Au cours de ces dernières décennies, la médecine de famille s’est développée vers une individualisation importante des soins, notamment autour de concepts du soin centré sur le patient. En parallèle, les enjeux de santé publique sont de plus en plus nombreux : vieillissement de la population et donc des patients, augmentation des coûts de la santé, démultiplication des moyens diagnostiques et thérapeutiques, mise en place de programmes communautaires de prévention et de dépistage, développement de l’interprofessionnalité, augmentation des inégalités face à la santé. Dès 2002, la Wonca avait inclus la santé publique dans la définition européenne de la médecine générale : « elle a une responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté. La discipline reconnaît sa responsabilité envers le patient à titre individuel et de manière plus large envers la communauté pour la prise en charge des soins de santé. Parfois, ceci peut causer des tensions et amener des conflits d’intérêts qui doivent être gérés de manière appropriée. » Dans ce contexte, il est opportun de se demander dans quelle mesure la médecine de famille pourrait encore mieux intégrer certains aspects de la santé publique dans sa pratique et des défis qui en découleraient.
Promouvoir une meilleure collaboration entre des domaines de la santé habituellement éloignés
Récemment, des collègues nord-américains ont développé dans Annals of Family Medicine1 le concept novateur de clinical population medicine, c’est-à-dire celui d’aller vers la réalisation d’objectifs de santé publique dans le cadre des activités de clinique en médecine générale. Cela devrait permettre, selon les auteurs, de réduire les inégalités en santé, de mieux appréhender les données des patients et de la population pour définir les besoins d’une communauté, et enfin de promouvoir une meilleure collaboration entre des domaines de la santé habituellement éloignés.
Il est dès lors intéressant de mieux comprendre les enjeux actuels et futurs de l’intégration de certains domaines de la santé publique dans la pratique clinique actuelle, notamment en termes d’opportunités et de risques pour le patient et la médecine de famille. La série d’articles présentée ici, issue des réflexions du groupe META* de l’Institut universitaire de médecine de famille (IUMF) (groupe de réflexion composé de médecins généralistes et de membres de l’IUMF), se penche sur quatre domaines différents en lien avec la santé publique en médecine de famille. L’article qui suit, ainsi que les trois qui seront publiés les semaines suivantes sont consacrés à cette thématique. Le premier est consacré au développement d’une vision populationnelle. Les trois autres traiteront des thèses suivantes : outils de communication et décision partagée pour des actions de santé publique, Médecine de famille et promotion-prévention de la santé, et surveillance épidémiologique en médecine de famille.
Nous souhaitons que cette série d’articles (et sa suite !) servent avant tout à susciter des réflexions, alors n’hésitez pas à réagir !