Après les polémiques concernant les suppléments de calcium et le risque d’infarctus du myocarde, le même groupe d’auteurs néozélandais s’est à nouveau illustré en 2015 en publiant deux nouvelles méta-analyses concernant l’apport calcique, d’une part et la densité minérale osseuse (DMO) ou le risque de fractures, d’autre part.1
L’objectif de la première méta-analyse est de déterminer si l’augmentation de l’apport alimentaire en calcium est susceptible d’améliorer la DMO et si oui, si cet effet est similaire à celui observé avec des suppléments pharmacologiques de calcium. La recherche dans la littérature scientifique a permis d’identifier 59 études, 15 avec des sources alimentaires de calcium (soit 1533 patients) et 51 avec des suppléments calciques pharmacologiques (soit 12 257 patients). Les résultats sont des gains de 0,6 à 1 % de DMO à la hanche totale et au corps entier en augmentant les sources alimentaires de calcium sur une année et des gains de 0,7 à 1,8 %, à ces mêmes sites ainsi qu’au col fémoral et au rachis lombaire après deux ans. Aucun effet n’est observé pour le site radial. Les suppléments pharmacologiques de calcium augmentent de 0,7 à 1,8 % à tous les sites précités, à un an, deux ans, voire deux ans et demi d’administration. Les conclusions de leur évaluation sont que les gains de DMO associés aux apports calciques sont similaires que les sources de calcium soient pharmacologiques ou alimentaires, associées au non à de la vitamine D, quelles que soient les doses utilisées (> ou < 1 g/j, > ou < 500 mg/j et, qui plus est, que les apports initiaux soient > ou < 800 mg/j). Par ailleurs, que les sources de calcium soient alimentaires ou pharmacologiques, les apports génèrent des augmentations de DMO de faible amplitude et de cinétique non progressives dont, selon leur point de vue, l’effet cliniquement significatif sur la réduction des fractures est improbable.2
L’objectif de la deuxième méta-analyse est de déterminer si l’augmentation de l’apport en calcium alimentaire ou pharmacologique est capable de prévenir les fractures. Les études randomisées et de cohortes avec comme cible « la fracture » concernent des patients de plus de 50 ans. La plupart de ces études sont négatives quant à l’association entre la prise de calcium alimentaire et les fractures. Dans les études randomisées avec placebo, que ce soit en association avec de la vitamine D ou en monothérapie, celles qui rapportent une réduction du risque de fractures avec les suppléments pharmacologiques de calcium sont, pour les auteurs, suspectes de biais statistiques puisque celles sans ces biais statistiques n’objectivent pas d’effet protecteur du calcium. La seule étude dont les résultats favorables de réduction des fractures, en particulier à la hanche, sont reconnus par les auteurs est celle de l’équipe lyonnaise, de 1992, menée chez des femmes institutionnalisées, âgées en moyenne de 84 ans, fragiles et en insuffisance mixte de calcium et de vitamine D.3 Les conclusions globales de ces auteurs étant que l’apport de calcium n’est pas associé à une diminution du risque de fractures, qu’il n’y a pas de preuves dans les études que l’augmentation des apports alimentaires en calcium réduise les fractures et que celles apportées avec les suppléments pharmacologiques sont faibles et inconsistantes.4 Il faut néanmoins rappeler que toutes les études d’intervention pharmacologique contre l’ostéoporose ont impliqué des suppléments de calcium et de vitamine D chez tous les sujets.
Ce premier traitement biologique de l’ostéoporose est devenu familier pour les médecins depuis la publication des résultats de l’étude FREEDOM, en 2009, rapportant son efficacité antifracturaire à tous les sites osseux. Au terme des trois années de traitement actif versus placebo, une étude d’extension a été proposée où toutes les participantes étaient sous dénosumab semestriel. Les résultats de l’étude d’extension de huit ou cinq ans de traitement continu par dénosumab ont été publiés en 2015.5 Encore 2784 femmes ont entamé la dixième et dernière année d’extension de l’étude. Qu’il s’agisse du groupe traité dix ans par dénosumab ou du groupe initialement sous placebo et, de ce fait, traité sept années, les gains de DMO se poursuivent et les événements osseux, qu’il s’agisse des fractures vertébrales ou non vertébrales, continuent à présenter des incidences annuelles basses.6
Il s’agit des deux inhibiteurs les plus puissants pour contrôler la résorption osseuse, disponibles en clinique humaine. La question souvent posée est la comparaison de leur performance sur la réduction du remodelage osseux et la prévention des fractures, soit en traitement de première ligne, soit en cas de réponse insuffisante à un traitement préalable par bisphosphonate oral, voire en relais d’un traitement anabolique osseux par tériparatide. Des études commencent à apporter quelques éléments de réponse.
A été évaluée la réponse densitométrique de femmes, avec une ostéoporose postménopausique préalablement traitée par bisphosphonates oraux, sous dénosumab comparé au zolédronate. Il s’agit d’une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle avec double placebo. Les 643 femmes de l’étude, déjà traitées par bisphosphonate oral pendant au moins deux ans avec des réponses insuffisantes, ont reçu une injection unique de 5 mg de zolédronate versus un placebo ou deux injections semestrielles de dénosumab versus un placebo, ainsi que du calcium et de la vitamine D. Les gains de DMO entre l’entrée dans l’étude et le douzième mois sont significativement plus importants sous dénosumab que sous zolédronate (par exemple, + 3,2 % vs + 1,1 % ; p < 0,0001 au rachis lombaire). Le nombre d’effets secondaires est similaire dans les deux groupes. Aucun cas d’ostéonécrose des maxillaires n’a été rapporté, mais il y a eu trois fractures fémorales atypiques (une sous zolédronate, deux sous dénosumab). Ces résultats suggèrent une puissance antirésorptive supérieure du dénosumab par rapport au zolédronate.7
Le relais par un traitement antirésorbeur permet de pérenniser les gains de DMO obtenus avec les traitements anaboliques utilisant la parathormone et ses dérivés, en particulier le tériparatide. Afin d’évaluer la puissance respective du zolédronate par rapport au dénosumab, après tériparatide, une étude cas-contrôle a comparé les gains de DMO chez 99 femmes, deux ans après l’un ou l’autre des traitements relais. Dans les deux groupes, l’âge des patientes était similaire (74 ± 8,5 ans) avec des durées de traitement par tériparatide équivalentes (21,4 ± 3,1 mois). La plupart des patientes avaient, avant le tériparatide, été traitées par bisphosphonates. Les gains de densité osseuse sont plus importants au rachis lombaire et au col fémoral sous dénosumab comparé au zolédronate, mais pas à la hanche totale.8
L’abaloparatide (ABL) est un analogue de la PTHrP (Parathormone related protein) qui stimule le remodelage osseux. Comparé à la PTH (parathormone), l’ABL pourrait avoir un effet plus favorable sur la balance formation/résorption osseuses, tout en étant moins hypercalcémiant, faisant de lui un agent anabolique intéressant. L’étude ACTIVE est un essai de phase 3, en double aveugle, contrôlé par placebo incluant 2463 femmes avec une ostéoporose postménopausique et fractures vertébrale ou périphérique, randomisées pour recevoir soit de l’ABL (80 μg sous-cutané/jour) soit un placebo ou encore du tériparatide (20 μg sous-cutané/jour) en ouvert, ainsi que du calcium et de la vitamine D, pour une durée totale de dix-huit mois. Le but de l’étude est de déterminer l’effet préventif de l’ABL sur l’incidence des fractures ostéoporotiques. L’étude a été suivie jusqu’à son terme par 1901 patientes (78 %). Dans le groupe traité par ABL, on observe une diminution des fractures ostéoporotiques majeures (vertèbre, hanche, poignet, épaule) de 67 % par rapport au groupe traité par placebo (p = 0,0014) (figure 1). Le groupe traité par tériparatide étant « ouvert », la comparaison de l’incidence des fractures sous ABL versus tériparatide n’est scientifiquement que partiellement recevable.9 Les résultats ont également donné lieu à une analyse préplanifiée pour établir la proportion de patientes qui, dans chaque groupe de traitement, ont gagné plus de 3 % de DMO simultanément aux trois sites principaux de mesure (col fémoral, hanche totale et colonne lombaire). Si, comme attendu, les patientes du groupe placebo ne présentent pas de changement significatif dans le temps de leur DMO, les gains sous ABL paraissent de plus grande amplitude et plus précoces que sous tériparatide (tableau 1). Les gains de DMO, de même que la réduction des fractures ostéoporotiques majeures indiquent que l’ABL est un traitement prometteur de l’ostéoporose.10
Néanmoins, à ce jour, seul le tériparatide (fragment 1-34 de la parathormone) est disponible comme traitement anabolique osseux. L’administration par injections sous-cutanées quotidiennes pendant 18 à 24 mois est une limitation à son utilisation par réticence de la part des patients. De ce fait, la perspective de pouvoir délivrer le tériparatide par voie transdermique grâce à un système de « micro-aiguilles » (système MicroCor) est séduisant si tant est que l’efficacité, la sécurité d’emploi et la tolérance soient similaires aux injections sous-cutanées classiques. Une étude pilote a été réalisée sur des patients en comparant deux doses (16 et 38 mg) de parathormone « transdermique » à la dose classique quotidienne de 20 microgrammes de tériparatide. Les évaluations ont porté sur la pharmacocinétique de délivrance de la parathormone par voie transdermique (délivrance pulsée nécessaire à l’effet anabolique) et sur les dosages des marqueurs du remodelage osseux (P1NP pour la formation et CTX pour la résorption). Tous les participants ont complété l’étude avec une excellente tolérance cutanée à l’égard du système MicroCor, sans autres effets secondaires que ceux observés sous tériparatide. Les données pharmacocinétiques de délivrance de la parathormone par voie transdermique paraissent répondre aux attentes et la réponse du P1NP (marqueur de formation osseuse) est similaire quelle que soit la voie d’administration. Si les études à venir confirment ces résultats préliminaires, la délivrance par voie transdermique de la parathormone pourrait être une solution pratique et attractive, en particulier pour traiter les patients les plus âgés, avec l’avantage supplémentaire de la stabilité du principe actif à température ambiante alors que le tériparatide doit être gardé au frais.11
La sclérostine est une glycoprotéine synthétisée par les ostéocytes qui inhibent la différenciation ostéoblastique. De ce fait, l’anticorps monoclonal antisclérostine, le romosozumab est un agent anabolique osseux qui augmente la DMO surfacique chez des femmes ménopausées avec masse osseuse basse.1 Pour évaluer la résistance osseuse, une analyse par éléments finis sur des données obtenues par CT a été réalisée au rachis et à la hanche chez des femmes ménopausées avec masse osseuse abaissée et traitées soit par romosozumab (210 mg sous-cutanés mensuels, 24 femmes), soit par placebo (31 femmes), avec en ouvert 27 femmes sous tériparatide (20 µg sous-cutanés par jour). Sont comparés les résultats avant et à douze mois de traitement. Sous romosozumab, l’augmentation de la résistance osseuse calculée, entre 0 et 12 mois, est de 27,3 % au rachis, contre 18,5 % sous tériparatide et une perte de 3,9 % sous placebo. En dépit de la petite taille du collectif analysé, une augmentation de 3,6 % de la résistance est rapportée sous romosozumab après douze mois, à la hanche, sans changement ni sous placebo ni sous tériparatide. Les limitations de cette étude sont le faible effectif, et l’analyse en double aveugle pour le radiologue mais pas pour le clinicien. Néanmoins, les résultats mettent en évidence une augmentation de la résistance osseuse, calculée aussi bien dans le compartiment cortical que trabéculaire suggérant l’impact potentiel favorable sur la réduction des fractures.12
L’odanacatib est un inhibiteur de l’enzyme cathepsine K, protéase en charge de la dégradation du collagène osseux par les ostéoclastes. Nous avions résumé l’efficacité antifracturaire de cette molécule en prise orale hebdomadaire de 50 mg dans l’étude de phase 3 appelée LOFT (Long Term Odanacatib Fracture Trial).1 La mise à disposition de ce traitement est retardée.
Dans un sous-groupe de l’étude LOFT, les densités volumétriques trabéculaire et corticale ont été évaluées par CT et la résistance osseuse par analyse en éléments finis. Les résultats sont favorables avec, à deux ans de traitement par odanacatib versus placebo, une augmentation de la densité volumétrique aussi bien trabéculaire que corticale, tant par rapport aux valeurs de départ que par rapport à celles du groupe sous placebo. Par ailleurs, la résistance osseuse calculée est augmentée sous odanacatib alors qu’elle est stable ou en diminution dans le groupe sous placebo.13
L’étude LOFT a donné lieu à des analyses de sous-groupes préplanifiés en fonction de la présence de fractures vertébrales avant l’étude, de l’âge (plus de 70 ans), de l’ethnie (caucasien, asiatique ou autres), et des valeurs initiales de densité minérale osseuse. Quels que soient les sous-groupes, la robustesse des résultats sur la réduction du risque de fractures est maintenue, y compris chez les patientes les plus âgées, celles avec fractures vertébrales prévalentes et avec les valeurs de densité osseuse les plus basses.14
Nous avions résumé les résultats de l’étude DATA qui comparait l’évolution des marqueurs du remodelage osseux et les DMO de patientes sous tériparatide, dénosumab ou les deux, pendant deux ans.1 Cette étude a été suivie d’une extension préplanifiée d’une durée supplémentaire de deux ans, attribuant au groupe traité par tériparatide, du dénosumab, au groupe dénosumab, du tériparatide et au groupe ayant bénéficié du traitement combiné tériparatide-dénosumab, deux ans supplémentaires de dénosumab seul. Ont été suivies les valeurs des marqueurs du remodelage et des DMO du rachis, de la hanche et du poignet. Dans les deux groupes traités par deux ans supplémentaires de dénosumab, soit après tériparatide, soit après traitement combiné, les marqueurs du remodelage osseux restent contrôlés et les densités osseuses continuent d’augmenter. En revanche, dans le groupe initialement traité par dénosumab et qui continue avec deux ans de tériparatide, les valeurs des marqueurs osseux augmentent, cumulant probablement l’effet de stimulation globale du remodelage du tériparatide à l’effet rebond de la résorption osseuse à l’arrêt du dénosumab avec, comme conséquence, des pertes de DMO transitoires au rachis et à la hanche, plus durables au poignet. Ces informations sont naturellement de grande importance pour la stratégie de prise en charge de nos patients avec ostéoporose postménopausique.15 Toujours dans l’étude DATA, le dernier élément d’intérêt concernant les traitements combinés est la comparaison de l’évolution de la microarchitecture osseuse par HR-pQCT (scanner périphérique à haute résolution) après un an de tériparatide, dénosumab ou des deux. Les résultats suggèrent une amélioration plus marquée de la qualité ou microarchitecture osseuse sous traitement combiné de tériparatide et dénosumab en comparaison avec les résultats observés en monothérapie avec l’un ou l’autre des produits.16
La dysplasie fibreuse est une maladie métabolique osseuse dont l’histoire naturelle et les facteurs pronostiques sont mal connus. Sa présentation clinique est cosmopolite, depuis la découverte fortuite et tardive d’une image radiologique unique et asymptomatique jusqu’à des formes polyostéotiques responsables de douleurs, de déformations et de fractures. Elle peut être associée à des manifestations cutanées (tâches café au lait), et/ou endocriniennes (puberté précoce) et prend alors le nom de syndrome de McCune-Albright, ou à des myxomes intramusculaires, c’est le syndrome de Mazabraud. Une anomalie métabolique est parfois associée : une tubulopathie avec fuite rénale de phosphate. Les aspects radiologiques sont polymorphes associant des condensations osseuses à des aspects d’os « soufflé », « en volutes de fumée », voire en « verre dépoli » (figure 2). Dans ce contexte, le travail du Centre lyonnais de référence de la dysplasie fibreuse (Etude Francedys), qui a colligé des cas suivis depuis 1990, est d’un grand intérêt. Ont été identifiés 372 patients dont 67 % de femmes, d’âge moyen de 23 ans au moment du diagnostic. Le principal point d’appel était la douleur osseuse (44 %), ou une fracture (9 %). La maladie était mono-ostéotique dans 58 % des cas. Les deux localisations osseuses les plus fréquentes étaient le fémur (162 lésions) et le massif crânio-facial (143 lésions), cette dernière localisation étant à risque d’atteinte visuelle par compression du nerf optique (38 patients). Parmi les atteintes extra-osseuses, sont rapportés 8 % de diabète phosphaté, 12 % de syndrome de Mc Cune-Albright, et 11 % de puberté précoce. Deux tiers des patients inclus ont reçu un traitement par bisphosphonates (pamidronate intraveineux). En prospectif, le suivi moyen sous traitement est de sept ans. Des gestes chirurgicaux ont dû être réalisés chez 40 % des patients. En analyse univariée, le diagnostic à un âge jeune, le diabète phosphaté, les fractures prévalentes et les atteintes polyostéotiques (seul facteur pronostique défavorable persistant en analyse multivariée) sont associés à un pronostic plus sombre. Ce sont ces formes polyostéotiques qui justifient d’un suivi régulier avec une attention particulière pour la détection des atteintes des nerfs optiques en cas de localisation crânio-faciale, voire d’un traitement, mais dont l’impact sur les douleurs ou la survenue de fractures reste à démontrer.17
La maladie osseuse de Paget est caractérisée par des anomalies localisées du remodelage osseux associant une augmentation de la résorption osseuse, suivie d’une formation excessive d’un os de structure anormale dite tissée (os primaire), avec une image histologique dite en mosaïque. C’est la maladie osseuse la plus fréquente après l’ostéoporose, mais son incidence diminue. L’atteinte est familiale dans 30 % des cas et de nombreuses mutations ont été identifiées. Les complications sont les arthropathies (coxopathie pagétique), la surdité par compression du nerf auditif en cas d’atteinte du rocher, les compressions médullaires ou radiculaires (atteintes vertébrales). La famille des bisphosphonates, en tant que puissants inhibiteurs de la résorption osseuse, est le traitement de choix qui a révolutionné la prise en charge de la maladie. Néanmoins, les stratégies de traitement restent à établir bien que des lignes directrices récentes suggèrent l’intérêt de maintenir la valeur de la phosphatase alcaline (PAL, marqueur de formation osseuse) la plus proche possible de la médiane des normes. Dans l’étude PRISM-EZ, sur 502 pagétiques, 232 ont été randomisés dans un bras dit « symptomatique » (traitement en cas de symptômes dus à la maladie) et 270 dans un bras dit de « traitement intensif » visant à garder la PAL dans les valeurs normales.18 Le bisphosphonate utilisé a été le zolédronate en perfusion. Aucune différence n’est observée entre les deux groupes pour les scores de douleur et de qualité de vie. Par rapport aux patients dans le bras « symptomatique », les patients traités intensivement ont présenté un risque de fractures augmenté (RR 1,75) avec davantage d’interventions orthopédiques (RR 1,5) et en combinant les deux événements le RR montait à 1,9. Les conclusions des auteurs sont que, dans la maladie osseuse de Paget, il est préférable de traiter par bisphosphonate des patients symptomatiques, plutôt que de vouloir garder la valeur de PAL à l’intérieur de l’intervalle de référence.
L’hypophosphatasie est un rachitisme (défaut de minéralisation osseuse) héréditaire, rare, caractérisé par un déficit de l’activité de la phosphatase alcaline, lié à une mutation avec perte de fonction du gène codant. La sévérité de la maladie est d’autant plus marquée que les symptômes sont précoces (rachitisme, perte prématurée des dents, troubles de croissance, faiblesse musculaire, douleurs). Les formes néonatales sont léthales. La perte prématurée des dents est un symptôme fréquent. L’hypophosphatasie de l’adulte est moins sévère, voire peu symptomatique et donc souvent sous-diagnostiquée mais devrait être recherchée face à des fractures périphériques de fragilité. La prévalence de l’affection n’est pas connue. Des taux sériques bas de PAL et l’anomalie génétique codant pour le gène ALPL (Alkaline phosphatase, liver/bone/kidney) permettent de faire le diagnostic, dont l’intérêt est l’explication ou la prédisposition à la perte des dents et la contre-indication, relative à l’utilisation des traitements osseux antirésorptifs qui peuvent générer ou aggraver les troubles de minéralisation. Dans ce contexte, une étude a été conduite en Espagne, pour évaluer dans une population non sélectionnée, la fréquence, la relevance clinique et la mise en évidence de la mutation de l’hypophosphatasie. Sur une période de deux ans et demi, 500 000 analyses sériques ont permis de détecter 181 patients avec un taux de PAL sérique < 26 U dont 42 avec persistance inexpliquée d’une valeur de PAL basse ont été inclus dans l’étude. La mutation a été détectée chez 50 % des 42 patients dont la moitié présentait une perte prématurée des dents.19 L’intérêt récent porté à cette maladie provient de la disponibilité d’un traitement approuvé par la FDA (prochainement disponible en Suisse), l’asfotase alfa dont l’utilisation dans les formes périnatales, infantiles et juvéniles va révolutionner le pronostic de l’hypophosphatasie. Environ 200 000 patients sont concernés aux Etats-Unis. L’asfotase alfa est une phosphatase alcaline recombinante humaine déjà approuvée pour le traitement de l’hypophosphatasie au Japon, au Canada, en Europe et bientôt en Suisse. Les études « ouvertes », menées sur une centaine de très jeunes patients, sont associées à une réduction de la mortalité, du nombre de patients dépendant d’une ventilation assistée et à une amélioration radiologique des signes de rachitisme. Ont été présentés à l’ASBMR (American Society for Bone and Mineral Research) les résultats d’une extension de l’étude initiale d’une durée de six mois, avec douze patients âgés de 5 à 12 ans, traités pendant une durée de plus de cinq ans par injections sous-cutanées hebdomadaires de 6 mg/kg d’asfotase alfa (étude de phase II, ouverte). Tous les patients se sont améliorés sous ce traitement qui n’a pas entraîné d’effets secondaires, avec guérison osseuse et normalisation durable des performances physiques (tableau 2).20
Les fractures fémorales atypiques (FFA) restent une préoccupation comme complication des traitements inhibiteurs de la résorption osseuse, plus souvent observée sous bisphosphonates compte tenu de la plus grande fréquence et de l’ancienneté d’utilisation par rapport au dénosumab. Si les caractéristiques radiologiques ont bien été définies par les experts de l’ASBMR, la physiopathologie reste incomprise. Une incidence plus grande est décrite chez les patients asiatiques traités par bisphosphonates. Des données californiennes sur 48 390 femmes de plus de 50 ans, traitées par bisphosphonates, retrouvent cette particularité ethnique. La population suivie comportait 65,3 % de Caucasiennes et 17,1 % d’Asiatiques. Des FFA ont été diagnostiquées chez 68 femmes au cours d’un suivi moyen de 7,7 années. L’incidence globale évaluée à 18,7 par 100 000 patientes-année était huit fois plus élevée chez les Asiatiques par rapport aux Caucasiennes. Certes, la durée moyenne de traitement par bisphosphonates était d’une année de plus chez les Asiatiques (3,8 années versus 2,7) mais ce qui ne peut pas exclure une prédisposition raciale, à prendre en compte pour la gestion des traitements inhibiteurs de la résorption osseuse dans cette ethnie.21
La durée des traitements est associée avec une augmentation des FFA suggérant qu’un excès d’inhibition du remodelage osseux pourrait contribuer à leur survenue, via des altérations des propriétés du tissu osseux non évaluables par les examens de routine. Pour documenter cette hypothèse, un groupe américain à comparer des biopsies osseuses corticales chez neuf patients traités par bisphosphonates (âge 73 ± 12, 9,3 ± 4 années de bisphosphonate), faites à proximité du site de FFA, à des patients avec fractures fémorales de fragilité typiques, traités ou pas par bisphosphonates (traités 9,5 ± 6 années, n = 10, âge 88 ± 6, et non traités : n = 11, âge 85 ± 3) à onze patients sans fracture opérés pour une arthroplastie de hanche (âge 69 ± 5,5). La composition minérale a été évaluée par microscopie électronique, les propriétés mécaniques du tissu osseux par nano-indentation et la microstructure corticale et les fissures (cracks) par micro-CT. Les résultats mettent en évidence, dans l’os des patients traités par bisphosphonates, une réduction de l’hétérogénéité de la distribution des propriétés mécaniques et de la composition du tissu osseux cortical avec moins de cracks autour des ostéons et réduction de la solidité du matériau. Cette étude est la première qui objective des altérations des propriétés mécaniques de l’os adjacent aux zones des FFA et sous bisphosphonates.22
L’ostéonécrose aseptiques des maxillaires (ONJ, OsteoNecrosis of the Jaw) reste un sujet sensible dans les relations entre dentistes et médecins en charge de la santé osseuse des patients. Une revue systématique des études ainsi qu’un consensus international ont été publiés en 2015. Cet article relate toutes les informations de la littérature publiées entre janvier 2003 et avril 2014 sur l’incidence, la physiopathologie, le diagnostic et le traitement de l’affection, ainsi que les recommandations prodiguées par des experts de disciplines multiples pour sa prise en charge. L’ONJ reste une pathologie associée aux traitements oncologiques par voie parentérale qu’il s’agisse de bisphosphonates ou du dénosumab. L’incidence des ONJ sous ces traitements à fortes doses est de 1 à 15 % chez les patients oncologiques et de 0,01 à 0,001 % chez les patients traités à dose « ostéoporotique », à comparer avec l’incidence de la pathologie dans la population générale qui est de 0,001 %. Sont des facteurs favorisants : l’utilisation de glucocorticoïdes, les procédures chirurgicales maxillaires, la mauvaise hygiène dentaire, le diabète sucré. Les stratégies de prévention sont la réalistion des soins dentaires et l’obtention d’une cicatrisation complète avant l’instauration du traitement osseux et l’encouragement à une bonne hygiène dentaire. Les traitements sont conservateurs (antibiotiques topiques et systémiques), les débridements chirurgicaux étant réservés aux formes avancées.23
Des apports appropriés en calcium et vitamine D sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes à la prise en charge des patients avec ostéoporose et risque augmenté de fractures. Bisphosphonates et dénosumab sont des traitements antirésorbeurs avec une efficacité antifracturaire bien établie. La fréquence et les facteurs prédisposants des effets indésirables deviennent mieux compris. Dans l’ensemble, le rapport bénéfice/risque de ces traitements est favorable. De nouvelles molécules avec capacité d’augmenter la formation osseuse sont en développement ou en voie d’enregistrement. Leur place dans l’arsenal thérapeutique reste à être déterminée, de même que les stratégies pour maintenir leurs effets à long terme.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Chez l’adulte, un taux bas de phosphatase alcaline, une perte prématurée des dents et des fractures périphériques de fragilité doivent faire évoquer le diagnostic d’hypophosphatasie
▪ La maladie de Paget requiert un traitement quand elle est symptomatique
▪ La dysplasie fibreuse nécessite un suivi en cas de forme polyostéotique et d’atteinte crânienne