopie conventionnelle et rendent possibles des manœuvres chirurgicales complexes. Dans le domaine de la chirurgie hépatique, les avantages sont avant tout la possibilité de disséquer les tissus de manière très fine, d’assurer une hémostase plus efficace et de réaliser des reconstructions vasculaires et biliaires conséquentes, notamment chez des patients chez qui l’accès chirurgical est anatomiquement difficile.18 Ces éléments favorisent l’utilisation du système da Vinci dans le domaine de la chirurgie minimalement invasive et peuvent potentiellement mener à un élargissement des indications opératoires pour des interventions complexes, comme par exemple la chirurgie hépatique ou encore les résections oncologiques dans le petit bassin telles que la prostatectomie radicale ou l’excision totale du mésorectum.
La première description d’une résection hépatique robot-assistée date de 2006 et provient d’un centre situé en République tchèque.19 Depuis lors, un nombre croissant d’interventions hépatiques robot-assistées ont été réalisées avec une augmentation concomitante des publications concernant des hépatectomies droites et gauches, des segmentectomies gauches latérales ou encore des résections non anatomiques.18,20–27
Nous réalisons régulièrement des résections hépatiques robot-assistées aux Hôpitaux universitaires de Genève à l’aide du système chirurgical da Vinci (figures 3 et 4) et les premiers résultats ont déjà été publiés.27 Depuis 2010, cette technique a été utilisée chez seize patients avec des indications à des résections hépatiques pour pathologie bénigne ou maligne. Cette expérience initiale n’a concerné que des patients nécessitant des résections allant jusqu’à deux segments hépatiques au maximum. Nos résultats ont été particulièrement probants en ce qui concerne la faisabilité de ces opérations et nous n’avons déploré aucune complication sévère (III ou plus selon la classification de Clavien-Dindo) ni de conversion en chirurgie ouverte. Même si nos temps opératoires ont été plus longs comparés à la chirurgie ouverte, nous avons pu constater un temps de passage plus court en salle de réveil et une durée d’hospitalisation considérablement plus brève. Au vu de cette expérience positive, nous allons continuer à proposer des résections hépatiques robot-assistées et élargir leurs indications à des résections plus conséquentes.
Pour l’instant, il n’existe qu’un nombre limité d’articles scientifiques concernant la chirurgie hépatique robot-assistée.18,20–26 Dans ces études, la majorité des patients présentant une maladie maligne a été exclue et l’opération la plus fréquemment décrite est la segmentectomie gauche latérale. Seul un petit nombre de ces interventions sont des résections étendues telles que des hépatectomies gauches, classiques ou élargies. Globalement, il semblerait que la description des complications s’approche qualitativement et quantitativement de celles retrouvées dans les résections hépatiques laparoscopiques. Les complications hépatiques les plus fréquemment retrouvées sont les fuites biliaires, les dysfonctions hépatiques transitoires et les ascites postopératoires. Les autres complications chirurgicales incluent les épanchements pleuraux, les infections de plaie, les lésions vésicales et les iléus postopératoires. Aucune mortalité n’a été décrite jusqu’ici. Les marges de résection étaient saines pour toutes les résections effectuées pour pathologie maligne. En raison de l’hétérogénéité et de la pénurie de données actuelles, on ne peut tirer de conclusion en ce qui concerne les durées d’hospitalisation et les autres paramètres cliniques. Au final, on peut cependant conclure que les résections hépatiques robot-assistées sont réalisées de manière sûre et efficace lorsqu’elles sont dans des mains expérimentées. Des études de qualité supérieure seront cependant nécessaires pour obtenir des affirmations définitives sur l’utilité de la chirurgie hépatique robot-assistée.
Bien que l’avantage actuel le plus évident de la chirurgie robot-assistée soit la manipulation simplifiée des instruments articulés et la vision améliorée par rapport à la chirurgie laparoscopique conventionnelle, l’innovation potentiellement encore plus significative consiste dans le fait qu’avec le système robotique, pour la première fois, l’élément central de la prise en charge chirurgicale est un ordinateur. De ce fait, des possibilités uniques de création de nouvelles interfaces s’offrent à nous. Dans le domaine de la chirurgie hépatique, on pense avant tout par exemple à la chirurgie guidée par imagerie en temps réel, avec fusion des images acquises en préopératoire sur la console chirurgicale. Des versions simplifiées de cette technologie (sans mise à jour des images en temps réel, mais avec simple projection des images préopératoires sur la console) ont déjà été testées par notre équipe et nous travaillons actuellement en collaboration avec l’industrie afin de développer les possibilités d’utilisation. De plus, la technologie robotique offre non seulement des possibilités de simulations chirurgicales permettant d’améliorer les programmes de formation, mais également de réaliser des chirurgies à distance (téléchirurgie), d’automatiser certains gestes ou étapes opératoires, d’intégrer de l’intelligence artificielle et bien d’autres encore.
Il semble évident que la technologie robotique représente une révolution dans le domaine de la chirurgie moderne et qu’actuellement nous ne prenons conscience que de la pointe de cet iceberg technologique. Nous sommes confiants que la chirurgie robot-assistée s’imposera de manière étendue dans le domaine de la chirurgie minimalement invasive avancée, comme par exemple pour les résections hépatiques, et ce pour le bien-être de nombreux futurs patients.
Open surgery is currently the gold standard for most liver resection. Laparoscopic hepatic surgery is currently gaining significance, but technical challenges remain. Surgical robotics has been developed to overcome these technical limitations and to enable more difficult minimally invasive procedures. At our institution, 16 robotic hepatic resections have been performed since 2010. Shorter length of stay on intermediate care unit and shorter overall hospitalization has been observed with the robotic patients when compared to open hepatic resection. Overall, the literature shows promising data with demonstration of general feasibility of robotic liver surgery. However, more systematic research is needed to precisely determine the potential advantages of robotics over alternative approaches and its overall role for hepatic resections.