L’affaire Daraprim ou quand un vieil antiparasitaire est soudain vendu au prix de l’or. C’est un fait divers médicamenteux et américain. Il éclaire sur les absurdes impasses du capitalisme débridé, lâché dans le champ de l’industrie pharmaceutique. Ce n’est certes pas le premier du genre mais celui-ci offre un effet de loupe qui n’est pas sans vertu pédagogique et politique. L’affaire fait grand bruit outre-Atlantique. Elle a notamment été rapportée de manière détaillée dans The New York Times par Andrew Pollack.1 Elle concerne la pyriméthamine, un bien vieil antiparasitaire (paludisme, toxoplasmose, leishmaniose) revenu de toutes les guerres mais toujours d’active et enrôlé sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS. Il est commercialisé en France sous le nom de Malocide par Sanofi-Aventis (12,94 euros les 20 comprimés ; remboursé à 65% par la Sécurité sociale).
Aux Etats-Unis il était commercialisé sans histoire sous le nom de Daraprim. Jusqu’au moment (c’était en août) où la firme Turing Pharmaceuticals a acquis les droits sur ce médicament. Son prix est alors passé de 13,50 $ à 750 $. Soit environ 5500% d’augmentation.
En quelques heures, le PDG de Turing, 32 ans, ancien des «hedge fund» s’est fait un nom : Martin Shkreli. Il est aujourd’hui la cible de très nombreuses attaques émanant de ceux qui croient encore en une possible éthique de la profession pharmaceutique. Pour l’heure, M. Shkreli explique, calmement qu’il lui fallait sauver l’entreprise, et qu’avec les profits à venir il investira dans la recherche et le développement. Et qu’il faut compter avec les coûts du marketing et ceux de la distribution. Une rhétorique assez classique qui n’est pas sans rappeler celle de Gilead Sciences et de ses nouveaux antiviraux contre l’hépatite C.
A la différence de ce qui se passe en France lorsque l’industrie pharmaceutique agit de cette manière, des sociétés savantes concernées viennent, aux Etats-Unis, de se manifester. The Infectious Diseases Society of America et the HIV Medicine Association viennent ainsi d’exhorter la firme à reconsidérer sa position. «Ce prix est injustifiable pour la population de patients médicalement vulnérables qui ont besoin de ce médicament et il est insoutenable pour le système de soins de santé», écrivent les responsables de ces associations.
Puis l’affaire a pris de l’ampleur. «Les prix abusifs de ce type sur le marché des médicaments de spécialité constitue un scandale» a tweeté Hillary Clinton, citant l’affaire Daraprim et annonçant des propositions pour stopper l’escalade des prix des médicaments. Les entreprises de biotechnologie ont aussitôt dévissé à Wall Street. C’était quelques heures avant l’affaire du mensonge environnemental et monumental de Volkswagen.
«Dessine-moi un fantasme sexuel “normal”». C’est le titre, un tantinet aguicheur, d’un article que vient de publier la déclinaison française d’un nouveau site prometteur : The Conversation (http://theconversation.com).
Ce site n’est pas sans ambition : il se propose d’offrir (gratuitement) «un espace éditorial novateur reposant exclusivement sur l’expertise, dans une logique d’éclairage et d’approfondissement».
«Les contributeurs sont exclusivement issus des milieux académiques, et ne parlent que des sujets qu’ils maîtrisent, afin d’apporter leurs connaissances pour aider les lecteurs à décrypter les faits, à voir l’actualité sous un angle différent, à restituer les choses dans une perspective plus globale, plus historique, plus rigoureuse. Et nourrir ainsi un débat de qualité, explique Arnaud Mercier, professeur en information-communication à l’Institut français de presse (Université Panthéon-Assas, Paris). Nos contributeurs apporteront un autre regard, en proposant des articles sur des thèmes qui font l’actualité de la recherche, représentant des découvertes et des innovations, traçant de nouvelles perspectives sur les chemins du savoir.»
Donner des clés de lecture pour décrypter la complexité du monde contemporain ? Les sciences et la médecine ne devraient pas être les disciplines les moins présentes. L’inauguration est assurée par le Pr Christian Joyal (Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières). Inauguration originale qui traite de psychiatrie et de normalité, d’anglais et de français.
«Piments de la vie sexuelle, les fantasmes peuvent-ils être rangés dans des cases, dûment étiquetés, et déclarés “normaux” (ou pas) ? C’est en tout cas l’ambition des psychiatres de la puissante Association américaine de psychiatrie, éditrice de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM-5, explique ce spécialiste. La version française est parue à l’été 2015. A l’instar des éditions antérieures, la cinquième fait l’objet de nombreux débats et controverses. En particulier, sa définition des fantasmes sexuels dits “anormaux” est particulièrement étonnante. Cette définition qualifie d’anormal (anomalous en anglais) les fantasmes ou comportements sexuels ne correspondant pas à ce qui est appelé la “normophilie”, un néologisme qui postule qu’il existe des manières d’aimer “normales”. Au contraire, la “paraphilie” évoquée par le manuel recouvre “tout intérêt sexuel intense et persistant, autre que l’intérêt sexuel pour la stimulation génitale ou les préliminaires avec un partenaire humain phénotypiquement normal, sexuellement mature et consentant” (p. 807). Il est vrai que le DSM distingue dans sa dernière édition les paraphilies et les troubles paraphiliques pour souligner qu’un intérêt sexuel peut être “anormal”. Mais non pathologique. Sur le fond, comment a-t-on statué que tel ou tel intérêt sexuel est “anormal” ?»
Pour le DSM-5, les fantasmes sexuels focalisés sur des activités «sans contact génital» (le voyeurisme, le fétichisme, la domination, la soumission, le sadisme) sont donc «anormaux». «Non seulement, on pourrait discuter de ce qualificatif lorsqu’il y a acte sexuel, mais que dire des fantasmes ? Sur quelle base déterminer que certains fantasmes non génitaux sont non seulement atypiques, mais aussi “anormaux” lorsqu’ils recouvrent des actes légaux et impliquent des partenaires consentants ? Le DSM-5 n’en dit mot» écrit le Pr Joyal.
Pour tenter de valider cette définition, ce spécialiste a mené une enquête auprès d’adultes de la population générale du Québec. Au total, 1517 adultes (799 femmes et 718 hommes) volontaires ont classé l’attractivité de cinquante-cinq fantasmes sexuels, de zéro à sept. Chaque participant pouvait également nous décrire par écrit son fantasme favori. Ce travail a été publié en février 2015 dans le Journal of Sexual Medicine.2 Les auteurs expliquent avoir pu démontrer que certains fantasmes, considérés comme paraphiliques, sont loin d’être atypiques, et encore moins «anormaux», parmi la population générale. Ainsi, les fantasmes d’être dominé(e), attaché(e), frappé(e) et pris(e) de force étaient rapportés par 30 à 60% des répondants.
La suite ? Elle est à découvrir 3 sur le site de The Conversation.