La diabétologie est une discipline de plus en plus technique, puisque les moyens pharmacologiques à disposition se révèlent être de plus en plus nombreux. En effet, il y a encore quelques années, après l’introduction d’un biguanide (metformine), on ajoutait une sulfonylurée, puis si les glycémies n’étaient pas suffisamment bien contrôlées, de l’insuline. Cependant, depuis 2007, avec l’arrivée des inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (gliptines), le choix des différentes classes pharmacologiques n’a cessé de croître, avec pour la plupart plusieurs médicaments au sein d’une même classe. Paradoxalement, l’augmentation du choix peut potentiellement mener à une inertie thérapeutique par méconnaissance de l’existence de ces traitements et de leurs effets, avec le risque d’augmenter les complications micro et macrovasculaires de nos patients diabétiques.
Paradoxalement, l’augmentation du choix peut potentiellement mener à une inertie thérapeutique
La majorité des patients diabétiques de type 2 sont vus par le médecin de premier recours. Dès lors, le spécialiste en diabétologie se doit de les aider dans la prise en charge des patients diabétiques de type 2. Depuis la publication récente de deux études marquantes dans le monde de la diabétologie, l’étude EMPA-REG pour l’empagliflozine et l’étude LEADER pour le liraglutide, la Société suisse d’endocrinologie et diabétologie (SSED) a émis de nouvelles recommandations de prise en charge pharmacologique dans le diabète de type 2, qui sont disponibles au format pdf sur le site internet de la société (http://sgedssed.ch/fileadmin/files/6_empfehlungen_fachperso nen/61_richtlinien_fachaerzte/SGED_Empfeh lung_BZ-Kontrolle_T2DM_Finale_Version_12_fr_corr_17.10.16.pdf).
La modification majeure par rapport aux anciennes recommandations concerne les patients avec maladie cardiovasculaire avérée. En effet, chez ces patients, après la metformine, il convient de privilégier l’ajout d’un inhibiteur du SGLT2 ou d’un agoniste du récepteur du GLP1. A noter que les données n’ont été validées à l’heure actuelle que pour l’empagliflozine et le liraglutide, ces deux dernières molécules ayant fait l’objet des études susmentionnées, révélant un bénéfice cardiovasculaire chez les patients en prévention secondaire. Il faut rappeler que les agonistes du récepteur du GLP1 ne peuvent être administrés qu’à partir d’un index de masse corporelle de 28 kg/m2, pour des raisons assécurologiques. Chez les patients avec maladie cardiovasculaire avérée, après l’introduction de l’un ou de l’autre de ces deux médicaments (l’association de ces deux classes thérapeutiques n’est pas possible à l’heure actuelle sans en faire la demande au préalable à l’assurance), le médecin de premier recours a le choix d’ajouter un inhibiteur de la DPP4 et /ou une sulfonylurée (préférence pour le gliclazide) et /ou de l’insuline. Pour les patients sans maladie cardiovasculaire avérée, on peut introduire après la metformine n’importe quelle catégorie médicamenteuse, bien entendu en fonction du risque d’effet secondaire (notamment prise de poids et hypoglycémie avec les sulfonylurées et l’insuline), et des désirs du patient et du médecin. Pour les patients avec fonction rénale altérée, avec ou sans maladie cardiovasculaire, le choix est bien entendu limité et il est alors possible d’introduire un inhibiteur de la DPP4 et /ou de l’insuline.
En pratique, il convient en premier lieu de déterminer la valeur cible d’hémoglobine glyquée individuelle avant d’introduire des médicaments comme mentionnés ci-dessus. En présence d’une hémoglobine glyquée très élevée, on ne se trompe jamais avec l’insuline, ce qui permet bien souvent une recompensation initiale. On peut alors souvent diminuer, voire arrêter l’insuline au profit d’antidiabétiques oraux et /ou d’un agoniste du récepteur du GLP1.
Mais au final, quand faudrait-il faire appel au diabétologue ? C’est une question relativement difficile, car les médecins de premier recours n’ont pas tous la même expérience avec le traitement pharmacologique du diabète. Cependant, si après avoir associé deux ou trois médicaments, les valeurs cibles d’hémoglobine glyquée individuelles ne sont pas atteintes, il faut envisager de diriger le patient vers un diabétologue. Cela peut être bien sûr pour un avis ponctuel pour adaptation thérapeutique, avant que le patient ne soit réadressé à son médecin traitant. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas hésiter à rapidement proposer un traitement combiné lorsque les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints, afin d’éviter l’inertie thérapeutique et la prolongation du temps passé avec un mauvais contrôle glycémique. Finalement, pour ce qui est de la prise en charge des patients diabétiques de type 1, nous préconisons un suivi spécialisé par un diabétologue, puisqu’il s’agit d’une maladie particulière et de longue durée.
En conclusion, le traitement du diabète de type 2 à l’heure actuelle n’est pas si facile, car le médecin de premier recours se confronte à une véritable jungle thérapeutique dans laquelle il doit se retrouver. En outre, l’adaptation du style de vie, si difficile à maintenir à moyen terme, est responsable à 50 % dans le succès de la prise en charge. Les différentes recommandations en fonction des sociétés savantes, et leurs adaptations fréquentes au cours du temps, ne facilitent pas la tâche. Dans l’intérêt du patient, il est donc important que le médecin de premier recours et le diabétologue puissent communiquer et se concerter.