Dans cet article, nous allons présenter les faits les plus marquants dans le domaine de la diabétologie en 2015. Il faut avouer que pour le médecin de premier recours, l’apparition de nouvelles molécules antidiabétiques depuis quelques années sur le marché suisse ne facilite pas le choix du traitement. Cependant, cela montre que le diabète de type 2 est une maladie chronique en augmentation constante, associée à de nombreuses complications notamment cardiovasculaires, pour laquelle il est important d’élargir l’offre thérapeutique afin d’individualiser la prise en charge pour chacun de nos patients.
L’Association européenne du diabète (EASD, European Association for the Study of Diabetes) et l’Association américaine du diabète (ADA, American Diabetes Association) ont mis à jour leurs guidelines communes datant de 2012. La modification principale est l’apparition des inhibiteurs du sodium-glucose cotransporteur de type 2 (SGLT-2), ou gliflozines, comme classe thérapeutique utilisable comme n’importe quelle autre classe déjà disponible, après la metformine, qui reste le pilier pharmacologique du traitement du diabète de type 2, bien entendu après les mesures hygiénodiététiques.1 L’autre modification de ces guidelines est la possibilité d’utiliser, combiné à de l’insuline basale, un analogue du glucagon-like peptide-1 (GLP-1), plutôt que de l’insuline prandiale (rapide). Ceci est important, car une récente revue systématique et méta-analyse a démontré que la combinaison insuline basale et analogue du GLP-1 était plus favorable qu’une combinaison insuline basale et insuline prandiale en termes de réduction de l’hémoglobine glyquée, de réduction des hypoglycémies et de perte pondérale.2
Un nouvel inhibiteur du SGLT-2, l’empagliflozine, apparaît en début d’année sur le marché. De plus, un nouvel analogue du GLP-1 injectable une fois par semaine est actuellement disponible, le dulaglutide. L’avantage de ce produit est son usage relativement simple avec un stylo facile à utiliser et qui a une aiguille cachée, mais aussi la fréquence d’administration puisqu’il s’agit d’un injectable une fois par semaine, injection qui peut notamment être réalisée par des infirmières à domicile chez les patients pour qui une injection pose problème (craintes, âge…). D’autre part, on assiste à la mise sur le marché de deux nouvelles insulines basales, l’insuline glargine triple concentrée U300, ainsi qu’un biosimilaire de l’insuline glargine (qui représente en quelque sorte un « générique » de l’insuline glargine). Les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de cette insuline biosimilaire sont comparables à l’insuline glargine classique (U100). Pour ce qui est de la nouvelle insuline glargine triple concentrée U300, celle-ci s’avère, selon les études, plus stables que l’insuline glargine U100, avec une durée d’action supérieure permettant une flexibilité du timing d’injection de plus ou moins trois heures. De plus, de manière générale, cette insuline cause moins d’hypoglycémies et de prise pondérale que l’insuline glargine U100.3
Premièrement, l’étude TECOS (Trial Evaluating Cardiovascular Outcomes with Sitagliptine) a évalué la sécurité cardiovasculaire de la sitagliptine, un inhibiteur de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP4) chez plus de 14 000 patients. Après un suivi médian d’environ trois ans, la sitagliptine ajoutée au traitement standard n’a pas augmenté le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, ou d’autres événements majeurs, chez les patients avec diabète de type 2 et maladie cardiovasculaire avérée.4 Il en ressort donc que la sitagliptine est neutre sur le plan cardiovasculaire, tout comme les deux précédentes études menées avec la saxagliptine et l’alogliptine, quoique la saxagliptine augmentait le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque.
L’autre étude de sécurité cardiovasculaire pour l’un des nouveaux médicaments disponibles sur le marché suisse est l’étude EMPA-REG. Cette étude a analysé les effets de l’empagliflozine, un inhibiteur du SGLT-2, en addition au traitement standard, sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires des patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. Environ 7000 patients ont été suivis sur une médiane d’environ trois ans. L’issue primaire (mortalité de cause cardiovasculaire, infarctus myocardique non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal) est survenue chez 10,5 % des patients du groupe empagliflozine, contre 12,1 % du groupe placebo, révélant une supériorité statistiquement significative de l’empagliflozine. De plus, le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la mortalité toutes causes étaient significativement abaissés dans le groupe empagliflozine. Ces différences étaient en général déjà marquées à partir de trois mois.5 Les mécanismes menant à un bénéfice cardiovasculaire de l’empagliflozine restent inconnus mais dépassent vraisemblablement le seul contrôle glycémique. De plus, il reste à savoir s’il s’agit d’un effet lié à la classe thérapeutique ou à la molécule, mais d’autres études cardiovasculaires sont en cours pour les autres inhibiteurs du SGLT-2. Cependant, cette étude donne un espoir dans la prise en charge de nos patients diabétiques de type 2 qui sont à haut risque cardiovasculaire.
Une nouvelle pompe à insuline, qui peut être couplée à un sensor mesurant la glycémie en continu, a été mise sur le marché suisse en 2015. L’avantage est que l’association de la pompe et du sensor permet au patient, notamment à risque d’hypoglycémies, de prévenir ces dernières grâce à une communication entre le sensor et la pompe qui peut anticiper les hypoglycémies en s’arrêtant avant celles-ci. Il s’agit donc d’un avantage technologique qui va faciliter la vie de certains patients, essentiellement les diabétiques de type 1 avec hypoglycémies fréquentes, notamment nocturnes, et qui nous rapproche de plus en plus du concept de pancréas artificiel.
L’année 2015 a aussi été marquée par des cas rapportés d’acidocétoses euglycémiques (donc sans hyperglycémie) chez les patients traités par inhibiteurs du SGLT-2 (canagliflozine, dapagliflozine et empagliflozine). La physiopathologie menant à ces acidocétoses n’est pas totalement élucidée, mais on sait que ces médicaments augmentent les taux de glucagon, ce qui est connu pour augmenter la synthèse des corps cétoniques. Un déficit de sécrétion d’insuline constitue aussi un facteur de risque. Par ailleurs une néoglucogenèse diminuée et une prise de glucides réduite constituent aussi des facteurs de risque. Dès lors, il est recommandé de suspendre les inhibiteurs du SGLT-2 avant une intervention chirurgicale élective, et de les éviter dans certaines situations, notamment en cas de néoglucogenèse réduite (par exemple en cas d’alcoolisme chronique) ou de diète pauvre en hydrates de carbone. Bien entendu, les inhibiteurs du SGLT-2 ne devraient pas être utilisés chez les diabétiques de type 1 (indication non reconnue par Swissmedic).6
Les nouvelles guidelines ADA/EASD 2015 ajoutent donc les inhibiteurs du SGLT-2 comme classe thérapeutique utilisable après la metformine, au même titre que les autres catégories d’antidiabétiques oraux ou injectables. L’un de ces inhibiteurs du SGLT-2, l’empagliflozine, a démontré une réduction de la mortalité notamment cardiovasculaire chez les patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. Cependant, ces molécules sont aussi associées à un risque d’acidocétose euglycémique et il convient donc de sélectionner soigneusement les patients pour lesquels les inhibiteurs du SGLT2 sont indiqués. Les inhibiteurs de la DPP4 semblent être plutôt neutres sur le plan du risque cardiovasculaire. Finalement, de nouvelles insulines basales sont disponibles et augmentent encore l’arsenal thérapeutique. Cependant, au final, il convient de bien réfléchir aux risques et bénéfices de chacune de ces classes thérapeutiques antidiabétiques, afin d’individualiser la prise en charge d’un patient donné.
L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ La metformine reste le pilier pharmacologique du traitement du diabète de type 2
▪ Le médecin de premier recours a le choix entre de nombreuses catégories médicamenteuses après la metformine
▪ Les études de sécurité cardiovasculaire sur les nouveaux antidiabétiques sont plutôt rassurantes à l’heure actuelle
▪ Les inhibiteurs du SGLT-2 (sodium-glucose cotransporteur de type 2) peuvent parfois causer une acidocétose euglycémique