Cette rubrique présente les résultats d’une revue systématique récente telle que publiée dans la Cochrane Library (http://www.thecochranelibrary.com). Volontairement limité à un champ de recherche circonscrit, cet article reflète l’état actuel des connaissances de ce domaine. Il ne s’agit donc pas de recommandations pour guider la prise en charge d’une problématique clinique considérée dans sa globalité (guidelines). Les auteurs de ce résumé se basent sur la revue systématique et ne remettent pas en question le choix des articles inclus dans la revue.
Une patiente de 43 ans connue pour un lupus érythémateux disséminé et une néphropathie lupique stable et traitée par hydroxychloroquine et mycophénolate mofétil vous rapporte avoir eu contact il y a quatre jours avec un enfant atteint de la rougeole. Elle ne présente aucun symptôme et son dernier bilan vaccinal montre un taux d’anticorps contre la rougeole non protecteur.
La patiente devrait-elle recevoir une immunisation active ou passive contre la rougeole ?
En Suisse, la couverture vaccinale contre la rougeole n’est pas assez importante pour empêcher sa diffusion. L’immunisation passive avec des immunoglobulines est destinée aux personnes non immunes exposées à la rougeole, recommandée en Suisse aux personnes à haut risque. Cette revue visait à évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’injection intramusculaire ou de la perfusion intraveineuse d’immunoglobulines pour prévenir la rougeole chez les personnes susceptibles avant l’apparition des symptômes.
Treize essais (3925 participants) ont été retenus : un essai contrôlé randomisé, deux essais contrôlés quasi randomisés et dix études de cohorte.
Comparée à l’absence de traitement, une immunisation passive avec immunoglobulines (différents produits sanguins utilisés) administrée dans les 7 jours suivant l’exposition :
prévient efficacement la rougeole : gammaglobulines (RR 0,2 ; IC 95% : 0,1-0,4 ; 2 essais, n = 545), récupération sérique (RR 0,2 ; IC 95% : 0,2-0,3 ; 3 essais, n = 301) et sérum adulte (RR 0,5 ; IC 95% : 0,5-0,6 ; 2 essais, n = 586). Les différences d’efficacité des différents produits sanguins sont soutenues par des études non incluses et par deux études montrant que les gammaglobulines étaient plus efficaces que le sérum (RR 0,6 ; IC 95% : 0,5-0,7 ; n = 702) et
prévient efficacement les décès dus à la rougeole (RR 0,2 ; IC 95% : 0,1-0,4 ; 3 essais, n = 893).
Deux études ont comparé l’immunisation passive avec le vaccin contre la rougeole (immunisation active) : le vaccin administré dans les 3 jours semble être plus efficace que les gammaglobulines administrées dans les 7 jours (pas de méta-analyse).
Aucun effet indésirable grave n’a été observé. Les effets indésirables modérés rapportés étaient de la fièvre, des éruptions cutanées, des raideurs musculaires, des rougeurs locales et des indurations.
Hétérogénéité de l’efficacité de l’immunisation passive expliquée par l’usage de différents produits sanguins.
Etudes incluses pas conçues pour détecter des effets indésirables.
Aucune conclusion définitive ne peut être faite quant à l’efficacité de l’immunisation active versus passive.
La plupart des études sont anciennes (seuls 2 essais datent du 21e siècle).
Les populations à risque n’ont pas été évaluées de manière ciblée.
Une immunisation passive administrée dans les 7 jours après exposition diminue efficacement le risque de rougeole et de décès des personnes non immunisées lorsqu’elle est comparée à l’absence de traitement. Le dosage d’immunoglobulines semble influencer l’efficacité, mais une dose minimale efficace n’a pas pu être établie. Il n’est pas possible de tirer des conclusions quant à l’efficacité de l’immunisation passive lors d’une épidémie de rougeole.
L’OFSP recommande une immunisation passive chez cette patiente immunosupprimée ayant un taux d’anticorps non protecteur, l’immunisation active avec un vaccin vivant étant contre-indiquée. Il n’existe actuellement pas de préparation d’immunoglobulines spécifiques contre la rougeole, une immunisation passive avec des immunoglobulines standards, administrées par voie intraveineuse, sera proposée.
Cet article est la traduction d’un résumé Cochrane qui a paru en allemand dans la revue Praxis (N° 11, parution le 20 mai 2015).